La possibilité d’un élargissement du conflit entre le Hamas et Israël au reste de la région a encore monté d’un cran dimanche. Si l’Iran fait planer la menace d’une escalade, son implication dans une attaque directe à court terme du territoire israélien reste peu probable. Entrevue avec Vahid Yücesoy, doctorant à l’Université de Montréal et expert de l’économie politique du Moyen-Orient.

Pourquoi l’Iran en veut-il à Israël ?

« Parce que le régime iranien se considère comme le garant du peuple palestinien », répond d’emblée Vahid Yücesoy, quoique ce positionnement relève d’abord d’une « question d’image ». Puisqu’Israël est un allié des États-Unis, l’ennemi juré de l’Iran, il s’agit aussi pour Téhéran de faire « valoir ses intérêts dans la région », ajoute le doctorant.

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Gros plan sur la région

En visite au Qatar, dimanche, le ministre iranien des Affaires étrangères a ainsi averti d’un possible « élargissement du conflit » si Israël envahissait la bande de Gaza. « Si les attaques du régime sioniste contre la population sans défense de Gaza se poursuivent, personne ne peut garantir le contrôle de la situation », a déclaré Hossein Amir-Abdollahian.

L’Iran pourrait-il s’en prendre directement à Israël, même si les deux pays ne partagent pas de frontière terrestre ?

La chose est peu probable, du moins à court terme, estime Vahid Yücesoy. L’Iran risque plutôt d’utiliser sa méthode habituelle, c’est-à-dire ses « proxy », des acteurs régionaux qui défendent ses intérêts et à qui il offre une aide indirecte, comme des armes ou de la formation : le régime syrien de Bachar al-Assad, le Hamas, maintenant bien connu pour son attaque sanglante d’Israël le 7 octobre dernier, mais surtout le Hezbollah, son pendant au Liban.

Depuis le début du présent conflit, les affrontements à la frontière entre Israël et le Liban ont d’ailleurs fait une douzaine de morts. Israël a indiqué en outre avoir frappé samedi soir à l’artillerie la Syrie après des alertes aériennes dans la partie du plateau du Golan annexée par Israël en 1967. Une ONG a également annoncé qu’une « frappe israélienne » avait touché l’aéroport d’Alep, faisant cinq morts.

À quoi ressemblerait une offensive du Hezbollah ?

Jusqu’ici, les bombardements depuis le Liban ont été limités, souligne Vahid Yücesoy. « Ils peuvent augmenter la cadence, mais je ne pense pas qu’il va y avoir des soldats du Hezbollah qui vont débarquer dans le nord d’Israël », nuance l’expert. En effet, l’appui de la population libanaise, qui reproche au groupe islamiste la situation économique catastrophique du pays, est faible. Le Hezbollah, contre lequel des manifestations ont eu lieu au Liban avant la COVID-19, est donc très prudent dans son approche. De plus, après l’attaque du Hamas, Israël est en état d’alerte et surveille de près sa frontière nord, ce qui pourrait refroidir les ardeurs du Hezbollah, estime Vahid Yücesoy.

Les risques d’un élargissement du conflit seraient donc moins élevés que le laisse entendre l’Iran ?

« Tout va dépendre de la capacité d’Israël à prendre le contrôle dans la bande de Gaza, croit Vahid Yücesoy. Or, les Israéliens ne semblent pas avoir de plan clair pour y éradiquer le Hamas », souligne le doctorant. « Il y a beaucoup de points d’interrogation. Donc si le conflit se prolonge et qu’Israël montre des signes d’affaiblissement », il se peut que l’Iran et le Hezbollah y voient une occasion de s’ingérer dans le conflit. « L’Iran ne peut pas rester les bras croisés » face à la situation à Gaza, a d’ailleurs martelé le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, dans une interview à la chaîne qatarie Al-Jazeera, dimanche.

Israël pourrait vraiment en venir à être affaibli à ce point après une attaque de la bande de Gaza ?

Ce scénario représente « beaucoup d’incertitude ». « La conjoncture pourrait changer », prévient Vahid Yücesoy. Il n’y a pas si longtemps, « on n’aurait jamais prédit la faiblesse d’Israël face au Hamas, ça a pris tout le monde par surprise », rappelle-t-il.

Avec l’Agence France-Presse