(Sanaa) Vêtements déchirés et chaussures écrasées jonchent les ruelles étroites de la vieille ville de Sanaa, capitale du Yémen, où une bousculade meurtrière a transformé jeudi un évènement caritatif en scène de terreur dans ce pays déjà affligé par la pauvreté et la guerre.

Une atmosphère de deuil a envahi le quartier historique de la capitale, autour de l’école Maïn où, dans la nuit, 85 personnes sont mortes et des centaines d’autres blessées.  

Le mouvement de foule s’est produit lors de la distribution de l’équivalent de huit dollars, le prix d’un repas familial.

L’initiative a été lancée par un commerçant de la ville à l’occasion de l’Aïd al-Fitr, la fête marquant la fin du ramadan, mois sacré du jeûne musulman.  

Les œuvres de charité sont fréquentes en cette période de l’année dans le monde musulman et, au Yémen, elles ont une importance particulière alors que le pays subit l’une des pires crises humanitaires au monde en raison de la guerre opposant les rebelles au gouvernement.

« Beaucoup de gens sont venus recevoir l’aumône », raconte Alaa Saïd, un résident de Sanaa de 28 ans qui figure parmi les blessés légers. « Les gens se sont bousculés, les uns sur les autres, et ma tête a cogné un mur », poursuit-il. 

Le secteur a rapidement été bouclé par les forces de sécurité des rebelles houthis, un mouvement proche de l’Iran qui s’est emparé de Sanaa en 2014. Mais on peut voir au loin la porte de l’école arrachée et les taches de sang sur les escaliers en pierre qui mènent à l’établissement.

Lorsque la bousculade a commencé, Nabil Ahmed, un autre rescapé, se trouvait « au bout de la foule ». « On a entendu des cris venir de devant », se souvient le jeune homme de 23 ans.  

Pris au piège

Des images diffusées par les médias appartenant aux rebelles montrent des personnes prises au piège, implorant pour qu’on les laisse se libérer pendant que d’autres grimpent sur la foule pour tenter de s’enfuir.  

Une autre vidéo diffusée aussi par les houthis montre des cadavres sur le sol alors que les survivants s’enfuient. Sur d’autres images, on peut voir des sacs mortuaires blancs alignés sur le sol d’un hôpital et des corps gisant recouverts de draps verts.

Parmi les survivants, dont des enfants, certains étaient allongés, en état de choc, sur des lits d’hôpital, avec souvent des membres bandés et des plaies saignantes, selon ces images.  

Au moins 85 personnes sont mortes et 322 ont été blessées, assurent deux responsables rebelles sous couvert d’anonymat. Le bilan officiel fait état de 78 morts et 77 blessés.

Les autorités rebelles, qui imputent la catastrophe à un « excès de monde », ont annoncé l’ouverture d’une enquête et l’arrestation de trois hommes.  

Ce drame s’ajoute à une longue liste de tragédies provoquées par la guerre au Yémen. Déplacements, épidémies, manque d’eau potable, faim aiguë : plus des trois quarts des quelque 30 millions d’habitants dépendent d’une aide internationale qui n’a cessé de diminuer.

Le conflit sanglant oppose depuis plus de huit ans les rebelles soutenus par l’Iran aux forces pro-gouvernementales appuyées elles par l’Arabie saoudite voisine. Le rapprochement récent entre Téhéran et Riyad suscite des espoirs d’apaisement au Moyen-Orient, en particulier au Yémen.