Il y a 15 ans, le premier ministre israélien Yitzhak Rabin tombait sous les balles d'un jeune extrémiste de droite, en plein Tel-Aviv. Aujourd'hui, la paix dont ce politicien rêvait est toujours un mirage et son héritage politique fait l'objet de vives critiques, y compris au sein du Parti travailliste. Dalia, sa fille, se bat pour défendre sa mémoire.

Dalia Rabin observe attentivement le groupe de jeunes militaires qui visitent le musée consacré à son père, dans la banlieue de Tel-Aviv. Au mur, de grandes photos en noir en blanc montrent Yitzhak Rabin en uniforme du Palmah, l'unité d'élite de la Haganah, ancêtre de Tsahal.

Plus loin, un film évoque l'éclatante victoire de la guerre des Six Jours. Puis, la guide raconte le difficile chemin vers la paix: la poignée de main avec Yasser Arafat sur la pelouse de la Maison-Blanche, la réconciliation avec le roi de Jordanie et enfin le dernier discours de Rabin, le soir du 4 novembre 1995, quelques minutes avant qu'un militant d'extrême droite ne l'abatte.

«Ces jeunes étaient tout petits lorsque mon père a été assassiné, souligne Dalia Rabin. Pour eux, Rabin, ce n'est qu'un nom dans un livre d'histoire. En venant dans ce musée, je veux qu'ils comprennent qu'il fut un des grands bâtisseurs de l'État d'Israël. Un homme qui a risqué sa vie pour qu'ils puissent vivre en paix dans leur pays.»

Occasions manquées

Dalia Rabin insiste à dessein sur le rôle joué par son père dans l'aventure sioniste. Car elle sait que son héritage politique est désormais ouvertement critiqué par une bonne partie de l'opinion. Fruit d'une négociation avec l'OLP de Yasser Arafat, le processus d'Oslo est souvent considéré comme une erreur funeste qui a entraîné une vague d'attentats terroristes sanglants sans déboucher sur un accord de paix avec les Palestiniens.

Selon ses détracteurs, Rabin aurait été trop faible face aux Arabes, malhabile sur le plan diplomatique. «Pour beaucoup d'Israéliens, Rabin symbolise des occasions manquées», a ainsi déploré la jeune députée travailliste Einat Wilf.

«On peut critiquer ce qu'a fait mon père, mais à ce jour, personne n'a trouvé de meilleure solution pour régler le conflit avec les Palestiniens», rétorque Dalia Rabin. De fait, 15 ans après l'assassinat de Rabin, aucun règlement pacifique avec les Palestiniens ne se profile. Et la majorité de la classe politique s'est ralliée au principe énoncé par Rabin, «deux États pour deux peuples», sans toutefois parvenir à l'appliquer.

Gauche orpheline

Quant au Parti travailliste - qui a régné sans partage sur la politique israélienne durant trois décennies -, il ne compte plus qu'une poignée de députés à la Knesset et n'en finit pas de sombrer dans les sondages. Depuis 15 ans, il se cherche un dirigeant charismatique. La gauche israélienne est toujours orpheline de Rabin.

Lors du grand rassemblement qui s'est tenu à Tel-Aviv samedi soir dernier place Rabin, le lieu du crime, 20 000 Israéliens ont pleuré cette cruelle absence. «Nous ressentons un grand vide, confie Ilana, militante du parti de gauche Meretz. Sa disparition a marqué un tournant dans l'histoire d'Israël. En le perdant, nous avons aussi perdu l'espoir de faire un jour la paix avec nos voisins.»