La discrimination contre les femmes prônée par certains Juifs ultra-orthodoxes a dégénéré ces derniers jours en récriminations, et parfois en violence, dans la ville de Beit Shemesh, près de Jérusalem, où vit une importante population religieuse.

Des heurts ont éclaté lundi après-midi entre des policiers israéliens et plusieurs centaines d'ultra-orthodoxes réclamant bruyamment une séparation stricte entre hommes et femmes, a constaté l'AFP.

Un policier a été légèrement blessé par un jet de pierre et plusieurs manifestants interpellés, a précisé le porte-parole de la police, Micky Rosenfeld.

Des groupes de «harédim» («craignant Dieu») ont pris à parti policiers et journalistes, les molestant et leur intimant de «dégager», selon des témoins. Ils leur ont aussi lancé des oeufs et brûlé des poubelles.

Plusieurs pancartes exhortant à séparer les hommes des femmes dans l'artère principale du quartier ultra-orthodoxe de Beit Shemesh, qui avaient été enlevées par les policiers, ont été réinstallées par des habitants.

Beit Shemesh, une cité de près de 80.000 habitants, située à 30 km à l'ouest de Jérusalem, est majoritairement peuplée de Juifs religieux, parmi lesquels une importante communauté ultra-orthodoxe, en pleine expansion.

Une équipe de la chaîne 10 de la TV israélienne, qui filmait lundi dans le quartier, a dû appeler la police à la rescousse après avoir été encerclée par une foule hostile, a précisé M. Rosenfeld.

La police avait pourtant renforcé ses patrouilles à Beit Shemesh où une équipe de télévision avait déjà été agressée dimanche alors qu'elle filmait des panneaux enjoignant aux femmes de ne pas s'arrêter devant une synagogue. À la suite de cette agression, un habitant du quartier a été arrêté.

Une frange de la population religieuse israélienne semble s'être récemment radicalisée, adoptant une lecture rigoriste de la séparation entre hommes et femmes, exigée, dans certains cas, par la Loi juive, la «Halakha».

À Beit Shemesh, de nombreux écriteaux exhortent les femmes à se vêtir «modestement», avec des manches et des jupes longues.

Les médias se sont fait l'écho de nombreux incidents ces dernières semaines, notamment des attaques verbales et physiques contre des femmes ultra orthodoxes et des tensions provoquées par le refus de certaines de s'assoir à l'arrière des autobus.

La ségrégation est pratiquée sur les lignes de bus fréquentées par les religieux depuis la fin des années 1980, mais les prises de position de femmes ultra-orthodoxes contre cette pratique, relayées par la presse, ont ému l'opinion publique.

Des organisations féministes se sont par ailleurs opposées, avec succès, à la pratique tacite de certains publicitaires qui consistait à faire disparaître les images de femmes des affiches dans les quartiers à majorité religieuse, notamment à Jérusalem, sous la pression de la communauté ultra-orthodoxe.

Dimanche, le premier ministre Benjamin Netanyahu s'est engagé à faire cesser les actes de ségrégation et la violence des ultra-orthodoxes à l'égard des femmes, soulignant qu'Israël est un État «démocratique, occidental, libéral».

«Depuis son établissement, l'État d'Israël est beaucoup trop tolérant vis-à-vis de l'intolérance des ultra-orthodoxes», déplore Frances Raday, professeur émérite de droit à l'Université hébraïque de Jérusalem, spécialisée dans le droit des femmes. Ils «ne reconnaissent pas le droit à l'égalité, et donc les droits des femmes, pourtant inscrits dans la loi fondamentale israélienne».

Mme Raday estime que la tendance des ultra-orthodoxes est à la «radicalisation». «Et l'État ne fait rien pour inverser cette tendance», déplore-t-elle.

Une manifestation de militants de la laïcité est prévue mardi à Beit Shemesh contre ces violences. Les organisateurs attendent 10.000 participants.

Des juifs orthodoxes ont fait savoir qu'ils souhaitaient y participer pour montrer que les violences sont le fait d'extrémistes isolés.

Des ultra-orthodoxes non-identifiés ont publié un communiqué au nom de la communauté de Beit Shemesh, condamnant «la violence sous toute ses formes», mais aussi la «provocation» à laquelle se livrent selon eux les médias.