Aucun favori ne se détachait clairement dimanche pour succéder au premier ministre palestinien Salam Fayyad qui a démissionné, en dépit du soutien appuyé de Washington, soldant des mois de conflit avec le Fatah du président Mahmoud Abbas.

M. Fayyad, un économiste indépendant de 61 ans, a présenté sa démission samedi à M. Abbas, qui l'a aussitôt acceptée.

Le premier ministre démissionnaire, crédité par la communauté internationale de l'édification d'institutions capables de porter un État, reste toutefois chargé d'expédier les affaires courantes en attendant la formation d'un nouveau gouvernement.

Parmi les successeurs possibles figurent Mohammad Moustapha, conseiller économique de Mahmoud Abbas et président du Fonds d'investissement de Palestine, ou l'homme d'affaires Mazen Sinokrot, un ancien ministre de l'Économie qui a de bons rapports avec le mouvement islamiste Hamas, au pouvoir à Gaza.

Le président Abbas pourrait lui-même assurer les fonctions de premier ministre dans le cadre d'un gouvernement de «consensus national» prévu par les accords de réconciliation entre le Fatah et le Hamas signés au Caire (avril 2011) et à Doha (février 2012), restés pour l'essentiel inappliqués.

Le Fatah, parti au pouvoir dans l'Autorité palestinienne qui gouverne les zones autonomes de Cisjordanie, s'est réjoui du départ de M. Fayyad, l'accusant d'avoir «échoué lamentablement dans sa gestion économique, creusé les dettes de l'Autorité palestinienne et manqué à son devoir de verser les salaires durant de long mois».

«Cette démission est une réponse aux exigences du Fatah et aux revendications populaires qui se sont exprimées dans les grands mouvements de masse contre le gouvernement», a affirmé à l'AFP le secrétaire général du Conseil révolutionnaire du Fatah, Amine Maqboul.

En septembre, M. Fayyad avait dû faire face à une vague de grogne sociale en Cisjordanie, nourrie par la hausse des prix des denrées de base et le paiement erratique des salaires des fonctionnaires en raison de difficultés budgétaires chroniques.

«Ingérence» américaine

«La prochaine étape est de former un nouveau gouvernement, un gouvernement de consensus national avec Abbas à sa tête (...) ou bien, si le Hamas ne fait pas de gestes sérieux vers la réconciliation, un gouvernement dirigé par une grande figure nationale», a plaidé M. Maqboul en mettant en garde contre la tentation de «prolonger la vie» du gouvernement intérimaire de M. Fayyad.

Le Hamas a attribué cette démission à des «divergences internes au Fatah» et estimé qu'elle n'était pas liée «au dossier de la réconciliation palestinienne».

«Fayyad quitte le gouvernement après avoir criblé notre peuple de dettes, et le Fatah doit en assumer la responsabilité, parce que c'est lui qui l'a imposé depuis le début», a déclaré Sami Abou Zouhri, un porte-parole du Hamas à Gaza.

La rue palestinienne était partagée entre ceux qui, comme Raed al-Khatib, un jeune de 23 ans de Ramallah, regrettaient le départ d'«un des meilleurs économistes» et les autres, tel Mohammed Amine, un quinquagénaire de Jérusalem, qui espèrent un changement de politique économique «parce que nous en avons assez de souffrir de la crise».

Israël n'a fait aucun commentaire officiel sur la démission de M. Fayyad, considéré en privé comme un interlocuteur compétent et modéré.

Le correspondant diplomatique du quotidien israélien Haaretz a cependant évoqué un «événement spectaculaire» qui aura des conséquences «sur Israël et les efforts de l'administration Obama pour relancer le processus de paix, de même que la politique de l'Union européenne envers les Palestiniens».

A Tokyo, le secrétaire d'État américain John Kerry a regretté la démission de son «bon ami» Salam Fayyad et appelé l'Autorité palestinienne à choisir «la bonne personne» pour exercer ses fonctions et continuer à travailler avec les États-Unis.

M. Kerry avait appelé au téléphone vendredi M. Abbas pour l'enjoindre de régler la crise avec son premier ministre. Ce soutien américain appuyé a été vivement critiqué par des dirigeants palestiniens qui ont fustigé une «ingérence éhontée» des États-Unis.