Le président yéménite Ali Abdallah Saleh a multiplié les concessions, allant jusqu'à promettre son retrait à la fin de l'année, mais l'opposition et la rue exigeaient toujours jeudi qu'il quitte le pouvoir immédiatement.

L'armée, dont l'homme fort le général Mohsen Ali al Ahmar s'est rallié à la contestation, est dorénavant divisée, et un nouvel incident entre unités rivales dans le sud-est du pays a fait trois blessés jeudi.

Ces accrochages ont éclaté entre des soldats et la garde républicaine commandée par Ahmed Saleh, l'un des fils du chef de l'État, à Moukalla, théâtre mardi d'une première confrontation qui avait fait deux tués.

Le président Saleh, 69 ans, a appelé ses partisans à se masser vendredi sur une place proche du palais présidentiel, à plusieurs km du centre de Sanaa, loin de la place de l'Université occupée depuis plus d'un mois par des protestataires.

De leur côté, les manifestants anti-régime ont appelé à une vaste mobilisation vendredi mais ont annoncé qu'ils attendraient le 1er avril, pour marcher sur le palais présidentiel.

Le chef de l'État, au pouvoir depuis 32 ans, mais de plus en plus isolé, après le lâchage de dignitaires religieux et de chefs tribaux, a baptisé cette journée «le vendredi de la tolérance».

Le Parlement a approuvé mercredi, lors d'un vote contesté par l'opposition, l'instauration de l'état d'urgence qui donne en principe au président Saleh le droit d'interdire les manifestations, et de limiter la liberté de la presse.

Le bureau d'Al-Jazira à Sanaa, la chaîne du Qatar, a été saccagé mercredi par des hommes armés et les autorités yéménites ont justifié jeudi sa fermeture pour diffusion de «fausses nouvelles».

Depuis le début des troubles au Yémen, le président Saleh a procédé à plusieurs replis : il a annoncé qu'il ne se représenterait pas en 2013, à la fin de son mandat, il a dissous son gouvernement, puis il a proposé mardi l'élection avant la fin de l'année d'un Parlement et de son successeur.

Mais même cette dernière concession, pourtant une exigence de l'opposition, a été insuffisante pour calmer les appels à sa démission immédiate, objectif fédérateur des différents groupes qui le contestent.

«Nous n'acceptons plus aucune concession. Nous ne voulons que le départ rapide du président», a assuré à l'AFP Rachad al Charaabi, un des responsables du Comité politique des jeunes de la révolution.

Il a ajouté que des concertations étaient en cours pour opérer une transition pacifique du pouvoir, mais qu'elle devait pas conduire à la mise en place d'une dictature militaire. «Nous voulons une société civile, pas un régime militaire», a-t-il assuré.

Cette requête des protestataires intervient alors que des pans entiers de l'armée ont jeté leur poids dans la bataille contre le président Saleh.

Le chef le plus respecté de l'institution militaire, le général Ahmar, a entamé des concertations pour former un conseil de transition, ont assuré à l'AFP des sources proches de ces tractations.

«Le général supervise des tractations pour passer le pouvoir en douceur à un conseil qui regrouperait les représentants de tous les secteurs de la société», a indiqué cette source, qui parlait sous couvert de l'anonuymat.

Une transition de cette nature serait à même de rassurer l'Arabie Saoudite, qui a apprécié la détermination du général Ahmar -contemporain de M. Saleh et longtemps son allié-, à combattre la rébellion zaïdite, une secte chiite, dans le nord du Yémen, frontalier du royaume.

Jeudi, la police de Dubaï a annoncé avoir déjoué une tentative d'envoyer 16 000 pistolets de Turquie vers le nord du Yémen via les Émirats arabes unis.

Elle serait aussi un soulagement pour les États-Unis qui craignent que la poursuite du désordre ne détourne les autorités yéménites de la lutte contre les groupes affiliés à Al-Qaïda dans la péninsule arabique.