On est encore loin, très loin d’une négociation de paix au Proche-Orient. L’ampleur et les conséquences de l’offensive terrestre israélienne à Gaza seront sans doute déterminantes pour la suite des choses. Mais certains pays semblent déjà mieux placés que d’autres pour jouer le rôle de médiateur dans ce conflit meurtrier. Si tant est qu’une médiation soit possible… Survol.

Égypte 

L’Égypte a déjà joué les médiateurs entre les deux camps dans le passé. Elle entretient de bonnes relations avec Israël et possède une certaine légitimité au sein de la population palestinienne. Sa proximité géographique avec Gaza est aussi un atout pour d’éventuelles négociations, puisqu’elle peut utiliser sa frontière commune avec l’enclave pour faire pression sur le Hamas. « Le Hamas dépend de l’Égypte, car l’Égypte pourrait empêcher les Gazaouis de passer sa frontière », résume Benjamin Toubol, doctorant en science politique à l’Université Laval. Lundi, l’Égypte a annoncé un « sommet régional et international sur l’avenir de la cause palestinienne » prévu samedi, où sont notamment invités le Qatar et le Koweït.

Qatar

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Ismaïl Haniyeh, chef politique du Hamas

Le petit pays du Golfe pourrait jouer un rôle majeur dans le dossier. Doha entretient des liens évidents avec les États-Unis et d’autres pays occidentaux sympathiques à la cause israélienne. Ce qui ne l’empêche pas d’accueillir depuis une dizaine d’années le bureau du Hamas à l’étranger, ainsi que son chef politique, Ismaïl Haniyeh. Loin de lui nuire, cette proximité avec le Hamas lui donne un certain avantage. « Israël trouve utile qu’il y ait un endroit qui parle à tout le monde. Le Qatar est comme une petite ONU. Cela fait partie de sa politique étrangère. Il a déjà joué un rôle majeur de médiation dans le passé. Avec l’Égypte, c’est le médiateur le plus plausible », résume Rex Brynen, professeur à McGill.

Turquie

La Turquie cultive des relations avec les deux camps. Le président turc, Recep Tayyip Erdoğan, s’est d’ores et déjà proposé comme médiateur, « incluant des échanges de prisonniers, si les deux parties le réclament ». Mais cette négociation ne peut être qu’à moyen terme, estime Benjamin Toubol. « Il faudrait que certaines conditions soient remplies et que le conflit s’étire dans le temps. »

Russie

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Vladimir Poutine, président de la Russie

Jouant la carte de la modération, Vladimir Poutine a évité jusqu’ici de choisir un camp. Il a déclaré qu’il fallait « travailler sur la diplomatie plutôt que sur l’aspect militaire et chercher des solutions pour arrêter les combats le plus tôt possible ». Pour le Kremlin, l’objectif de négociations de paix doit être la solution à deux États, approuvée par l’ONU, avec la création d’un État palestinien avec une capitale à Jérusalem-Est.

États-Unis

Soutien unilatéral d’Israël, Washington peut difficilement jouer un rôle de médiation. « Les pays arabes en général sont plus proches de Vladimir Poutine que des États-Unis, ajoute Benjamin Toubol. Ça ne veut pas dire que les États-Unis n’ont pas leur mot à dire, mais ils ont surtout une position coercitive. Ils ont dit au Liban et à l’Iran : “si vous tentez quelque chose, on intervient”. Ce n’est pas une rhétorique de médiateur. »

Une négociation à court terme ?

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Benyamin Nétanyahou, premier ministre d’Israël

Ce serait étonnant, considérant qu’Israël n’a pas encore lancé son offensive terrestre et est encore dans une logique de revanche. Il faudra voir, par ailleurs, comment Benyamin Nétanyahou envisage l’après-invasion. Voudra-t-il occuper la bande de Gaza ? Sinon, qui pour diriger l’enclave après le départ des Israéliens ? « Pour le moment, une médiation est possible – quoiqu’improbable –, et sur des enjeux limités, en particulier sur la question les otages », explique Boaz Atzili, professeur de politique étrangère et de sécurité globale à l’Université américaine de Washington. « Le Hamas pourrait demander un cessez-le-feu, mais je ne vois pas Israël accepter à ce stade-ci. »

Une négociation à plus long terme ?

On a beaucoup parlé du radicalisme et de l’intransigeance du Hamas. Dans l’absolu, l’organisation voudra-t-elle négocier ? C’est une vraie question, admet Rex Brynen. « La modération du Hamas fait débat depuis plusieurs années. Il y a des gens dans le Hamas qui veulent détruire Israël. Il y a des gens dans le Hamas qui détestent Israël, mais qui sont ouverts à la solution des deux États parce qu’ils ne pensent pas pouvoir détruire Israël. Il y a des gens dans le Hamas qui sont en faveur de négociations de paix, mais espèrent quand même qu’Israël sera détruit. Toutes ces choses sont vraies simultanément. Ce qui est aussi vrai, c’est que dans le passé, l’existence du Hamas a fait l’affaire d’Israël, parce que cela lui évitait de parler plus largement avec les Palestiniens. Nétanyahou l’a dit explicitement : l’existence du Hamas est une bonne façon pour nous de ne pas parler d’un État palestinien… »