Au téléphone, Ramy Ramy est bouleversé. «C'est difficile pour moi d'en parler, parce que je ne m'y attendais pas du tout», dit ce Palestinien d'origine, installé aujourd'hui à Londres. «Nous savons que Vittorio aimait Gaza. Et que les gens de Gaza le respectaient.»

Les militants pro-palestiniens du monde entier étaient sous le choc hier. Vittorio Arrigoni, un militant italien de 36 ans, a été assassiné jeudi soir par ses ravisseurs qui l'avaient kidnappé quelques heures auparavant. L'homme a été torturé, puis retrouvé pendu dans un appartement de Gaza.

Ramy Ramy avait rencontré Vittorio Arrigoni pour la première fois il y a trois ans, à Gaza, lors de l'arrivée de bateaux apportant de l'aide humanitaire. Vittorio Arrigoni, avec son look à la Che Guevara, vivait depuis ce temps à Gaza et était membre de l'International Solidarity Movement (ISM), une organisation pacifiste qui combat «l'apartheid israélien».

Ces derniers temps, Vittorio Arrigoni et Ramy Ramy se parlaient régulièrement pour préparer l'arrivée d'une nouvelle flottille d'aide humanitaire à Gaza. «Il nous appelait, nous encourageait à organiser la flottille», dit le militant, avant de soupirer. «Ça été une journée très difficile. Je crois que c'est la première fois que je pleure autant. Et je ne pleure pas tant parce qu'il était mon ami, mais parce que les seuls qui vont profiter de ce crime sont ceux qui nous occupent. Ce sont les Palestiniens qui luttent pour leur liberté qui en paieront les conséquences.»

«Je suis confus, ajoute Ramy Ramy. On dit que les meurtriers sont palestiniens. Mais je crois qu'ils ne le sont pas. Ils ne sont pas de vrais Palestiniens, ils ne sont pas de vrais musulmans.»

Salafistes arrêtés

Le Hamas, l'autorité palestinienne de la bande de Gaza, a identifié les assassins de M. Arrigoni comme des membres du courant salafiste. Ceux-ci, plus radicaux que le Hamas, accusent notamment le parti de faiblesse face à Israël et souhaitent l'imposition de la charia.

Les ravisseurs avaient annoncé jeudi soir, dans une vidéo postée sur YouTube, avoir enlevé Vittorio Arrigoni, menaçant de le tuer à l'expiration d'un ultimatum de 30 heures. Le texte en arabe qui accompagnait la vidéo indiquait que «l'otage est entré sur notre territoire uniquement pour répandre la corruption».

Ils réclamaient la libération de leurs camarades détenus par le Hamas, notamment le chef du groupe salafiste Tawhid wa al-Jihad. Celui-ci a cependant nié hier être mêlé à l'affaire, qu'il qualifie de «résultat naturel de la politique de répression exercée par le Hamas et son gouvernement contre les salafistes».

Les services de sécurité du Hamas ont déclaré avoir «trouvé le corps de l'otage tué depuis plusieurs heures d'une façon atroce, selon le rapport du médecin légiste», et l'examen préliminaire a prouvé que l'assassinat a été perpétré «peu de temps après l'enlèvement», a ajouté le porte-parole. Deux des ravisseurs auraient été arrêtés.

Dur coup pour ISM

Tant le Hamas que l'Autorité palestinienne du président Mahmoud Abbas et le mouvement radical Jihad Islamique ont vivement dénoncé l'assassinat.

Vittorio Arrigoni est le troisième militant d'ISM à trouver la mort à Gaza, après Rachel Corrie et Tom Hurndale, tués en 2003 par les forces israéliennes. L'ISM, «sous le choc», a déploré un acte «commis par des forcenés agissant contre la volonté du peuple» palestinien, mais n'a pas décidé pour l'heure d'évacuer ses militants de Gaza.

Ramy Ramy, lui, n'exclut pas que l'assassinat puisse remettre en question l'engagement de certains militants étrangers. «Mais ce n'est pas ce que j'ai vu jusqu'ici. Les gens comprennent que les meurtriers ne sont pas palestiniens. Ceux qui connaissent mal la cause pourraient être influencés par la propagande israélienne. Les médias ne préciseront pas qu'il s'agit d'un événement isolé. Ils diront que tous les Palestiniens sont comme ça.»

- Avec AFP et Reuters