Israël observe «attentivement» l'évolution de la crise politique au Liban tout en semblant écarter pour le moment le scénario d'une guerre et le risque d'une escalade armée de la part du Hezbollah le long de la frontière commune.

Le ministre israélien de la Défense Ehud Barak a fait savoir jeudi qu'«Israël suivait avec vigilance» l'évolution de la situation au Liban, selon son porte-parole Barak Seri.

«Cette crise est une affaire intérieure libanaise. Mais nous suivons attentivement ce qui se passe. Israël est évidemment opposé à toute escalade de la situation à notre frontière nord avec le Liban», a déclaré pour sa part à l'AFP un haut responsable gouvernemental sous couvert de l'anonymat.

Le gouvernement libanais est tombé mercredi après la démission des 11 ministres du camp du Hezbollah chiite, bête noire d'Israël et un allié de Damas et Téhéran.

Le Hezbollah, qui s'attend à être mis en cause dans le meurtre de l'ex-Premier ministre Rafic Hariri en 2005, avait fait pression sans succès sur le Premier ministre Saad Hariri pour qu'il désavoue le Tribunal spécial pour le Liban (TSL) enquêtant sur l'assassinat de son père.

«L'armée israélienne est toujours prête à faire face à toute éventualité», a déclaré à l'AFP un porte-parole militaire, sans faire état de concentration de troupes ni de tension exceptionnelle à la frontière.

Cité par le quotidien Israël Hayom, un officier supérieur de la région nord d'Israël, qui couvre la frontière avec le Liban, a estimé que «le Hezbollah est parfaitement conscient du fait qu'Israël a tiré les leçons de la Seconde guerre du Liban» (juillet-août 2006).

Selon lui, le Hezbollah «va prendre garde de ne pas se livrer à des provocations à la frontière quand bien même il souhaiterait détourner l'attention de la crise interne au Liban».

L'ensemble des commentateurs écartent le danger d'un nouveau conflit armé pour l'heure, mais sans préjuger de l'avenir.

«Le Hezbollah n'a aucun intérêt à provoquer une escalade qui n'empêcherait certainement pas la publication du rapport du TSL, et lui ferait porter aux yeux des Libanais la responsabilité d'une nouvelle guerre», explique le chercheur Zisser Eyal de l'université de Tel-Aviv.

Pour l'analyste Ehud Yaari, «le Hezbollah est parfaitement conscient du prix à payer en cas d'un nouveau conflit. Il affirme qu'il ne le souhaite pas et il y a toutes les raisons de le le croire».

La situation serait différente, selon lui, «si le Hezbollah parvenait en fin de compte à dicter ses volontés au gouvernement libanais et à prendre le contrôle des forces armées. Mais on n'en est pas là».

Le général de réserve Ouzi Dayan, ancien patron du Conseil de la sécurité nationale, partage cette analyse: «ni le Hezbollah, ni ses parrains syrien et iranien, qui en tirent les fils, et encore moins Israël, ne veulent d'un conflit aujourd'hui».

Pour lui, «le Hezbollah privilégie la lutte politique interne, la Syrie n'a aucun intérêt à un conflit et l'Iran veut préserver les forces du mouvement chiite libanais pour s'en servir comme riposte le jour où Israël s'attaquerait à ses installations nucléaires».

«Ceci étant dit, la situation est tellement fluide et explosive au Liban que tout est possible», met-il en garde.

Il rappelle que le dernier conflit avec le Liban en 2006 a éclaté après l'enlèvement à la frontière par le Hezbollah de deux soldats israéliens. «Le Hezbollah n'imaginait pas qu'Israël déclencherait une véritable guerre en réponse, et le gouvernement israélien n'imaginait pas que ses représailles tourneraient à la guerre».

L'armée israélienne avait lancé une offensive destructrice au Liban, marquée par de nombreux ratés contre le Hezbollah qui avait réussi à tirer 4000 roquettes sur le nord d'Israël.