Le projet serait né dans les cerveaux engourdis de soldats américains ayant un faible pour le haschisch et l'alcool: tuer au hasard des civils afghans, juste pour le plaisir, et sans avoir à en subir les conséquences.

Le 15 janvier dernier, des soldats appartenant à une unité d'infanterie auraient commencé à mettre ce projet à exécution dans le village de La Mohammed Kalay. À l'approche d'un civil, l'un d'eux aurait lancé une grenade pour faire croire à une attaque et les autres auraient ouvert le feu, tuant l'homme.

Le 22 février et le 2 mai derniers, deux autres civils afghans, dont un religieux, auraient été tués dans des circonstances semblables par ces soldats servant dans la province de Kandahar, dans le sud de l'Afghanistan.

Au total, cinq membres de l'unité d'infanterie, dont un sergent-chef, ont été inculpés du meurtre de ces trois civils, a révélé le Washington Post dans un article qui lève le voile sur ce qui pourrait être un des chapitres les plus macabres de la guerre en Afghanistan.

Selon le journal, sept autres soldats de cette unité ont été accusés dans le cadre de cette affaire, notamment pour usage de haschisch, tentative d'obstruction de l'enquête et agression contre un soldat qui avait informé ses supérieurs des transgressions de ses camarades.

Des soldats ont également été accusés d'avoir démembré et photographié des cadavres, ainsi que d'avoir conservé des os humains et un crâne.

Tous les soldats impliqués ont nié avoir tué des civils pour le plaisir.

Le reportage du Washington Post s'appuie sur des documents militaires et des interviews de personnes proches du dossier. Il met en cause non seulement les soldats accusés mais également leurs supérieurs, qui auraient été alertés à plusieurs reprises par le père d'un des soldats accusés dans cette affaire. Deux des trois meurtres seraient survenus après l'intervention du père.

«Escadron de tueurs»

Selon les documents cités par le Washington Post, le sergent-chef Calvin Gibbs, soldat originaire du Montana ayant servi en Irak en 2004 et une première fois en Afghanistan de janvier 2006 à mai 2007, est à l'origine du projet barbare. Le militaire de 25 ans aurait commencé à parler de créer un «escadron de tueurs» en décembre 2009, en se vantant d'avoir réussi à transgresser les règles militaires en Irak sans se faire prendre.

La justice militaire impute au caporal Jeremy Morlock, soldat originaire de Wasilla, en Alaska, la responsabilité d'avoir lancé la grenade lors du meurtre du 15 janvier. Le soldat Andrew Holmes aurait été le premier à ouvrir le feu sur le civil afghan.

Les spécialistes Michael Wagnon et Adam Winfield ont également été impliqués dans l'un ou l'autre des deux autres meurtres de civils. Le père du soldat Winfield, ex-marine, est celui qui a communiqué à plusieurs reprises avec les membres de la hiérarchie militaire après le premier meurtre. Il a dit ne pas comprendre pourquoi son fils avait été impliqué dans le troisième.

Populaire haschisch

Le Pentagone n'a pas commenté l'article du Post. Son enquête dans cette affaire a été déclenchée après qu'un soldat eut été sauvagement battu par des compagnons d'armes qui lui en voulaient d'avoir informé la hiérarchie militaire de la popularité du haschisch au sein de l'unité d'infanterie dévoyée.

Les soldats impliqués dans les meurtres des civils faisaient partie d'une section de la 5e brigade Stryker de la 2e division d'infanterie. Selon le Washington Post, cette brigade, composée de 3800 militaires, avait fait l'objet d'un programme spécial pour identifier les soldats souffrant de dépression, de toxicomanie et du syndrome de stress post-traumatique, entre autres problèmes.

La brigade est issue de la base Lewis-McChord située près de Tacoma, dans l'État de Washington.