Un nouveau centre commercial a été inauguré à Gaza à la fin du mois de juillet, signe, selon les Israéliens, d'une amélioration de la situation économique. Pure propagande, répondent les Palestiniens. Notre journaliste s'est penché sur cette controverse alors que reprennent les pourparlers de paix.

A priori, c'est un modeste centre commercial comme il en existe des milliers dans le monde arabe: une dizaine de magasins répartis sur deux étages, des enseignes bariolées et des néons en pagaille sur fond de musique d'ambiance. Mais à Gaza, où tout a force de symbole, le Gaza Mall est devenu un enjeu politique dès son ouverture, à la fin du mois de juillet.

Pour l'État juif, les images de ces rutilants commerces courus par les Gazaouis infligent un cinglant démenti à la propagande anti-israélienne qui présente Gaza comme un territoire sinistré, rongé par la misère.

«Alors que le Hamas demande la levée du blocus, le commerce local semble se porter très bien», note ironiquement le journal à grand tirage Yediot Aharanot. De son côté, la classe politique israélienne a saisi l'occasion pour dénoncer en choeur les rumeurs de crise à Gaza.

Pour les plus fortunés

«Ce centre commercial n'a rien de commun avec ce que l'on trouve en Occident», tempère Sami Abdelshafi, homme d'affaires de Gaza. «Oui, l'ouverture de ce centre commercial traduit la volonté des habitants de Gaza de continuer à vivre le plus normalement possible. Mais elle ne marque en rien une reprise de l'économie.»

L'ouverture du centre commercial vient surtout souligner la complexité du blocus auquel est soumis Gaza. Car depuis l'assouplissement consenti à la suite du raid contre une flottille d'aide humanitaire en mai, tous les biens de consommation peuvent entrer librement: produits alimentaires, parfums de marque, matériel électronique...

Le Gaza Mall n'a donc rien à envier à ses homologues occidentaux. Mais l'Égypte et Israël continuent de limiter sévèrement la circulation des personnes et des matières premières.

«Sur le fond, rien n'a changé, déplore Rami Fayyad, professeur de français à Gaza. Seuls les plus fortunés ou ceux qui ont la chance d'être employés dans la fonction publique peuvent se permettre d'acheter ici.»

Photos et polémique

L'inauguration du centre commercial a alimenté encore un peu la défiance des Israéliens envers Gaza. Depuis quelques jours, des photos montrant des rues verdoyantes et des gratte-ciel flambant neufs de Gaza circulent sur l'internet avec cette légende: «Devinez où ont été prises ces photos?» Le message est clair: les Palestiniens trompent la communauté internationale en exagérant leurs difficultés économiques.

«Le vrai problème des Palestiniens à Gaza, c'est la dictature islamiste du Hamas et le blanchiment d'argent. La croissance économique de Gaza ne pourra se faire qu'après la disparition du fondamentalisme islamique», dit Richard Sitbon, économiste au ministère des Finances d'Israël.

Mais Gaza, malgré quelques poches de prospérité comme le Gaza Mall, reste une enclave sous perfusion où vivent plus d'un million de Palestiniens. Son économie dépend en grande partie de l'aide internationale, et le Hamas se maintient au pouvoir grâce aux subsides iraniens.

«On ne peut pas parler de crise à Gaza, au sens où les gens ne meurent pas de faim comme dans certains pays d'Afrique. C'est avant tout une crise de la dignité. Les Gazaouis ne peuvent pas sortir librement. Ils ne maîtrisent ni leurs eaux territoriales, ni leur approvisionnement en électricité ou en carburant. Ce centre commercial ne doit pas faire illusion», estime Karim Lebhour, auteur du livre Jours tranquilles à Gaza.