La mairie de Jérusalem a donné le feu vert à la construction de nouveaux logements destinés aux colons israéliens dans la partie arabe de la ville. Des familles palestiniennes craignent d'être évincées de leur maison. Pour elles, il s'agit du nouvel épisode d'un feuilleton qui dure depuis 40 ans.

Chaque vendredi, Maya Rotem se rend dans le quartier de Cheikh Jarrah, à Jérusalem-Est, pour manifester. Comme une trentaine de militants - en majorité israéliens - la jeune femme de Tel-Aviv dénonce les nouvelles constructions réservées aux colons israéliens dans la partie arabe de Jérusalem et les évictions de familles palestiniennes qui en découlent.

«Comme personne, comme juive, comme israélienne, j'ai besoin d'être ici et de dire que ces injustices ne se font pas en mon nom», souligne-t-elle.

La mairie de Jérusalem a approuvé il y a deux semaines la construction de 16 logements destinés aux colons israéliens à Cheikh Jarrah, près de la vieille ville. Des militants estiment que la décision implique la démolition de deux maisons, dont l'une abrite trois familles palestiniennes. Les propriétés ont été acquises par un groupe privé d'Israéliens et d'étrangers, représentés par le militant de droite Chaim Silberstein, selon le Jerusalem Post. L'approbation n'est pas encore finale et la construction ne devrait pas commencer avant un an.

Israël a annexé la partie orientale de Jérusalem en 1967. La communauté internationale ne reconnaît pas cette annexion et considère Jérusalem-Est comme un territoire occupé. Aujourd'hui, environ 200 000 Israéliens y vivent, aux côtés de 270 000 Palestiniens.

La France a dénoncé les nouveaux projets de colonisation à Jérusalem-Est, car ils sont «illégaux au regard du droit international» et qu'ils «compromettent la perspective d'un règlement durable du conflit dans lequel Jérusalem est appelé à devenir la capitale de deux États».

Le feu vert donné par la mairie n'est qu'un nouvel épisode dans une bataille juridique qui oppose une vingtaine de familles palestiniennes à des groupes israéliens depuis près de 40 ans. Installées par l'Agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNWRA) et la Jordanie dans des logements de Jérusalem-Est dans les années 50, ces 27 familles et leurs descendants ne reconnaissent pas les propriétaires actuels. Ils ont appris en 1972 que le Comité de la communauté sépharade était en fait propriétaire des lieux, selon des documents de la zone ottomane qui stipulent que les propriétés appartenaient aux Juifs avant la création d'Israël. Certaines familles ont été évincées de leur maison au cours des dernières années, notamment pour refus de payer le loyer, provoquant la condamnation de la communauté internationale.

»Éviction illégale»

«Nous ne perdons pas espoir. Nos avocats continuent d'essayer de prouver que l'éviction était illégale», raconte Naher Hannoun, évincé de sa maison en août 2009. Il souligne au passage qu'il ne pourrait jamais vivre en paix avec les colons. «Nous ne sommes pas contre eux parce qu'ils sont juifs ou israéliens. Nous sommes contre eux parce qu'ils occupent nos maisons», souligne-t-il.

Plusieurs affrontements ont été rapportés dans les médias entre les colons israéliens et les habitants palestiniens au cours des dernières années.

Les analystes craignent que l'installation de colons israéliens dans la partie est de la ville nuise aux pourparlers du processus de paix. Les Palestiniens souhaitent faire de Jérusalem-Est la capitale d'un futur État. Les dirigeants israéliens considèrent l'ensemble de Jérusalem comme la «capitale éternelle et indivisible» de l'État hébreu et sont d'avis que les promoteurs israéliens peuvent construire dans n'importe quelle partie de la ville.

Les États-Unis ont, sans surprise, mis leur veto hier au Conseil de sécurité de l'ONU à un projet de résolution arabe condamnant la politique de colonisation israélienne. Peu après le vote, l'ambassadrice des États-Unis à l'ONU, Susan Rice, a expliqué que la résolution, si elle avait été adoptée, aurait pu «encourager les parties à demeurer en dehors des négociations». Elle a néanmoins souligné que la colonisation israélienne détruisait «la confiance entre les parties» et menaçait «les perspectives de paix».