Après la mort de leur père il y a deux ans, Rasil et Anouar ont été placés dans un garage automobile de Sanaa, venant ainsi grossir la cohorte d'enfants forcés d'entrer sur le marché du travail au Yémen, le plus pauvre des pays de la péninsule arabique.

Rasil al-Kamiri, 11 ans, et son frère Anouar, âgé de 8 ans et muet de naissance, passent le plus clair de leur temps les mains dans le cambouis, nettoyant des pièces détachées pour pouvoir nourrir le reste de la famille restée au village d'Al-Akhmoor, à 300 kilomètres au sud de la capitale.

«Je travaille jour et nuit», dit laconiquement Rasil alors qu'Anouar, le sourire innocent, observe les gestes de son aîné pour pouvoir les imiter.

Selon une étude de 2010 de l'ONG basée aux États-Unis CHF International, cinq des onze millions d'enfants yéménites travaillent. Les trois cinquièmes ne sont pas scolarisés.

Selon l'organisation, 40% de ces enfants sont forcés à travailler entre l'âge de 7 et 13 ans et 10% commencent à travailler à 9 ans. Ce taux atteint 20% à 12 ans et 40% à 13 ans.

Plus encore, 80% de cette population effectue des travaux dangereux ou fatigants et 60% utilisent des outils dangereux pour leur âge, tandis que 30% avouent avoir été blessés ou être tombés malades au travail.

Un cinquième sont maltraités et 10% victimes d'abus sexuels, selon l'étude qui relève que certains parents poussent leurs enfants à aller travailler en Arabie saoudite voisine où ils peuvent gagner quelque 400 dollars par mois, un montant très supérieur aux salaires yéménites.

Selon l'organisation yéménite des droits de l'Homme Seyaj, des centaines d'enfants sont utilisés dans les provinces de Hijja et Houdeida (nord-ouest) dans le trafic de drogue avec les pays voisins.

«Plus de 200 enfants sont utilisés pour le trafic de drogue en Arabie saoudite (...) contre de modestes sommes d'argent», a affirmé à l'AFP Ahmed al-Qurachi, patron de l'ONG.

Le gouvernement est conscient du problème mais plaide l'impuissance.

Adel al-Charaabi, directeur au ministère des Affaires sociales et du Travail note que «la pauvreté explique le travail des enfants».

«La seule solution consiste à développer l'économie», ajoute-t-il.

Mais dans un pays aux ressources limitées et secoué par les violences, la situation des enfants qui travaillent ne semble pas prioritaire.

Selon une étude faite en juin par le ministère des Affaires sociales, «192 000 enfants sont employés dans l'agriculture» et exposés aux pesticides, ce qui provoque de nombreuses maladies de la peau, de l'asthme, des bronchites et parfois la perte de la vue.

Près de la moitié de ces enfants ont des maladies de la peau et 30% souffrent d'infections, selon l'étude.

«L'agriculture, qui était le métier le plus sûr, est devenu l'un des plus dangereux avec la généralisation des pesticides», dit M. Qurachi.

Les ateliers de réparation automobile utilisent un grand nombre d'enfants, selon la même étude.

«Enfants soldats», tel est le sort d'autres jeunes, relève M. Qurachi qui indique que des enfants ont combattu à la fois aux côtés des rebelles chiites dans le nord du pays et dans les rangs des tribus qui leur sont hostiles.

«Le gouvernement le sait bien», souligne ce militant.

Outre le travail, «la moitié des enfants yéménites souffrent de malnutrition chronique et un sur 10 meurt avant l'âge de cinq ans», selon le Programme alimentaire mondial. Ils figurent en deuxième position après ceux d'Afghanistan et à la troisième place pour leur faible poids après ceux de l'Inde et du Bangladesh.