Une nouvelle fois, la mort d'un cadre d'Al-Qaeda est saluée en Occident comme l'élimination du fameux «numéro 3» mais, au total, huit «numéros 3» sont morts depuis la création du réseau d'Oussama ben Laden, ce qui fait peser des doutes sur cette hiérarchisation.

L'Égyptien Moustafa Abou al-Yazid, dont la mort a été annoncée par Al-Qaeda, était sans conteste un membre important de l'organisation jihadiste, reconnaissent des experts internationaux.

Mais peut-on vraiment lui donner un tel rang, alors que huit responsables, eux-aussi baptisés «numéros 3», se sont succédé, parmi lesquels sept ont péri de mort violente, depuis la fondation d'Al-Qaeda en 1988 ?

«Qualifier al-Yazid de numéro 3, c'est lui prêter beaucoup plus d'influence qu'il n'en n'avait», assure à l'AFP un officier du renseignement occidental, spécialisé dans l'antiterrorisme.

«Ce n'était pas un opérationnel, mais plutôt un historique, de la première heure. C'est une réussite importante sur le plan symbolique mais cela n'aura pas beaucoup d'impact sur le terrain», ajoute cet expert sous couvert de l'anonymat.

Le concept de «numéro 3» est symptomatique de l'utilisation d'une grille de lecture occidentale, qui privilégie un sens hiérarchique des organisations, appliquée à une réalité qui fonctionne tout autrement, à base d'une collégialité beaucoup plus complexe et difficile à comprendre, préviennent des experts.

Ainsi pour le français Jean-Pierre Filiu, auteur notamment des «Neufs vies d'Al-Qaeda», «cette fonction de numéro 3 est surtout mise en avant par les services occidentaux pour valoriser la neutralisation d'un cadre jihadiste d'importance, engagé aux côtés de Ben Laden et de Zawahiri, le tandem dirigeant de l'organisation».

Derrière Oussama ben Laden et l'Egyptien Ayman al-Zawahiri, sur les huit «numéro 3» qui se sont succédé, quatre ont été tués dans des bombardements américains en Afghanistan, puis au Pakistan, deux ont été capturés au Pakistan et transférés sous responsabilité américaine, un est décédé de mort accidentelle (noyé dans le lac Victoria, en Afrique) et un autre de maladie, rappelle Jean-Pierre Filiu.

«La structure d'Al-Qaeda est tout sauf démocratique», ajoute-t-il.

«Derrière les numéros 1 et 2, c'est plus flou. Tant que le sanctuaire afghan existait, avant le 11 septembre 2001, il n'était pas difficile de voir dans le chef militaire, qui a le contrôle sur le recrutement, la formation opérationnelle et les directives opérationnelles, le numéro 3. Depuis, c'est beaucoup moins clair».

Il n'en reste pas moins «qu'Abou al-Yazid est sans conteste le plus important dirigeant d'Al-Qaeda éliminé depuis l'investiture du président Obama», estime-t-il. «En tout état de cause, l'étau semble se resserrer autour de Ben Laden et d'al-Zawahiri, qui chercheront sans doute à se dégager par des provocations terroristes au Pakistan même, voire au-delà».