Pour la quatrième semaine consécutive, des manifestations contre le coût élevé de la vie auront lieu ce soir en Israël. Les organisateurs attendent, encore une fois, des milliers de personnes. Le mouvement semble continuer de prendre de l'expansion, malgré les promesses du gouvernement et les mises en garde.

Shani est assise par terre sur un tapis, protégée du soleil par un auvent de tissu indien. Sa «terrasse», dit-elle en souriant, pendant que son fils de 3 ans joue devant l'entrée de leur tente.

La mère seule de 40 ans s'est installée dans le «campement» de contestation sociale de Tel-Aviv il y a un peu plus d'une semaine. «Mon fils me pose beaucoup de questions. Je lui ai dit: «Tu sais, quand maman dit qu'elle n'a pas d'argent pour acheter des trucs? Eh bien, il y a beaucoup de gens dans cette situation» «, explique la brunette, en coloriant une pancarte.

Comme elle, plusieurs Israéliens ont continué de planter leur tente dans les différents campements improvisés du pays pour protester contre le coût élevé de la vie. Les éditoriaux dans les médias israéliens ont lancé une mise en garde contre une perte d'intérêt pour le sujet - notamment avec la demande d'adhésion de l'État palestinien qui sera bientôt étudiée aux Nations unies. Mais le mouvement, commencé il y a un mois avec une dizaine de protestataires qui demandaient des logements plus abordables, a continué de grandir. Ni l'annonce cette semaine de la mise sur pied d'un comité chargé d'étudier les demandes, ni les menaces des municipalités de démanteler les tentes n'ont semblé l'ébranler.

La semaine dernière, plus de 250 000 personnes ont participé à la manifestation du samedi soir, environ 100 000 de plus que la semaine précédente, selon les estimations des médias israéliens.

Ils espèrent être encore plus nombreux ce soir, alors que les manifestations se tiendront ailleurs qu'à Tel-Aviv, pour prouver que les demandes s'étendent à l'extérieur de la métropole.

Dissensions

Plusieurs Israéliens se sentent interpellés par l'appel à la justice sociale et à une meilleure qualité de vie. Mais des frictions ont commencé à se faire sentir parmi les participants.

La semaine dernière, l'arrivée d'un groupe de colons israéliens ultrareligieux a donné lieu à des prises de bec avec d'autres protestataires, majoritairement laïcs. Les habitants d'une colonie de Cisjordanie ont accusé leurs détracteurs d'avoir brûlé une de leurs tentes.

L'augmentation du nombre de participants a aussi donné naissance à une multiplication des slogans. Des manifestants ont accusé des gens de se joindre au mouvement par opportunisme.

«Je crois que les organisations de défense de droits des animaux ou de pères divorcés devraient aller faire leur propre manifestation - même si je partage leur douleur, dit Hala Schmidt, une étudiante rencontrée sur place. Le problème, c'est que les gens voient ça aux nouvelles et pensent que c'est un festival, avec de la musique et de la bière. Et bon, c'est un peu ça, mais il y a aussi à l'intérieur des gens comme nous qui sont des militants, qui sont très actifs pour défendre la cause.»

Des problèmes sont aussi survenus avec les franges plus pauvres de la société, qui ne voient pas toujours d'un bon oeil l'attention portée à ces plaintes de la classe moyenne. La cohabitation ne se passe pas toujours sans heurts.

Jeudi soir, à Jérusalem, la tension était palpable dans un des camps de la ville alors que des manifestants tentaient de séparer deux groupes d'hommes.

«Le problème, c'est qu'il y avait déjà de vrais sans-abri ici. Ils prennent des drogues dures dans le parc et on ne peut pas accepter ça avec les enfants», a expliqué une femme, tout en démontant rapidement sa petite tente.

La semaine dernière, un sans-abri de 56 ans a été arrêté pour tentative d'agression sexuelle contre plusieurs femmes qui dormaient seules dans des tentes de Tel-Aviv.

«C'est sûr que j'ai un peu peur, et ça m'inquiète, dit Shani, qui a refusé de donner son nom de famille. Le problème, c'est que les gens très pauvres ne comprennent pas pourquoi les gens de la classe moyenne protestent. Mais je crois qu'il y a de la place pour tout le monde.»