L’ex-président du Parlement critique les « mesures rigides » de l’État

Une première « fissure » au sein de l’élite iranienne : un politicien conservateur de haut rang a demandé une révision des mesures extrêmes employées par les autorités contre les manifestants qui contestent le régime de la République islamique depuis plusieurs semaines à Téhéran.

Mercredi, The Guardian a rapporté1 que l’ex-président du Parlement iranien Ali Larijani s’était opposé dans les médias nationaux aux « mesures rigides » employées par les policiers de l’État contre les manifestants en Iran, une première « fissure » au sein de l’élite iranienne, selon le journal britannique.

« Lorsqu’un phénomène culturel se généralise, une réponse rigide à celui-ci n’est pas le remède, a déclaré le politicien dans un média iranien, cité par The Guardian. Les gens et les jeunes qui descendent dans la rue sont nos propres enfants. Dans une famille, si un enfant commet un crime, on essaie de le guider vers le droit chemin, la société a besoin de plus de tolérance. »

Ali Larijani a fait appel à une révision des responsabilités des autorités, mercredi. « Le hijab est une solution culturelle, il n’a pas besoin de décrets et de référendums. J’apprécie les services de la police et du Basij [milice paramilitaire], mais ce fardeau d’encourager le hijab ne devrait pas leur être confié », a-t-il déclaré.

Selon Thomas Juneau, professeur agrégé d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa, l’homme politique, qui a grandi au cœur du mouvement conservateur, ne tient pas « profondément » à changer le régime, mais plutôt à retrouver sa place au sein de la République islamique.

PHOTO ANWAR AMRO, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L’ex-président du Parlement iranien Ali Larijani

Ali Larijani vient d’une famille iranienne très puissante qui semble se marginaliser depuis quelques années, explique le spécialiste. « Il y a certainement une tentative [dans sa déclaration] d’embarrasser ses rivaux conservateurs. »

Des Iraniens s’opposent durement au régime de la République islamique depuis la mort de Mahsa Amini le 16 septembre. La jeune fille s’était fait arrêter par la police des mœurs à Téhéran pour avoir enfreint le code vestimentaire de la République islamique. Le mouvement de contestation qui secoue l’Iran depuis la mort de cette Kurde iranienne de 22 ans a fait plus de 200 morts, dont 23 enfants, a annoncé mercredi l’ONG Iran Human Rights.

Des centaines de personnes ont également été accusées d’avoir manifesté contre le régime iranien, a annoncé mercredi l’Autorité judiciaire de l’État, sans préciser les chefs d’inculpation. Les inculpés auraient joué un rôle central dans la formation de rassemblements illégaux, d’incendies et d’attaques, selon Mojtaba Ghahremani, chef de la justice d’Hormozgan, selon le site web de la justice iranienne, Mizan Online.

Des promesses peu convaincantes

Depuis le début des protestations, seulement quelques politiciens élites ont abandonné le régime et se sont joints à l’opposition, note Thomas Juneau. « Cela peut être représentatif du début d’une [fêlure] au sein du régime politique », précise-t-il.

Il craint que des promesses de réforme ne mettent fin au mouvement le plus important au pays depuis celui de 2019 contre la hausse du prix de l’essence. Thomas Juneau rappelle que les autorités ne s’étaient pas privées à l’époque d’utiliser la force pour conserver le pouvoir.

Si le gouvernement réussit à calmer le jeu, ce sera à cause d’une répression brutale à grande échelle.

Thomas Juneau, professeur agrégé d’affaires publiques et internationales à l’Université d’Ottawa

Ces dernières semaines, le mouvement ne faiblit pas, la résistance de la population démontre une « mobilisation » et « une organisation contre l’État », affirme Hanieh Ziaei, iranologue et chercheuse à la Chaire Raoul-Dandurand à l’Université du Québec à Montréal. Selon elle, la cyberattaque qui s’est produite samedi sur une chaîne de télévision iranienne démontre que la population déstabilise « les monopoles de l’État ».

Une chose est certaine, aujourd’hui, la peur est tombée. On voit que la répression n’a pas le résultat désiré et on voit que la société s’organise.

Hanieh Ziaei, iranologue et chercheuse à la Chaire Raoul-Dandurand à l’Université du Québec à Montréal

« Tant que le régime maintient le soutien de tout son appareil répressif, sa position n’est pas menacée à court terme. Est-ce que cela peut changer ? C’est très difficile à prédire », ajoute Thomas Juneau.

Le guide suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a affirmé mercredi que des « ennemis » étaient « impliqués dans les émeutes ». Le 3 octobre, il avait accusé des agents des États-Unis et d’Israël d’avoir fomenté le mouvement de contestation.

« Désormais, ceux qui attaquent la vie et les biens des gens, des policiers et des militaires et des installations urbaines ou encouragent et incitent les gens à l’émeute seront traités de manière décisive », a affirmé le procureur de Téhéran, Ali Salehi, cité mercredi par Mizan Online.

Avec l’Agence France-Presse

1. Lisez l’article du Guardian
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  • 201
    Nombre de personnes mortes dans les protestations en Iran 
    source : Iran Human Rights