Cette fois-ci, les médias avaient largement ignoré le pasteur Terry Jones, qui les avait pourtant inondés d'invitations à assister à une parodie de procès du Coran dans son église de Gainesville, en Floride, le 20 mars.

Ce jour-là, un pigiste de l'AFP, un photographe indépendant et quelques étudiants en journalisme ont été les seuls témoins médiatiques de l'autodafé du Coran réalisé après le verdict de culpabilité prononcé contre le livre saint des musulmans, selon le Gainesville Sun.

Le pasteur Jones avait eu plus de succès avec les médias il y a six mois. Des journalistes du monde entier s'étaient alors rassemblés devant son église pour voir s'il oserait mettre à exécution sa menace de détruire 200 exemplaires du Coran pour commémorer les attentats terroristes du 11 septembre 2001. Le fondamentaliste moustachu avait fini par renoncer à son projet après les condamnations de plusieurs chefs d'État, dont Barack Obama et Benoît XVI, et l'intervention personnelle du secrétaire à la Défense américain, Robert Gates.

Mais Terry Jones n'a pas respecté sa promesse de laisser le Coran tranquille. En janvier, il a annoncé son intention d'organiser un soi-disant procès du livre sacré de l'islam, qu'il accuse d'être un vecteur de «violence, de mort et de terrorisme». Sa mise en scène allait être filmée par une équipe de Truth TV, chaîne satellitaire de Californie dont le directeur, Ahmed Abaza, est un ancien musulman converti au christianisme.

Et si Karzaï s'était tu?

Truth TV n'a pas diffusé l'autodafé du Coran mais tout ce qui l'a précédé, y compris la vaine défense du livre saint par un imam venu du Texas. La vidéo de la chaîne californienne, qui est assortie de sous-titres en arabe, peut être visionnée sur le site internet de l'église du pasteur Jones, le Dove World Outreach Center, groupuscule chrétien qui compte aujourd'hui entre 20 et 30 membres.

Le 21 mars, l'AFP a publié de son côté un article sur l'autodafé du Coran en Floride. Dans son compte rendu, le journaliste de l'agence indique que le livre sacré a «été mis à tremper pendant une heure dans du kérosène» et «placé dans une urne en métal disposée au centre de l'église», avant qu'un pasteur n'y mette le feu avec un briquet à barbecue.

Plusieurs observateurs se demandent aujourd'hui si cet autodafé ne serait pas passé inaperçu si le président afghan, Hamid Karzaï, n'avait pas décidé de condamner «fermement cet acte obscène et insultant», le 24 mars. Dans un communiqué, il a demandé «au gouvernement américain et aux Nations unies de traduire en justice les coupables de ce crime afin de répondre de façon convaincante à la colère de plus d'un milliard et demi d'humains».

Vendredi, encouragés par des mollahs enragés par l'acte de Terry Jones, des Afghans ont attaqué les bureaux de la mission politique de l'ONU dans la ville de Mazar-e-Charif, faisant au moins sept morts, dont deux par décapitation. Le lendemain, c'est dix personnes qui ont perdu la vie dans des manifestations à Kandahar contre l'autodafé d'un exemplaire du Coran en Floride.

Et la violence meurtrière s'est poursuivie dimanche, faisant deux autres morts à Kandahar.

Pas de regret

Au moment d'écrire ces lignes, Terry Jones n'avait pas encore exprimé ses regrets pour son rôle dans ce dérapage religieux. «Nous ne nous sentons pas responsables», a déclaré à l'AFP vendredi le pasteur de 59 ans, accusant «l'élément radical de l'islam de chercher une excuse pour justifier sa violence».

«Il est temps d'arrêter la violence qui sévit dans des pays musulmans comme le Pakistan et l'Afghanistan», a-t-il ajouté.

Le lendemain, il a confié au journal britannique The Sunday Telegraph qu'il envisageait la possibilité d'orchestrer une nouvelle parodie de procès pour juger, cette foi-ci, «la vie de Mahomet».

En espérant sans doute qu'une telle mise en scène n'ait jamais lieu, le président Obama a dénoncé samedi l'autodafé du Coran et les réactions violentes que cet acte a suscitées en Afghanistan.

«La profanation d'un texte sacré comme le Coran est un acte d'intolérance et de sectarisme extrême. Cependant, attaquer et tuer des innocents est scandaleux et porte atteinte à la décence et à la dignité humaine. Aucune religion ne tolère le meurtre et la décapitation d'innocents, et un acte aussi déshonorant et déplorable ne peut avoir aucune justification», a-t-il déclaré.