La dernière brigade de combat de l'armée américaine a quitté l'Irak dans la nuit d'hier, une opération largement médiatisée aux États-Unis et que l'administration de Barack Obama a présentée comme un «succès».

Plus de 50 000 militaires américains demeureront sur des bases en Irak, au moins jusqu'à la fin de 2011. Washington compte aussi doubler le nombre d'employés de sociétés privées actifs en Irak, qui seront environ 7000 l'an prochain.

Prévu depuis l'arrivée d'Obama au pouvoir, le retrait des troupes de combat soulève des doutes chez plusieurs experts. Ceux-ci notent que les Américains laissent derrière eux un pays en lambeaux, et une force de sécurité nationale qui n'a pas les ressources pour défendre l'intégrité de son territoire.

«Le président remplit une promesse électorale, mais la réalité, c'est que nous sommes dans le brouillard actuellement», explique en entrevue Hannah Gurman, professeure à l'Université de New York et auteure d'un livre à paraître sur l'histoire des contre-insurrections dans la politique étrangère américaine.

Mme Gurman dénonce la langue de bois qu'utilise l'administration Obama. Les politiciens, remarque-t-elle, ont biffé le mot «victoire» de leur vocabulaire, pour le remplacer par «succès», terme plus vague qui projette de l'optimisme.

«Les soldats ne sont plus des soldats, mais deviennent des "conseillers". Leur départ est fixé à la fin de 2011, mais le gouvernement se dit prêt à prolonger son engagement si les conditions devaient se détériorer. Il n'y a rien de réglé.»

Le rôle des sociétés de sécurité privées est appelé à croître. Selon le New York Times, qui cite des responsables de l'administration sous le couvert de l'anonymat, des agences de sécurité seront chargées de la surveillance radar, de la détection de bombes artisanales le long des routes et de vols de surveillance menés par des drones, des fonctions qu'assume traditionnellement l'armée américaine.

Dans un essai récemment publié sur Salon.com, Mme Gurman rappelle que l'Irak est toujours sans gouvernement, cinq mois après les élections nationales.

«Les Irakiens continuent à vivre une situation instable et compliquée. Je mets au défi le président Obama ou quiconque d'aller en Irak et de regarder un enfant dans les yeux. Un enfant qui, sept ans après l'invasion des troupes américaines, manque toujours d'un logement adéquat, d'eau potable, de soins de santé, d'électricité et d'éducation. Dites à cet enfant que la guerre est un succès.»

«Professionnalisme»

Hier, le porte-parole des forces américaines en Irak, le général Stephen Lanza, a dit sur les ondes de l'émission matinale The Early Show que les forces irakiennes faisaient preuve de «professionnalisme» et qu'elles avaient fait «beaucoup de progrès depuis 2003».

Plus tôt ce mois-ci, le chef de l'état-major irakien avait provoqué des remous en affirmant que le départ des troupes américaines à la fin de 2011 était «prématuré». Le général Hosheyar Zebari a dit souhaiter que «trois ou quatre» bases américaines restent en fonction en Irak.

Les forces irakiennes compteront de 200 000 à 240 000 soldats à la fin de 2011. Au moment de l'invasion américaine en 2003, l'armée de Saddam Hussein comptait de 375 000 à 500 000 militaires.

Les forces irakiennes sont également sous-équipées. L'armée a récemment déclaré avoir reçu 11 des 140 chars d'assaut promis par les Américains. Les autres véhicules ne seront pas livrés avant la mi-2012, des mois après le départ des forces américaines. Dix-huit chasseurs F-16 commandés par les Irakiens ne seront pas livrés avant 2013.