Alors que la guerre en Ukraine mobilise l’attention internationale, des efforts diplomatiques majeurs se poursuivent pour tenter de mettre un terme à deux autres conflits meurtriers qui ont fait des centaines de milliers de morts au fil des ans.

Des cessez-le-feu unilatéraux ont été annoncés récemment tant au Yémen qu’en Éthiopie, offrant un répit potentiel très attendu à des populations lourdement éprouvées.

Les Nations unies se sont notamment félicitées mercredi que la coalition saoudienne en guerre depuis 2015 contre les rebelles houthis qui contrôlent la capitale yéménite, Sanaa, ait annoncé son intention de suspendre ses activités militaires durant le ramadan.

L’envoyé spécial de l’organisation internationale, Hans Grundberg, a indiqué à l’Agence France-Presse que la décision constituait « un pas dans la bonne direction » en vue de relancer le processus de paix, au point mort « depuis trop longtemps ».

« Plus le conflit se prolonge, plus l’impact sur les civils s’aggrave et plus il est difficile de réparer les dégâts. Le peuple yéménite a besoin de voir une issue claire », a-t-il souligné.

« Négocier la victoire »

Les rebelles houthis, qui avaient annoncé samedi une trêve de trois jours, ont proposé de la rendre permanente si Riyad accepte de lever le blocus maritime et aérien touchant les zones sous son contrôle en plus de suspendre les raids aériens.

L’offre est restée sans suite, mais un négociateur houthi a indiqué à l’agence Reuters qu’il demeurait convaincu que les efforts en cours pour en arriver à une « trêve humanitaire » durable finiraient par réussir.

Thomas Juneau, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l’Université d’Ottawa, a indiqué jeudi qu’il était sceptique quant à la possibilité que les ouvertures affichées de part et d’autre puissent mener à des « progrès substantiels ».

L’Arabie saoudite, note le chercheur, a réalisé il y a un moment déjà qu’elle n’est pas en position de remporter la guerre contre les houthis, « mais elle ne sait pas comment s’en sortir » sans laisser le pays aux rebelles, qui sont soutenus par l’Iran.

« Les houthis sentent qu’ils ont le momentum sur le terrain. S’ils négocient, c’est pour négocier leur victoire, alors que les Saoudiens demandent à traiter d’égal à égal. En pratique, il n’y a pas d’alignement suffisant pour favoriser un déblocage », dit M. Juneau.

Acheminement de l’aide au Tigré

Une suspension des combats est aussi évoquée en Éthiopie, où le gouvernement du premier ministre Abiy Ahmed poursuit depuis un an et demi une campagne militaire musclée pour tenter de ramener à l’ordre une région rebelle du nord du pays.

Les dirigeants du Front de libération du peuple du Tigré (TPLF) avaient suscité l’ire du lauréat du Prix Nobel de la paix en déclenchant des élections régionales pour marquer leur volonté de rupture avec le gouvernement central.

PHOTO TIKSA NEGERI, ARCHIVES REUTERS

Une Éthiopienne nourrit son enfant dans un camp de déplacés à Afdera, dans la région d’Afar

Le premier ministre a indiqué qu’une « trêve humanitaire indéfinie » serait mise en place afin de permettre notamment l’acheminement très attendu de nourriture à la population du Tigré.

Selon les Nations unies, près de 40 % des six millions d’habitants sont aujourd’hui touchés par un manque « extrême » de nourriture.

Un professeur de l’Université de Gand, Jan Nyssen, a récemment estimé que de 150 000 à 200 000 personnes seraient mortes de faim dans la région depuis le début du conflit et que de 50 000 à 100 000 personnes auraient été tuées directement lors des combats.

Martin Plaut, spécialiste de l’Afrique qui suit de près les développements en Éthiopie, note qu’il est loin d’être clair à ce stade que le gouvernement central donnera suite à sa promesse de faciliter l’entrée de l’aide humanitaire au Tigré, puisque ce n’est pas la première fois qu’un engagement de cette nature est pris sans résultat.

La route devant permettre son acheminement passe par Afar, région où les membres du TPLF ont mené une offensive avant de se replier au Tigré à la fin de l’année dernière.

Pour que l’aide alimentaire passe, il faudrait quasiment l’escorter avec des armes jusqu’à destination. Sinon, elle risque d’être arrêtée par des militaires d’Afar hostiles au Tigré ou des hommes armés d’une allégeance quelconque.

Martin Plaut, spécialiste de l’Afrique

L’analyste pense que M. Abiy pourrait montrer dès maintenant qu’il est de bonne foi envers le Tigré en rétablissant l’électricité dans la région ainsi que l’accès au système bancaire, bloqué depuis des mois.

Si l’aide humanitaire tarde à se rendre en quantité importante, il y a peu de chances qu’une paix durable puisse être trouvée, prévient M. Plaut.

« La situation risque de se détériorer complètement. Les Tigréens vont prendre toutes les ressources militaires dont ils disposent pour s’ouvrir un chemin » vers un pays voisin et assurer leur approvisionnement, prévient-il.