Voilées ou laïques, les députées irakiennes appartenant à tout l'éventail politique se sont rebiffées contre la flagrante sous-représentation féminine dans les institutions, en particulier au gouvernement, obligeant les hommes à faire un mea culpa public.

«C'est une injustice qu'il n'y ait pas une femme vice-président de la République et nous voulons ce poste pour pouvoir influer sur les décisions et être des partenaires à part entière», a déclaré Safia al-Souhaïl, députée de la liste de l'État de droit patronnée par le premier ministre Nouri al-Maliki, lors d'un débat samedi soir au Parlement.

«M. Maliki a promis que les femmes seraient représentées au gouvernement, mais je ne suis pas optimiste sur le fait qu'elles occuperont des postes importants», a fait écho Hanane al-Fatlawi, voilée de noir, qui appartient à la même formation.

Sous la pression des députées, le Parlement a voté samedi soir une résolution affirmant que la question des femmes était «sa priorité» et créant un comité de suivi, a annoncé son président Oussama al-Noujaïfi.

Si la Constitution impose qu'un quart des députés soient des femmes, il n'y a en effet aucun quota pour le gouvernement. Et la nomination mardi d'une seule femme au gouvernement, qui plus est comme secrétaire d'État sans portefeuille, a mis le feu aux poudres.

«Je suggère à M. Maliki de choisir même un homme pour le ministère des droits de la Femme, puisque vous ne faites pas confiance aux femmes», a raillé la députée kurde Ala Talabani sous les applaudissements.

«Je suis étonnée que les femmes soient absentes du gouvernement. Les politiciens ont ignoré les articles de la Constitution en faveur des femmes», a déclaré Aatab al-Douri, de la liste laïque Iraqiya.

Devant cette révolte, les hommes, y compris les membres des partis religieux chiites conservateurs, ont dû s'incliner.

«Nous devons éduquer notre société avec une nouvelle manière de penser, plus humaniste, qui ne fera plus la différence entre hommes et femmes», a déclaré l'ancien premier ministre Ibrahim al-Jaafari, issu du parti fondamentaliste chiite Dawa.

Le député sadriste Bahaa al-Araji a enchéri: «Tout le monde reconnaît que les femmes ont été injustement traitées sous l'ancien régime (de Saddam Hussein), mais il faut reconnaître qu'elles le sont aussi actuellement, et c'est une honte».

«Les partis islamiques n'ont pas accordé leurs droits aux femmes et nous devons adopter des lois qui les garantissent», a-t-il ajouté.

Vêtu du turban blanc et d'une abaya (cape) brune, cheikh Sabah al-Saadi, du petit parti religieux Fadhila (vertu), dont est issue la seule femme du gouvernement, est allé dans le même sens: «La Constitution garantit aux femmes d'être présentes dans les institutions, mais les groupes politiques ne l'ont pas respectée».

Accusé, Nouri al-Maliki a rejeté la faute sur les groupes politiques, qui n'ont pas présenté suffisamment de candidates pour le gouvernement, malgré ses appels répétés. «J'avais demandé à tous les groupes politiques de proposer des femmes et je ne vous cache pas que je n'ai reçu qu'une seule candidate. Ce n'est pas assez», a expliqué le premier ministre aux députés.

L'un des 43 points de son programme de gouvernement fait mention de «la nécessité de promouvoir la condition féminine». «Elles vont dire que je n'en prends pas le chemin», a-t-il lancé aux députés en présentant son programme.