(Beyrouth) La tension monte dangereusement à la frontière entre le Liban et Israël, où les accrochages meurtriers se multiplient entre le Hezbollah libanais et l’armée israélienne, alimentant les craintes d’une escalade régionale de la guerre entre Israël et le Hamas palestinien.

Israël a dit dimanche soir ne pas vouloir de guerre à sa frontière avec le Liban, où le mouvement armé du Hezbollah est un allié du Hamas qui a lancé le 7 octobre une attaque sanglante et d’une ampleur sans précédent contre le territoire israélien.  

« Nous ne sommes pas intéressés par une guerre dans le nord, nous ne voulons pas d’une escalade de la situation », a déclaré le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant, précisant toutefois que « si le Hezbollah choisit la voie de la guerre, il en paiera un très lourd tribut ».

Washington qui avait averti le Hezbollah de ne pas prendre de « mauvaise décision » a dit redouter une « escalade » et une « possible implication de l’Iran ». Téhéran, parrain du Hezbollah, a d’ailleurs mis en garde dimanche contre un possible « élargissement du conflit ».

Sur le terrain, les échanges de tirs des deux côtés de la frontière et les tentatives d’infiltration en Israël de combattants palestiniens alliés du Hezbollah se multiplient.

Dimanche, un civil israélien a été tué et plusieurs autres blessés à Shtula, dans le nord d’Israël, par un tir de missile revendiqué par le Hezbollah chiite.

L’armée israélienne a riposté en visant des positions du Hezbollah dans le sud du Liban, un fief du Hezbollah, et a fermé la zone frontalière aux civils dans un rayon de quatre kilomètres sur son territoire.

Le mouvement chiite a ensuite revendiqué une nouvelle attaque dans le nord d’Israël, dans la zone de Hanita, affirmant avoir « tué et blessé plusieurs soldats ennemis », tandis que l’armée israélienne indiquait que ses avions de chasse frappaient des positions du Hezbollah.

De son côté, le Hamas palestinien, qui a aussi des combattants au Liban, a annoncé avoir tiré plusieurs roquettes sur le nord d’Israël.

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Des soldats israéliens patrouillent dans des véhicules blindés de transport de troupes à une position non divulguée dans le nord d’Israël près de la frontière avec le Liban.

En soirée, la force de maintien de la paix au Liban (Finul) présente pour faire tampon entre le Liban et Israël, toujours techniquement en état de guerre, a indiqué que son siège à Naqoura (sud) avait été touché par une roquette dimanche, sans faire état de victimes.

« Les attaques contre des civils ou contre le personnel de l’ONU constituent des violations du droit international pouvant constituer des crimes de guerre », a ajouté la Finul.

Craintes d’un nouveau front

Depuis le début de la guerre déclenchée par l’attaque du Hamas, les affrontements à la frontière ont fait une dizaine de morts côté libanais, en majorité des combattants mais aussi un journaliste de Reuters et deux civils. Côté israélien, au moins deux personnes ont été tuées.

Cette montée de la tension fait craindre l’ouverture d’un nouveau front avec une entrée dans le conflit du Hezbollah, qui pourrait entraîner le Liban dans la guerre.

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Le Hezbollah libanais et Israël ont échangé des tirs meurtriers à la frontière dimanche.

La France a appelé samedi le Hezbollah et son parrain iranien à la « retenue » afin « d’éviter d’ouvrir un nouveau front dans la région ». Et dimanche le président français Emmanuel Macron « a mis en garde » le président iranien Raïssi « contre toute escalade » du conflit, notamment au Liban.

La mort dimanche du civil israélien est « un degré de plus sur l’échelle de l’escalade. Un petit degré, mais dans ce genre de situation les petits détails ont une énorme importance », prévient sur le réseau X le spécialiste d’International Crisis group (ICG) Heiko Wimmen.

Depuis le 7 octobre, plus de 1400 personnes ont été tuées en Israël dans l’attaque du Hamas, surtout des civils, dont des enfants.  

Les raids de représailles israéliens ont tué 2670 personnes, dont des centaines d’enfants, dans la bande de Gaza, selon les autorités locales.

Pour plusieurs analystes, une offensive terrestre de l’armée israélienne contre Gaza pourrait constituer le déclencheur d’une intervention du Hezbollah.

Beaucoup de Libanais, qui gardent le souvenir terrible de la dernière guerre avec Israël en 2006, redoutent cependant un nouveau conflit.

« Nous sommes épuisés, fatigués », a dit à l’AFP Kamleh Abu Khalil, une septuagénaire vivant dans le sud du Liban rongé par une crise sociale et économique sans précédent.