« Pour le moment, on reste », mais vu le siège actuel, l’absence d’électricité et l’impossibilité de faire entrer du matériel médical et des médicaments dans la bande de Gaza, « comment peut-on continuer de soigner les Palestiniens » ?

En entrevue, Nadja Pollaert, directrice générale de Médecins du Monde Canada, explique que son organisation compte une quarantaine d’employés actuellement déployés dans les territoires occupés (pas de Canadiens, mais du personnel local et d’Europe).

Ce qu’il faut rappeler, dit-elle, c’est que le siège actuel touche une population déjà extrêmement fragilisée par le blocus des dernières années qui entravait déjà l’accès des Palestiniens aux soins de santé.

De fait, selon deux rapports de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) réalisés en 2019 et 2023, « seuls 55 % des médicaments essentiels étaient disponibles dans la pharmacie centrale du ministère de la Santé » dans la bande de Gaza.

Les frappes israéliennes touchent donc « une population physiquement et psychologiquement à terre », résume Mme Pollaert.

Il s’agit de gens atteints de maladies chroniques qui n’ont plus leurs médicaments, de gens souffrant de malnutrition et qui vivaient déjà une insécurité alimentaire.

Non seulement l’absence d’électricité complique les soins, mais elle rend très difficiles les communications avec le personnel sur place. « Il y a des génératrices, mais elles ne fonctionnent pas éternellement », fait observer Mme Pollaert.

Elle rappelle que « les frappes qui visent des civils, le siège qui est imposé, de même que les prises d’otage » sont tous des violations du droit humanitaire international ».

Soignants en danger

Mme Pollaert fait aussi observer que si la situation est particulièrement dangereuse pour les soignants, elle n’est qu’une aggravation de ce qui se vivait déjà dans les territoires occupés.

Dans un texte publié le 10 mai 2023, les Nations unies écrivaient de fait : « En 2023, la flambée de violence en Cisjordanie a exposé les patients palestiniens, le personnel de santé, les ambulances et les installations à des attaques accrues contre les soins de santé. Les rapports de l’OMS montrent les tendances à long terme, avec 750 attaques sanitaires documentées dans le territoire palestinien occupé de 2019 à 2022. Ces attaques ont entraîné le décès d’un agent de santé et blessé 568 agents de santé, avec 315 ambulances et 160 établissements de santé touchés. »

Médecins du Monde continue de plaider pour l’établissement de couloirs humanitaires pour assurer la livraison de matériel médical et de médicaments.

Les Palestiniens ne peuvent fuir vers aucun pays, « on ne peut pas sortir les blessés, il n’y a pas d’électricité, pas d’eau potable. Au point de vue humanitaire, c’est la catastrophe », conclut Mme Pollaert.

Tout comme Médecins du monde, Médecins sans frontières (MSF) – qui compte 300 employés palestiniens dans la bande de Gaza – a aussi réclamé jeudi dans un communiqué « la mise en place de lieux sûrs et de cessez-le-feu pour la population ».

« Le poste-frontière de Rafah [dans le Sud, près de l’Égypte] dont l’accès est rendu impossible par d’intenses bombardements doit être rétabli. Les personnes souhaitant fuir Gaza doivent également être autorisées à le faire par ce même point de passage.

« Les équipes MSF sont témoins d’un niveau de destruction dépassant celui de tous les conflits précédents à Gaza ; deux des hôpitaux soutenus par MSF, Al-Awda et l’hôpital indonésien, ainsi que la clinique de MSF à Gaza ont été endommagés par les frappes aériennes. »