Yasser Arafat ne sortait jamais sans sa coiffe aux motifs damier noir et blanc. Aujourd'hui, le keffieh reste un symbole de la lutte des Palestiniens. Mais alors que les politiciens tentent d'obtenir une reconnaissance internationale à l'ONU, les propriétaires de la seule fabrique palestinienne du foulard accusent leur gouvernement de ne pas en faire assez pour les aider à la maison.

D'énormes bobines de fils de couleur sont éparpillées sur le sol à l'entrée de la fabrique d'Hirbawi Textiles, à Hébron. Les machines à tisser émettent un claquement régulier. Mais de la quinzaine de tisseuses, seules quelques-unes ont encore des fils à leurs crochets.

Yasser Hirbawi a ouvert la petite usine de production de keffiehs en 1961. Au début des années 90, elle produisait environ 1000 foulards par jour et employait 25 personnes. Aujourd'hui, elle en tisse quotidiennement moins de 200, et compte 4 travailleurs.

Alors que la bataille diplomatique bat son plein dans les couloirs de New York pour s'assurer d'un soutien à la demande palestinienne d'adhésion à l'ONU, la famille Hirbawi accuse les politiciens palestiniens de ne pas en faire assez sur le terrain pour protéger l'économie locale.

«Nous voulons que le ministre des Finances et les chambres du commerce nous aident, mais personne ne nous écoute, dit Abdel Azim Hirbawi, fils du fondateur de la petite usine. Nous faisons face à beaucoup de concurrence, de la part de la Chine surtout. Nous produisons un symbole national et l'Autorité palestinienne connaît la situation. Les institutions devraient nous aider.»

Si de nouvelles sanctions économiques sont imposées dans la foulée de la demande palestinienne à l'ONU, Abdel Azim Hirbawi assure que l'usine devra fermer ses portes. Après le vote favorable à l'UNESCO, Israël a déjà suspendu le transfert des taxes à l'Autorité palestinienne pour octobre, totalisant environ 100 millions US qui servent à payer des milliers de fonctionnaires.

Les problèmes de l'usine ne datent pas d'hier et la famille Hirbawi blâme les accords d'Oslo pour le déclin de l'entreprise avec la libéralisation du marché dans les années 90. Le foulard fabriqué en Chine coûte environ un tiers moins cher que celui tissé à Hébron.

Aujourd'hui, des foulards aux tons pastel côtoient les keffiehs traditionnels noir et blanc ou rouge et blanc dans la boutique attenante à la fabrique. Mais la diversification du produit ne semble pas avoir porté les fruits espérés.

Le prix avant tout?

En août dernier, quatre jeunes femmes d'Amman ont lancé une campagne sur Facebook pour soutenir l'entreprise.

«Quand nous avons su qu'il ne restait qu'une fabrique palestinienne dans le monde qui produit le keffieh, nous avons compris que nous devions agir, nous mobiliser et donner notre soutien», explique dans un courriel Noora Kassem, l'une des instigatrices du projet.

Abdel Azim Hirbawi affirme que cette campagne a aidé «un peu», surtout pour obtenir des commandes de groupes de militants à l'étranger.

Mais tous n'appuient pas les demandes de la famille Hirbawi. S'il dit avoir «quelques clients» qui s'enquièrent de la provenance du foulard, Salaheddine Alif affirme que la plupart des gens qui visitent son stand de la vieille ville de Jérusalem y accordent peu d'importance.

Lui-même ne voit pas la nécessité d'avoir une étiquette «made in Palestine» cousue sur le keffieh. «Quand j'achète des foulards, je ne me préoccupe pas de savoir d'où ils viennent, je me soucie du prix et de la qualité, dit-il, assis devant une table où sont étalés des keffiehs de plusieurs couleurs. Pourquoi est-ce que l'Autorité palestinienne devrait les aider? C'est le marché qui est comme ça, partout dans le monde.»