Activités de financement, contacts fréquents avec les médias, coordination en Grèce: le Montréalais Stéphan Corriveau n'a ménagé aucun effort depuis plus d'un an pour qu'une deuxième flottille humanitaire défie le blocus israélien de Gaza. Mais son aventure s'est terminée abruptement, hier, alors que le bateau français sur lequel il se trouvait a été arraisonné par l'armée israélienne.

Un de 11 navires liés à la flottille humanitaire pour Gaza, le Dignité Al-Karama, avec à son bord 10 militants propalestiniens, est le seul à avoir échappé à la vigilance des autorités grecques, qui ont intercepté plusieurs autres navires de la flottille, dont le bateau canadien, le Tahrir. L'équipage du Dignité avait reçu l'autorisation de quitter la Grèce vers Alexandrie, en Égypte, mais a changé de cap en cours de route, tentant d'atteindre un port de Gaza.

En matinée hier, des bateaux de l'armée israélienne ont encerclé le yacht. Un porte-parole de la marine israélienne affirme que les autorités ont d'abord offert au capitaine du Dignité de rebrousser chemin, mais devant un refus, la marine a ordonné à ses militaires de monter à bord pour prendre le contrôle du bateau. «L'arraisonnement s'est fait dans l'ordre et avec beaucoup de retenue. Personne n'a été blessé et le bateau n'a pas été endommagé», a affirmé hier le no 2 de la marine israélienne, le brigadier général Rani Ben-Yehudah.

L'an dernier, l'arraisonnement du plus grand bateau de la précédente flottille, le Mavi Marmara, avait fini en bain de sang, alors que neuf passagers turcs avaient trouvé la mort aux mains des forces israéliennes. Cette intervention a valu l'opprobre international à l'État hébreu qui, depuis l'annonce d'une deuxième flottille, se préparait à l'arrivée de nouveaux navires.

Hier, selon la journaliste israélienne Amira Haas, qui se trouvait à bord du Dignité, près de 150 militaires ont été déployés pour intercepter le yacht qui, en plus du militant montréalais, avait à son bord un citoyen grec, un citoyen suédois, six citoyens français, trois membres d'équipage et trois journalistes.

Le Dignité et ses passagers ont été escortés au port d'Ashdod. Depuis 10h hier matin, heure israélienne, les organisateurs de la flottille n'ont plus de contact avec les militants qui se trouvaient à bord. «Lorsque j'ai parlé à Stéphan [Corriveau], le bateau était toujours en eaux internationales. Nous croyons qu'il est détenu. Nous ne savons pas s'il va bien. Nous sommes inquiets», a dit hier Ehab Lotayef, un des porte-parole de la flottille, joint à Montréal. L'an dernier, affirme-t-il, plusieurs militants qui ont été arrêtés à bord de la première flottille ont rapporté avoir subi de mauvais traitements lors de leur détention.

Le lieu exact de l'arraisonnement reste pour le moment nébuleux. Dans son plus récent article publié dans le quotidien Haaretz, Amira Haas a écrit que l'arraisonnement a eu lieu à trois milles nautiques de la côte de Gaza, en territoire israélien. Les organisateurs de la flottille estiment pour leur part que l'intervention israélienne a eu lieu à plus de 40 milles du littoral, en eaux internationales.

Expliquant vouloir empêcher l'arrivée d'armes vers Gaza, Israël a imposé un blocus à la bande de Gaza depuis que le Hamas, organisation islamiste, en a pris le contrôle en 2007. Depuis, le débat fait rage sur la légalité ou non de ce blocus et sur l'impact humanitaire ressenti par les 1,6 million de personnes qui vivent à Gaza. Hier, le Hamas a condamné l'arraisonnement du Dignité-Al Karama, estimant que l'opération militaire israélienne est un «acte de piraterie».