L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a fait part de «sérieuses inquiétudes» concernant le programme nucléaire iranien, s'appuyant sur des informations «crédibles» selon lesquelles Téhéran a travaillé à la mise au point de l'arme atomique, d'après un rapport confidentiel que l'AFP a pu consulter mardi à Vienne.

Au moment même où un débat a cours en Israël sur une frappe militaire préventive contre l'Iran, «l'agence a de sérieuses inquiétudes concernant une possible dimension militaire du programme nucléaire iranien», écrit l'AIEA dans ce document très attendu, disant s'appuyer sur des informations «crédibles».

«Ces informations indiquent que l'Iran a mené des activités visant à mettre au point un engin explosif nucléaire», précise l'agence. «Avant 2003, ces activités se sont déroulées dans le cadre d'un programme structuré» et «certaines activités pourraient toujours être en cours». «Si certaines de ces activités peuvent avoir des applications aussi bien civiles que militaires, d'autres sont spécifiquement liées à la mise au point d'armes nucléaires».

L'AIEA, dont le siège est dans la capitale autrichienne et qui enquête depuis environ huit ans sur le programme nucléaire iranien, livre ainsi pour la première fois une série d'éléments étayant les soupçons occidentaux de visées militaires.

L'Iran, pour certaines de ses activités nucléaires litigieuses, a bénéficié de l'aide d'«un réseau nucléaire clandestin», estime l'agence onusienne, une allusion correspondant à des informations de presse selon lesquelles un savant russe et des experts pakistanais ont prêté main forte à Téhéran.

Pour ce rapport, l'AIEA indique avoir bénéficié d'informations fournies par dix pays membres - vraisemblablement des services secrets - et disposer aussi de ses propres sources, en particulier de photos satellitaires de la base militaire de Parchin, près de Téhéran.

Les points controversés sont énumérés en annexe du document. L'AIEA exhorte le pays à se mettre «sans délai» en rapport avec elle afin de les clarifier.

Le Conseil des gouverneurs de l'AIEA, qui regroupe 35 pays membres, devra décider s'il saisit ou non le Conseil de sécurité de l'Organisation des nations unies (ONU) à l'occasion de sa réunion des 17 et 18 novembre.

«Le rapport détaille des activités iraniennes qui ne peuvent s'expliquer que si l'intention (du pays) est de mettre au point la bombe nucléaire», comme la production d'uranium pour le transformer en métal utilisé dans une ogive ou des simulations sur ordinateurs concernant l'implosion d'une bombe nucléaire, a souligné un diplomate occidental, sous couvert d'anonymat.

Le chef de la diplomatie iranienne, Ali Akbar Salehi, avait déjà rejeté par avance toute accusation, jugeant que l'AIEA ne disposait pas de preuves «sérieuses».

L'ambassadeur iranien auprès de l'agence de l'ONU, Ali Asgar Soltanieh, a estimé que le rapport n'était qu'une «répétition d'allégations anciennes dont l'Iran a prouvé qu'elles étaient sans fondement dans une réponse précise de 117 pages» envoyée il y a quatre ans à l'AIEA.

Les grandes puissances occidentales et Israël soupçonnent la République islamique de vouloir se doter de la bombe atomique, ce que Téhéran a toujours démenti.

Washington et ses alliés occidentaux n'ont pas caché leur intention d'utiliser le rapport de l'AIEA pour durcir encore les sanctions qu'ils ont prises à titre individuel contre l'Iran et essayer de convaincre Moscou et Pékin, jusqu'alors réticents, de renforcer celles de l'ONU qui a déjà infligé à l'Iran depuis 2007 quatre séries de sanctions économiques et financières.

Mardi, réagissant aux conclusions du rapport de l'AIEA, un haut responsable américain ayant requis l'anonymat a à cet égard averti que son pays pourrait réclamer, en collaboration avec ses alliés, des sanctions internationales «supplémentaires».

En Israël, où, le 6 novembre, le chef de l'Etat, Shimon Peres, avait estimé qu'«une attaque militaire contre l'Iran est plus proche qu'une option diplomatique», le chef de la diplomatie, Avigdor Lieberman, a appelé la communauté internationale à imposer à l'Iran des sanctions «très sévères et paralysantes», selon des propos rapportés mardi par le journal Maariv.

De son côté, la Chine a demandé mardi à l'Iran de coopérer «avec sincérité» avec l'AIEA, préconisant «le dialogue et la coopération».

La Russie a quant à elle regretté la montée des tensions à un moment où les négociations avec le Groupe des 5+1 (les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU - Etats-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne, Chine - plus l'Allemagne) sont déjà dans l'impasse : «Moscou ressent une forte déception et de l'incompréhension parce que le rapport de l'AIEA sur l'Iran» a été «transformé en une nouvelle source d'accroissement des tensions», a déclaré le ministère des Affaires étrangères.