Le régime iranien multiplie tous azimuts les stratagèmes pour tenter d’étouffer le mouvement de protestation qui secoue le pays depuis plusieurs mois, n’hésitant pas, notamment, à sanctionner par de lourdes peines d’emprisonnement toute action perçue comme un geste d’appui, même symbolique, à la contestation.

L’Agence France-Presse et la BBC ont rapporté mardi qu’un couple d’influenceurs qui s’étaient filmés à l’automne en train de danser devant la tour Azadi (Liberté), à Téhéran, viennent d’écoper de dix ans de détention.

Astiyazh Haghighi et son fiancé Amir Mohammad Ahmadi, tous deux dans la jeune vingtaine, avaient été appréhendés en novembre peu de temps après avoir mis en ligne la vidéo sur leurs comptes Instagram, très suivis.

La jeune femme ne portait pas de voile, faisant fi des restrictions vestimentaires imposées par la République islamique aux femmes, qui ne sont par ailleurs pas autorisées à danser en public avec un homme.

Le tribunal a déclaré le couple coupable d’avoir « encouragé la corruption et la prostitution » tout en cherchant à « perturber la sécurité nationale ».

La décision judiciaire a été dénoncée en ligne par de nombreux défenseurs des droits de la personne, dont la journaliste irano-américaine Masih Alinejab, qui habite à New York.

« Ils ne méritent pas cette brutalité », a souligné Mme Alinejab, qui se retrouve elle-même sous forte pression des autorités iraniennes.

Le ministre de la Justice américain, Merrick Garland, a annoncé il y a quelques jours que les forces de l’ordre avaient arrêté trois personnes liées à un complot visant à assassiner Mme Alinejab.

En juillet, l’un des hommes mis en cause a été appréhendé à proximité de la résidence de Mme Alinejab à Brooklyn avec une arme automatique et de nombreuses munitions.

M. Garland a relevé que Téhéran avait déjà tenté de l’enlever en 2021 et continuait de la cibler en vue de la faire taire.

« La République islamique est une organisation criminelle qui tue des manifestants innocents », a-t-elle réagi en entrevue à CNN.

Le Center for Human Rights in Iran (CHRI) a parallèlement sonné l’alarme au cours des derniers jours au sujet des morts suspectes de plusieurs protestataires récemment relâchés de prison que les autorités iraniennes décrivent comme des « suicides ».

L’organisation a notamment relevé le cas d’une femme de 37 ans qui a été retrouvée sans vie dans son appartement quelques jours après avoir été portée disparue. Un membre de la famille a indiqué que son corps portait des traces de torture et n’avait pu être soumis à une autopsie indépendante en raison des pressions exercées par les forces de l’ordre.

« La réponse des autorités iraniennes aux manifestations en cours a été de tuer, de réaliser des arrestations de masse et des exécutions ; des efforts pour tenter de dissimuler de nouveaux meurtres ou des “suicides” induits par l’État s’inscriraient dans la même approche de répression violente », a déclaré le directeur du CHRI, Hadi Ghaemi.

Programme nucléaire iranien

Les manifestations en cours en Iran ont débuté en septembre après la mort en détention d’une jeune femme de 22 ans, Mahsa Amini, qui avait été arrêtée par la police pour ne pas avoir correctement couvert ses cheveux.

Le mouvement de contestation s’est rapidement propagé à l’ensemble du pays, suscitant une réponse musclée du régime, qui doit composer parallèlement avec une crise d’envergure liée aux inquiétudes soulevées par son programme nucléaire.

Sami Aoun, spécialiste du Moyen-Orient rattaché à l’Université de Sherbrooke, a indiqué mardi que l’indignation soulevée par la répression en cours en Iran rendait encore plus difficile tout effort pour rétablir l’accord multilatéral encadrant le programme en question.

Les États-Unis, qui s’étaient retirés de l’accord durant la présidence de Donald Trump, continuent de dire qu’ils sont ouverts à la recherche d’une solution diplomatique, mais la situation ne semble guère favorable à un règlement.

« L’option militaire est de plus en plus sur la table », indique M. Aoun, qui en veut notamment pour preuve le fait que les États-Unis et Israël ont tenu des exercices militaires communs récemment pour simuler une attaque contre l’Iran.

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a indiqué à plusieurs reprises que son pays n’hésiterait pas à intervenir pour empêcher le programme nucléaire iranien de progresser au-delà d’un seuil critique.

Une frappe de drones survenue durant la fin de semaine à Ispahan, en Iran, où le pays dispose d’infrastructures stratégiques, a été imputée par plusieurs médias américains à Israël.

« Le style d’attaque, les drones utilisés reflètent des opérations qu’ils ont réalisées par le passé », souligne dans la même veine Farzin Nadimi, un analyste du Washington Institute.

Il s’attend à ce que ce type d’opération se multiplie si l’impasse relativement au rétablissement de l’accord nucléaire perdure.

Téhéran maintient que son programme est de nature civile et n’a pas pour objectif de développer une arme nucléaire.