Un habitant de Gaza raconte la précarité, l’incertitude et le désespoir qui règnent dans l’enclave, alors que les raids israéliens se multiplient

Cinq minutes. C’est tout le temps que peut nous accorder Zidan Al Buhaisi. La nuit tombe sur Gaza et le prochain raid israélien est imminent. D’une minute à l’autre, il va devoir fuir de chez lui avec sa femme et ses quatre enfants.

« Je ne vois rien, dit-il. J’entends seulement les avions qui bombardent autour de nous. Ils viennent de pilonner un immeuble à 400 mètres de chez moi. Vous entendez les ambulances ? »

Zidan, 38 ans, est un des 2,3 millions de Gazaouis actuellement pris en étau par l’armée israélienne. Depuis quatre jours, il vit dans l’incertitude la plus totale, sans savoir si lui et sa famille seront vivants demain. Il n’a plus d’électricité, plus de gaz, et ses réserves de nourriture et d’eau potable vont bientôt s’épuiser, en raison des coupures d’Israël. Une situation sans issue.

Jeudi, quatre membres de sa famille ont été tués à Deir el-Balah (centre) ainsi qu’une quinzaine de ses connaissances et la vingtaine de personnes qui habitaient un immeuble voisin. L’armée israélienne a aussi frappé deux fois chez lui, à Khan Yunis (sud). Aucune perte humaine dans son cercle immédiat pour le moment, mais il sait que le danger se rapproche et que la mort rôde.

Pris au piège

Cela semble désormais plus que probable : l’armée israélienne devrait mener sous peu une offensive terrestre d’ampleur dans la bande de Gaza, après l’attaque sanglante du Hamas de samedi dernier qui a causé la mort de 1200 Israéliens.

Plus de 300 000 soldats israéliens seraient massés à la frontière, tandis que des avions préparent le terrain sous un tapis de bombes.

Depuis lundi, on déplore plus de 1500 morts dans la population, première victime de ce conflit qu’elle n’a pas souhaité, mais qu’elle accepte, résignée.

Pour les observateurs, il semble évident que la guerre s’annonce longue. Et qu’elle fera encore plus de dommages collatéraux, alors que les civils palestiniens, coincés entre le Hamas et l’armée israélienne, n’ont aucun moyen de quitter l’enclave, fermée au nord par Israël et au sud par l’Égypte.

INFOGRAPHIE LA PRESSE

Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, a martelé jeudi que les Gazaouis devaient « rester sur leur terre », alors que les appels se multiplient pour que le pays autorise un passage sécurisé pour les civils fuyant les représailles israéliennes. Se disant « très inquiet », le chef de l’Organisation mondiale de la santé Tedros Adhanom Ghebreyesus a pour sa part plaidé pour l’ouverture d’un couloir humanitaire pour acheminer de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.

De toute façon, Zidan ne sait même plus s’il voudrait partir ou rester, même si on lui en donnait le choix. L’avenir est tout simplement trop précaire pour se projeter.

Comme tout le monde, je veux un meilleur avenir pour ma famille. Mais peut-être que je vais mourir après vous avoir parlé. Alors c’est difficile de vous dire ce que je veux.

Zidan Al Buhaisi

La peur ? Pas exactement « Mes enfants, oui. Ils ont peur. Ils pleurent », dit-il. Dans son cas, il s’agit plutôt de résignation. Sa voix est atone. Ni chargée de colère ni tremblante, mais comme vidée par le désespoir. « Nous essayons juste de survivre jusqu’à la prochaine heure », répète-t-il.

À ce stade, Zidan doit interrompre la conversation. Il craint que la menace ne se rapproche. Il faut faire les sacs et préparer la famille. « Je dois partir. Ça devient dangereux. » Quand on lui demande où ils vont chercher un abri, il répond tout simplement : « Sous le ciel », avant de raccrocher.

Comprendre qu’il n’y a à Gaza aucun endroit où fuir les bombes. Les nombreuses tours d’habitation sont autant de cibles potentielles pour l’armée israélienne. Et les abris antiaériens sont inexistants dans cet enclos à ciel ouvert de 365 km2. Des dizaines de milliers de personnes se sont rassemblées dans les écoles gérées par l’ONU, tandis que d’autres sont hébergées chez des proches ou même chez des étrangers qui les laissent entrer.

« Un champ avec des arbres serait probablement plus sûr, nous explique Omer Beheisi, un Canado-Palestinien d’Ottawa, qui nous a mis en contact avec Zidan, un membre de sa famille. Le problème, c’est qu’il y en a très peu. La plage ? Ce n’est pas une option parce qu’il y a des navires de guerre américains et israéliens qui tirent au mortier depuis la mer. »

« Ce qui se passe est une calamité, conclut-il. Il n’y a pas d’autre mot. »

Avec l’Agence France-Presse