Le chef du Hezbollah Hassan Nasrallah a exhorté jeudi les Libanais à boycotter le tribunal de l'ONU chargé d'enquêter sur l'assassinat du dirigeant Rafic Hariri, affirmant que toute coopération avec les enquêteurs serait une «agression» contre le mouvement chiite.

Nasrallah s'exprimait au lendemain d'un incident impliquant des enquêteurs du Tribunal spécial sur le Liban (TSL) qui se sont vu empêcher mercredi l'accès à des dossiers dans une clinique gynécologique de la banlieue sud de Beyrouth, bastion du Hezbollah, après une altercation avec des femmes.

Cet épisode, selon lui, l'a conduit à s'exprimer sur «le comportement des enquêteurs du bureau du procureur général du tribunal».

«Nous avons atteint un point sensible et très dangereux qui touche à notre honneur et amour propre, et cela requiert de nous une position différente», a dit le chef du puissant parti chiite lors d'une allocution diffusée par la chaîne Al-Manar du Hezbollah.

«J'appelle tous les Libanais, citoyens (...) et politiques, à boycotter ce tribunal et cesser toute coopération avec ses enquêteurs». «Toute coopération supplémentaire avec le tribunal équivaudrait à une attaque contre la résistance» (le Hezbollah, ndlr), a-t-il dit.

«Face à ce comportement scandaleux des enquêteurs (...) nous demandons à tout responsable et tout citoyen libanais de les boycotter et de ne pas coopérer avec eux».

«Tout ce qui leur est fourni parvient aux Israéliens. La spoliation, ça suffit!», a-t-il ajouté. «Continuer à coopérer avec eux (les enquêteurs, ndlr) contribue encore plus à la spoliation du pays et à l'agression contre la résistance».

Toutes les données collectées par les enquêteurs «parviennent à des services de sécurité étrangers et à Israël», a-t-il insisté.

Il s'est demandé pourquoi les enquêteurs s'étaient intéressés «aux dossiers médicaux de nos femmes?», affirmant que la clinique en question est «la plus fréquentée par les épouses, filles et soeurs des responsables du Hezbollah».

Mercredi, deux enquêteurs avaient demandé des renseignements sur des patientes à la responsable de la clinique et s'apprêtaient à quitter les lieux quand une trentaine de femmes s'en étaient pris à eux.

Le procureur du TSL, Daniel Bellemare, a affirmé que cet incident n'empêcherait pas son bureau de poursuivre sa mission.

Le TSL a été mis en place par l'ONU pour enquêter sur l'assassinat en février 2005 à Beyrouth de l'ancien premier ministre Rafic Hariri.

Un bras de fer oppose le camp de Saad Hariri, premier ministre et fils de Rafic, à celui du Hezbollah, qui accuse le TSL d'être «politisé» et d'avoir basé son enquête sur de faux témoignages.

Le mouvement chiite s'attend à ce que le TSL accuse des membres du parti d'implication dans le meurtre.

Selon Nasrallah, l'acte d'accusation du TSL est rédigé depuis 2006, et c'est le même qui a été publié dans Der Spiegel et Le Figaro (...) et j'en ai été informé en 2008», a-t-il affirmé.

Toujours selon lui, «les États-Unis font en sorte que l'acte d'accusation soit dressé plus tôt que la date prévue en décembre».

À New York, l'envoyé spécial de l'ONU au Liban, Terje Roed Larsen, a affirmé jeudi qu'il était urgent de désarmer les groupes comme le Hezbollah, mettant en garde contre «un ouragan qui souffle» sur le Proche-Orient.

L'ambassadrice américaine à l'ONU, Susan Rice, a de son côté accusé l'Iran et la Syrie de continuer à armer le Hezbollah qui exerce, selon elle, une influence «destructrice et déstabilisante» dans la région.