Israël a continué de mobiliser ses troupes aux abords de la bande de Gaza, dimanche, en vue d’une offensive tous azimuts sur l’enclave, un scénario appréhendé depuis plusieurs jours qui fait craindre une crise humanitaire sans précédent au moment où le carburant vient à manquer pour alimenter les hôpitaux du côté palestinien.

Ce qu’il faut savoir

  • Une offensive terrestre israélienne est attendue sur le territoire palestinien ;
  • Israël a ordonné vendredi l’évacuation de tous les civils du nord Gaza ;
  • Un million d’habitants de ce territoire palestinien ont été déplacés depuis le début du conflit ;
  • La situation humanitaire dans l’enclave privée d’eau et d’électricité se détériore de plus en plus ;
  • Environ 150 personnes seraient détenues par le Hamas, « incluant des étrangers » ;
  • La guerre a fait 4070 morts de part et d’autre, selon les bilans officiels.
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« Nous allons démanteler le Hamas », a réitéré dimanche le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, à ses ministres, lors d’une première rencontre de la cellule de guerre gouvernementale, selon ce qu’a rapporté son cabinet.

Sur le terrain, les préparatifs en vue de cette offensive se poursuivaient dimanche alors que 360 000 réservistes ont été appelés sous les drapeaux.

Des commandants israéliens, dont la plupart n’ont pas mis les pieds dans la bande de Gaza depuis la fin de son occupation en 2005, ont été montrés à bord d’hélicoptères survolant le territoire, selon ce qu’a indiqué The Times of Israel.

L’armée israélienne a indiqué qu’elle se préparait en vue d’une « offensive coordonnée des airs, de la terre et de la mer », et ce, après plusieurs jours de bombardements continus de la bande de Gaza.

Malgré sa supériorité militaire apparente, l’offensive fait craindre des pertes importantes pour l’État hébreu dans les dédales urbains de la bande de Gaza, où résident environ 2,4 millions de Palestiniens.

L’enclave est composée de zones urbaines densément peuplées avec des rues extrêmement serrées, comme le soulignait à La Presse cette semaine Alain Pirot, journaliste indépendant spécialiste des questions de défense et ancien correspondant à Jérusalem.

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Détresse humaine

Pendant ce temps, à l’intérieur même de l’enclave, la détresse humaine se faisait vive, dimanche. En plus du bilan des morts qui s’alourdit chaque jour, plus de 1000 Gazaouis manqueraient à l’appel sous les décombres et 600 000 d’entre eux auraient fui vers le sud après l’appel d’Israël à évacuer le secteur nord du territoire en vue de l’offensive.

Les autorités médicales ont averti que des centaines de civils pourraient toutefois mourir dans les hôpitaux, faute de soins, alors que le carburant et les fournitures de base viennent à manquer. Les victimes des frappes aériennes incessantes continuaient d’affluer à l’hôpital d’Al Shifa, le plus important complexe médical de Gaza.

Mais les déplacer vers le sud relève d’une mission impossible, a indiqué au New York Times le directeur de l’établissement, le DMuhammad Abu Salima.

Aucun endroit à Gaza ne peut accepter le nombre de patients que nous avons à nos soins intensifs et néonataux, ni même dans nos salles d’opération.

Le DMuhammad Abu Salima

L’eau et la nourriture venaient également à manquer dans ce territoire densément peuplé à la suite du blocus imposé par Israël depuis maintenant une semaine, pour répliquer à l’attaque sanglante du Hamas, samedi dernier.

« La destruction à Gaza est immense. Nous n’avons jamais rien vu de tel. C’est sans précédent », a déclaré à la chaîne CNN le directeur général palestinien du Croissant-Rouge, Marwan Jilani, depuis Ramallah, en Cisjordanie, en prêchant pour un cessez-le-feu.

Le Proche-Orient est « au bord de l’abîme », a souligné pour sa part secrétaire général des Nations unies, António Guterres, dimanche. Il a appelé du même coup à la libération des otages israéliens du Hamas et à la mise en place d’un corridor humanitaire vers Gaza, deux demandes « légitimes » qui ne doivent pas devenir « des arguments de négociations ».

« Une grosse erreur », selon Biden

Signe de son soutien indéniable à l’État hébreu, le président américain, Joe Biden, prévoirait se rendre en Israël dans les prochains jours. Dans un geste ultime pour prévenir une escalade du conflit, il a exhorté son allié à ne pas occuper la bande de Gaza, estimant qu’il s’agirait là « d’une grosse erreur ».

« Ce qui s’est produit à Gaza, selon moi, est dû au Hamas, et les extrémistes du Hamas ne représentent pas l’ensemble du peuple palestinien. Ce serait donc une erreur d’Israël d’occuper Gaza à nouveau », a-t-il expliqué en entrevue à l’émission 60 Minutes.

Sans surprise, Joe Biden a toutefois réitéré la nécessité « de se débarrasser des extrémistes » alors que son administration a refusé de critiquer les frappes aériennes qui ont provoqué la mort de 2670 civils dans l’enclave durant la dernière semaine, selon les autorités palestiniennes.

Et cela, tout en pressant Israël, l’Égypte et plusieurs autres nations de permettre l’entrée de l’aide humanitaire dans la bande de Gaza.

Une brèche attendue

Après une rencontre avec le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, plus tôt dimanche, le secrétaire d’État américain, Antony Blinken, a d’ailleurs annoncé que le poste frontalier de Rafah, à l’extrémité sud de la bande de Gaza, serait ouvert.

PHOTO JACQUELYN MARTIN, ASSOCIATED PRESS

Antony Blinken, secrétaire d’État américain

La fermeture des deux frontières avec Israël, qui maintient un blocus de l’enclave, fait en sorte qu’il s’agit de la seule issue restante pour fuir Gaza. Selon l’ambassade de Palestine aux États-Unis, le poste frontalier de Rafah ouvrirait aux ressortissants à 9 h (heure locale) ce lundi, selon ce qu’a indiqué la chaîne NBC dimanche. Une telle opération s’est toutefois soldée par un échec vendredi dernier.

Depuis une semaine, les autorités égyptiennes affirment que le poste frontalier de Rafah a été frappé par des tirs de missiles israéliens du côté de Gaza, provoquant l’accumulation de tonnes de matériel d’aide humanitaire le long de la route, côté égyptien, faute d’une solution de rechange pour y entrer.

Dimanche, le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, responsable politique en Cisjordanie, s’est dissocié à nouveau du Hamas en affirmant que « les politiques et les actions du Hamas ne représentent pas le peuple palestinien ».

L’Organisation de libération de la Palestine (OLP), qu’il dirige, est la seule représentante légitime du peuple palestinien, a-t-il déclaré selon l’agence de presse officielle palestinienne lors d’un entretien avec le président vénézuélien, Nicolás Maduro.

Avec l’Agence France-Presse, l’Associated Press, The New York Times, NBC, CNN, The Times of Israel, Reuters