Une lettre d'opinion publiée dans les pages du Washington Post vendredi dernier a créé des remous en Israël. Son auteur, le juge sud-africain Richard Goldstone, est bien connu pour avoir rédigé un rapport accablant sur l'offensive israélienne dans la bande de Gaza en décembre 2008 et janvier 2009. Or, il exprime maintenant des réserves sur ses conclusions.

«Si j'avais su à l'époque ce que je sais maintenant, le rapport Goldstone aurait été un document bien différent», écrit-il.

Richard Goldstone a présidé le comité mis sur pied par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour enquêter sur l'opération Plomb durci dans la bande de Gaza. L'offensive israélienne, lancée après une série d'attaques dans le sud du pays, avait coûté la vie à au moins 1400 Palestiniens et 13 Israéliens en 22 jours. Israël avait refusé de collaborer à l'enquête, jugeant le comité partial.

Le rapport, paru à la fin de 2009, avait conclu qu'Israël comme le Hamas, qui contrôle la bande de Gaza, avaient potentiellement commis des crimes de guerre et des crimes contre l'humanité. Des allégations d'avoir ciblé intentionnellement des civils avaient aussi soulevé l'ire de l'État hébreu.

Dans son texte, le magistrat note qu'un rapport d'un autre comité d'experts indépendants de l'ONU a démontré en mars dernier qu'Israël avait mené des enquêtes sur plus de 400 allégations de mauvaise conduite à Gaza. «Les enquêtes (...) indiquent que les civils n'étaient pas ciblés intentionnellement», même si elles soutiennent la véracité de certains dossiers impliquant des soldats individuels, dit-il.

Il souligne par contre que les «crimes présumés commis par le Hamas étaient intentionnels sans l'ombre d'un doute». Il ajoute que le Hamas n'a mené aucune enquête, contrairement aux recommandations faites dans le rapport.

Réactions

Le texte de Richard Goldstone a suscité de vives réactions.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a appelé l'ONU à annuler le rapport. «Il faut jeter ce rapport dans les poubelles de l'histoire», a-t-il affirmé.

Pour sa part, le ministre de la Défense, Ehud Barak, a affirmé qu'il serait bon que le juge ne «se contente pas de publier un article, mais qu'il publie ses conclusions actuelles pour la communauté internationale».

Les journaux ont consacré leurs manchettes à la lettre du magistrat. Un texte du journal Yedioth Ahronoth a salué «le courage exceptionnel» de M. Goldstone. L'éditorialiste du Ma'ariv a quant à lui jugé le magistrat «indigne de pardon ou de pitié».

D'autres se sont interrogés sur les raisons qui ont poussé le magistrat à écrire ce texte maintenant, soulignant la grande pression sous laquelle vivait Richard Goldstone depuis la publication du rapport. «Il était critiqué et sa réputation a disparu, reconnaît Eytan Gilboa, professeur de politique et communications à l'Université Bar-Ilan. Mais je crois que sa lettre est publiée maintenant à cause du rapport beaucoup plus équilibré d'un autre comité publié en mars dernier. Et à cause de sa propre conscience.»

De son côté, le mouvement islamiste Hamas a fait connaître sa «surprise» tout en rejetant les nouvelles réserves du juge.

Avec l'Agence France-Presse et Associated Press.

Pour lire la lettre d'opinion de Richard Golstone.