Le conseil des gouverneurs de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) a adopté vendredi une résolution contre l'Iran, soupçonné d'avoir envisagé la mise au point de l'arme atomique, mais sans lui fixer d'échéance.

La résolution a été adoptée à une très large majorité, par 32 voix pour, deux contre (Cuba et Équateur) et une abstention (Indonésie), sur 35 États membres, ont indiqué des diplomates en marge de la réunion du conseil des gouverneurs à Vienne, siège de l'agence de l'Organisation des Nations Unies (ONU).

Les grandes puissances avaient fini par s'accorder la veille sur une résolution exprimant «une profonde et croissante préoccupation» sur le programme nucléaire de Téhéran, mais sans lui fixer d'échéance pour éclaircir les points en suspens exprimés dans le très critique rapport de l'agence.

Le directeur général de l'AIEA, le Japonais Yukiya Amano, avait publié un vaste catalogue d'éléments «crédibles», indiquant que l'Iran avait travaillé -contrairement à ses dires- à la mise au point d'un engin nucléaire.

Même s'il ne conclut pas que l'Iran est capable ou sur le point de se doter de l'arme nucléaire, le rapport constitue la prise de position la plus sévère prise par l'agence après huit ans d'enquête.

Il «laisse peu de doute que l'Iran veut, pour le moins, se positionner pour avoir une capacité d'armement nucléaire», a estimé l'ambassadeur américain auprès de l'AIEA, Glyn Davies.

«La communauté internationale ne peut pas simplement revenir à la routine habituelle», ont réagi de leur côté la France, la Grande-Bretagne et l'Allemagne dans un communiqué commun. Et la Maison-Blanche a aussitôt salué la résolution de l'AIEA, soulignant la volonté des États-Unis de maintenir «la pression» sur l'Iran.

L'AIEA avait ainsi mis au grand jour les profondes divergences au sein des cinq membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU sur le dossier, avec d'un côté Européens et Américains, partisans -pour le moins- d'augmenter la pression sur l'Iran, et Russes et Chinois de l'autre, nettement plus modérés face à l'Iran, un important partenaire commercial.

La résolution a ainsi été jugée par les experts comme peu ambitieuse comparée aux éléments contenus dans le rapport. «Je ne suis pas déçu», a cependant assuré à l'AFP un diplomate européen. «Le texte de la déclaration est équilibré, soutient le travail fait par l'agence, condamne l'absence de coopération de l'Iran et demande à Téhéran de coopérer enfin de manière urgente sans délai».

L'AIEA demande aussi à Yukiya Amano d'informer le conseil des gouverneurs lors de sa prochaine réunion en mars sur la mise en oeuvre de la résolution. Le Japonais avait annoncé jeudi avoir proposé l'envoi d'une mission «d'experts de haut niveau» en Iran pour clarifier tous les points litigieux listés dans l'annexe de son rapport.

L'Iran a de nouveau rejeté les assertions sur une dimension militaire de son programme nucléaire, l'ambassadeur iranien auprès de l'AIEA, Ali Asghar Soltanieh, qualifiant vendredi le rapport de «non-professionnel, déséquilibré, illégal et politisé».

L'agence, en tant que «gendarme» du nucléaire, ne «peut pas «attendre jusqu'à ce que du matériel nucléaire ait effectivement été détourné à des fins non pacifiques ou jusqu'à ce que nous ayons une preuve sans équivoque. Je dois alerter le monde maintenant», s'est justifié Yukiya Amano.

Dans une lettre datée du 16 novembre, diffusée en marge de la réunion, l'ambassadeur iranien a par ailleurs accusé le directeur général d'avoir publié des noms de scientifiques iraniens et de sites dans l'annexe de son rapport ce qui est, selon lui, «contraire aux accords de garanties» de l'AIEA. «Vous êtes responsable» de toute menace éventuelle sur la vie «des citoyens cités et de leur famille ainsi que de tout sabotage contre des sites indiqués dans votre rapport», a-t-il écrit, rappelant que plusieurs scientifiques iraniens avaient été assassinés ces derniers temps.

L'AIEA avait notamment fait état de la présence de ce qui pourrait être un dispositif nucléaire sur la base militaire de Parchin, à 30 km de Téhéran.

Un Moyen-Orient sans armes nucléaires: sans l'Iran

L'Iran ne participera pas à une réunion sur une zone sans armes nucléaires au Moyen-Orient organisée la semaine prochaine par l'AIEA, a annoncé vendredi l'ambasadeur iranien auprès de l'agence onusienne.

«Comment pourrions-nous y participer?» a déclaré Ali Asghar Soltanieh à des journalistes en marge de la réunion du conseil des gouverneurs de l'AIEA.

«Nous ne pensons pas qu'une participation serait très fructueuse, c'est pourquoi nous n'allons pas participer», a-t-il dit, évoquant à la fois la résolution votée par l'AIEA et le refus par Israël de signer le Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP).

L'idée d'une zone exempte d'arme nucléaire (ZEAN) au Moyen-Orient avait été émise en 2000, mais il a fallu une décennie pour pouvoir organiser cette réunion, avait indiqué l'AIEA début septembre.

Israël avait, avant même la divulgation du rapport de l'AIEA qui avait fait l'objet de nombreuses fuites, menacé l'Iran de frappes préventives contre des installations nucléaires. L'État hébreu n'a jamais confirmé ou nié détenir l'arme atomique.

«Je suis confiant après ce que j'ai entendu durant les consultations et je pense qu'il y a une réelle volonté de faire (de cette réunion) une expérience positive», avait déclaré le président de la réunion, l'ambassadeur norvégien Jan Petersen, à Vienne.

La réunion de l'AIEA prépare le terrain avant une conférence sur le désarmement nucléaire au Moyen-Orient que l'Organisation des Nations unies (ONU) veut organiser l'année prochaine en Finlande.