Mahmoud Zahar nous fait servir du thé, lisse son abaya blanche, sourit avec affabilité.

Puis, il se lance. «Les négociations pacifiques ont échoué. Il n'y a qu'une solution: la résistance et la lutte armée.»

Mahmoud Zahar est le numéro 2 du Hamas, l'organisation islamiste qui contrôle la bande de Gaza depuis quatre ans. Et qui forme un deuxième gouvernement pour un peuple sans pays, comme me le fait remarquer un étudiant de Gaza.

Mahmoud Zahar représente l'aile dure du Hamas, par opposition à son chef Ismail Haniyeh. Radicaux et modérés s'entendent sur une chose: la quête de reconnaissance internationale entreprise par le président Mahmoud Abbas ne produira rien de bon. Mais c'est Mahmoud Zahar qui dénonce ce projet avec le plus de véhémence.

Selon lui, avec sa demande d'adhésion à l'ONU, le chef de l'Autorité palestinienne ne fera qu'affaiblir son peuple. «Ça équivaut à reconnaître volontairement l'État d'Israël, à céder nos droits de propriété sur 80% de la Palestine, à abandonner le droit de retour des réfugiés. C'est un désastre.»

Mahmoud Zahar nous reçoit dans la cour de sa maison, entièrement reconstruite depuis qu'elle a été dévastée par une attaque israélienne qui a tué son fils, en septembre 2004. Des gardes armés de mitraillettes surveillent l'entrée de l'immeuble.

Une fois réglées les civilités, Mahmoud Zahar s'enflamme. Pas question, pour lui, de reconnaître un État juif. «Jamais!» Il est convaincu que le vent tourne en sa faveur: à preuve, la récente attaque contre l'ambassade d'Israël au Caire. Il fait valoir qu'aucune occupation n'est éternelle et se compare à de Gaulle, qui a libéré la France des nazis. Le Fatah, parti du président Mahmoud Abbas, tient à son avis le rôle du gouvernement de Vichy.

«Nous allons la gagner, cette guerre», affirme-t-il avec assurance.

Un blocus profitable

Mais les Palestiniens de Gaza ont-ils vraiment envie de le suivre dans cette bataille? Ils ont déjà payé un lourd tribut pour les guerres passées. Le siège israélien a beau avoir été allégé, il continue à étouffer la bande de Gaza et son million et demi d'habitants. Et le conflit entre le Hamas et le Fatah ajoute une couche supplémentaire de difficultés.

Inspirés par la révolution égyptienne, de jeunes Gazaouis ont lancé au printemps dernier un mouvement de protestation, dénonçant ces divisions.

Ces jours-ci, ils planifient de nouvelles manifestations. Ils veulent appuyer la démarche devant l'ONU.

J'ai rencontré deux militants de ce mouvement, Hani Siliman Salamah, pharmacien de 30 ans, et Omar Arafa, 20 ans, étudiant en traduction. Ils ne veulent plus rien savoir des roquettes tirées régulièrement sur le sud d'Israël. «Les explosions, la mort, c'est assez. Nous voulons nous battre d'une manière positive en faveur d'un État indépendant», explique Hani.»

Hani et Omar reprochent au Hamas d'entretenir un climat de guerre pour ses propres intérêts. Pour contourner le blocus, les Palestiniens ont creusé des tunnels entre la bande de Gaza et l'Égypte. Ces temps-ci, ces tunnels servent surtout au trafic d'autos et de matériel de construction. Toutes les livraisons souterraines sont taxées...par le Hamas.

«Le Hamas a besoin de sang, il a besoin de l'État de siège», résume Hani.

Comme d'autres Gazaouis, il appréhende les sanctions qui risquent de suivre le geste unilatéral de l'Autorité palestinienne. Mais pour lui, la demande à l'ONU représente l'unique espoir de changement à l'horizon.

En attendant, l'opposition du Hamas affaiblit Mahmoud Abbas et alimente des craintes. Jason Shawa, imprimeur de Gaza, se demande ce qui arrivera de son bout de territoire en cas de reconnaissance de la Palestine. «Est-ce que Gaza fera partie de ce nouvel État, ou non?»

Puis il soupire: «Nous avons des problèmes internes à résoudre, avant d'avoir un État.