Le mariage de plaisir, très peu connu en Occident, est de plus en plus répandu dans la communauté musulmane chiite. Courant en Iran, il reste encore tabou au Liban. Reportage à Beyrouth sur une pratique secrète.

C'est le mariage le plus facile du monde à contracter. Une femme prononce la formule: «Je me donne à toi pour telle durée et pour telle somme.» L'homme répond: «J'accepte.» Le tour est joué. L'union peut être immédiatement consommée.

Malgré l'approbation des autorités religieuses chiites, le mariage de plaisir, aussi appelé mariage temporaire, reste considéré par une majorité de musulmans chiites comme un mariage au rabais, honteux et dégradant, car il autorise des relations sexuelles en dehors du mariage permanent.

«Des parents ont tué leur fille parce qu'elle avait conclu un mariage de plaisir ou simplement parce qu'ils avaient un doute. C'est arrivé dans la Bekaa ou le Hermel au cours des dernières années -deux régions frontalières de la Syrie», affirme le cheikh Karkaba.

Approuvé par Mahomet

Les mariages temporaires, rejetés socialement, ont pourtant été autorisés par le prophète Mahomet, notamment pour permettre de supporter l'éloignement lors des conquêtes. Il a ensuite été interdit par le deuxième calife de l'islam, Omar, mais les dignitaires chiites, par défiance, l'ont toujours considéré comme légitime.

Ils continuent à le défendre aujourd'hui. «Ce mariage permet d'assouvir ses besoins sexuels en dehors du mariage permanent, dans un cadre religieux. Il permet d'éviter la fornication, la multiplication des partenaires», explique le cheikh Khichn.

«Ce mariage ne peut pas être assimilé à de l'adultère, car en cas d'enfant né des relations sexuelles lors du mariage de plaisir, ce dernier est considéré comme légitime, avec des droits d'héritage», ajoute le cheikh. Une façon également de distinguer le mariage de plaisir de la prostitution. Une autre règle dans ce sens prévoit d'ailleurs que la femme doit attendre 45 jours entre deux mariages de plaisir, même si rien ne prouve que cette condition soit vraiment respectée dans la pratique.

Il n'est pas nécessaire de passer de contrat écrit ni de prononcer la formule devant témoins. Un mariage temporaire peut donc théoriquement se conclure par téléphone ou même sur l'internet!

Nouveaux adeptes

Le mariage de plaisir est surtout prisé par les hommes mariés, qui peuvent contracter ce genre d'union sans limitation, à l'inverse de la femme. Il est pratiqué principalement avec des femmes veuves, divorcées ou qui ont passé l'âge de se marier.

Hussein a 35 ans et quatre enfants, et a récemment pratiqué pendant trois mois un mariage de plaisir avec une veuve. «Elle m'a tout de suite plu. Si je n'avais pas conclu un mariage de plaisir, j'aurais sûrement divorcé», explique-t-il.

À la question de savoir si sa femme était au courant, la réponse fuse. «Sûrement pas, elle ne l'aurait jamais accepté!»

Khouloud, mère de famille, entend régulièrement des histoires sur des mariages de plaisir qui tournent mal. «Les gens le pratiquent n'importe comment, en se cachant, cela est devenu totalement impossible à superviser.»

Sympathisante du Hezbollah, elle explique que le mariage temporaire sème même la zizanie au sein du Parti de Dieu. «Les veuves des combattants martyrs l'utilisent très souvent, au point que les autres femmes ont peur qu'elles concluent en secret des mariages de plaisir avec leurs maris. Elles sont particulièrement redoutées!» raconte-t-elle.

Phénomène nouveau, les mariages de plaisir connaissent un certain essor aussi dans le milieu étudiant. «Conclure des mariages de plaisir me permet de fréquenter des femmes et d'avoir des relations sexuelles avec elles, pour trouver celle avec laquelle je veux me marier pour fonder une famille», explique ainsi Ali, 22 ans, étudiant à l'Université libanaise.

«Il faut être réaliste. Les jeunes prolongent de plus en plus leurs études et n'ont pas les moyens financiers pour se marier tôt. Il faut bien qu'ils vivent leur sexualité, mais de manière contrôlée. Le mariage de plaisir est un bon compromis», affirme le cheikh Khichn. «Mais, prévient-il, le mariage reste fortement déconseillé aux filles vierges, tant qu'elles ne sont pas responsables et n'ont pas atteint un certain degré de discernement.»