Sur un air rythmé, un soldat israélien exécute une parodie de danse orientale. Bras levés, sourire aux lèvres, il se trémousse tout près d'une femme. Une Palestinienne. Une prisonnière. Les yeux bandés et les mains liées, elle reste immobile, plaquée contre un mur.

La vidéo dure un peu plus d'une minute. Mise en ligne sur YouTube il y a deux ans, elle a été diffusée à la télévision israélienne lundi.

«Je ne dirais pas que ça a provoqué un tollé, mais oui, ça a été mentionné partout, dans chaque journal et à la télé», précise Yehuda Shaul, joint en Israël hier.

Le jeune homme est l'un des cofondateurs de Brisons le silence. L'organisme regroupe d'anciens combattants de l'armée israélienne qui refusent ce qu'ils qualifient de «loi du silence».

Pour M. Shaul, qui a fait son service militaire obligatoire de 2000 à 2004, les images qui choquent à l'étranger ont des airs de... déjà-vu.

«C'est très, très commun de voir les Palestiniens traités de la sorte. C'est banalisé, dénonce-t-il. C'est la façon dont les soldats israéliens voient les Palestiniens. Parfois, parce que ce sont des criminels. Parfois, parce que les soldats veulent leur donner une leçon, leur montrer qui est le patron.»

Incident isolé?

L'armée a annoncé la tenue d'une enquête sur la vidéo. L'Autorité palestinienne a dénoncé l'attitude d'Israël.

«Ceci est une illustration répugnante de la mentalité maladive de l'occupant. Ce n'est pas un incident isolé», affirme dans un communiqué le gouvernement de l'Autorité palestinienne, soulignant que les nouveaux médias permettent de «dévoiler au grand jour la culture d'humiliation des Palestiniens».

«Ces vidéos sont des cas isolés qui ne représentent pas l'armée israélienne dans son ensemble», plaide de son côté le commandement israélien dans un communiqué. Chaque signalement de comportement de ce type, ajoute-t-il, fera dorénavant l'objet d'une enquête.

Selon Lawrence Nyveen, professeur à l'Université Concordia et spécialiste des médias et de l'histoire militaire israélienne, de plus en plus d'images du genre risquent de faire surface. «Nous vivons dans un monde très différent d'il y a 15 ans, note-t-il. Aujourd'hui, tout est interconnecté.» Des soldats se filment ou se photographient en compagnie de prisonniers et diffusent les images parce que «les limites mentales ont changé. Il n'y a plus autant de sens de l'intimité», explique-t-il.

En août dernier, une ex-soldate avait fait les manchettes pour des raisons semblables. La jeune femme avait mis en ligne des photos d'elle posant avec des prisonniers palestiniens sur sa page Facebook. Interrogée à ce sujet, elle avait répondu aux médias n'avoir «rien fait de mal».

Houchang Hassan-Yari, spécialiste du Moyen-Orient, croit que la médiatisation de ces cas a finalement peu d'impact. «Il y a eu beaucoup de scandales de cette nature et des bien pires», dit le professeur au département de sciences politiques du Collège militaire royal du Canada à Kingston. Habituellement, la direction de l'armée réagit sur-le-champ en disant que c'est inadmissible. Mais on connaît rarement les résultats de leurs enquêtes.»

- Avec l'AFP