(Jérusalem) Les fidèles palestiniens d’une église de Jérusalem-Est rêvent de paix et parlent de l’amour du prochain que leur enseigne leur religion, sans rien cacher de leur colère face à Israël, qu’ils tiennent pour premier responsable des massacres commis par le Hamas sur son sol.

L’ambiance est lourde parmi ces catholiques à la sortie de la messe Saint-Jacques-Apôtre de Beit Hanina, quartier palestinien de la partie de Jérusalem occupée par Israël depuis 1967, alors qu’Israël et la bande de Gaza sont de nouveau pris dans une guerre ayant déjà fait plusieurs milliers de morts.

« Je suis contre le fait de tuer. Ce que le Hamas a fait est terrible et je ne soutiens pas ça. Mais c’est très compliqué parce que les habitants de Gaza n’ont rien fait. Ce n’est pas la population qui a fait ça, c’est un groupe de gens qui s’appelle Hamas », dit Maria, agente de voyage de 21 ans, qui refuse de donner son patronyme.  

Depuis le déclenchement des hostilités le 7 octobre par l’assaut de commandos du Hamas venus de Gaza sur le sud d’Israël, plus de 1400 personnes ont été tuées côté israélien, dont plusieurs centaines de civils massacrés dans des localités proches de Gaza, selon les derniers chiffres officiels israéliens.

En représailles, Israël mène sans relâche des frappes destructrices sur la bande de Gaza qui ont fait environ 2750 morts, selon les autorités de ce territoire densément peuplé, contrôlé par le Hamas depuis 2007 et soumis à un blocus israélien depuis plus de 15 ans.

Condamnant « sans équivoque toute action visant des civils, quelle que soit leur nationalité, leur appartenance ethnique ou leur religion », les patriarches et dirigeants des églises chrétiennes représentées à Jérusalem ont appelé à « la cessation de toutes les actions militaires et violentes ».

Ils ont déploré que « la Terre sainte [soit] actuellement enlisée dans la violence et la souffrance du fait du conflit interminable [entre Israël et les Palestiniens] et de l’absence lamentable de justice et de respect des droits de l’Homme ».  

« La création d’Israël »

Dans son homélie à Saint-Jacques-Apôtre, le prêtre a appelé à « la paix », le plus vite possible.

Les rares paroissiens qui acceptent de témoigner devant une caméra tiennent des propos similaires. « Aujourd’hui, tout le monde souffre et c’est pour ça que nous sommes à l’église, nous prions pour la paix », dit Nakhlé Bayda, la moustache grisonnante.

Mais hors caméra, le discours des fidèles interrogés par l’AFP est bien moins diplomatique.

Rania a le regard noir. Pour elle, les commandos du Hamas qui ont déferlé sur le sud d’Israël sont « la création d’Israël, de son injustice, des restrictions [imposées par Israël à Gaza] et de l’assassinat de leurs familles pendant toutes ces années ».

Israël a rendu les partisans du Hamas « violents en les étouffant » dans « une prison à ciel ouvert », poursuit cette quinquagénaire employée d’ambassade.

À partir de la fin de la décennie 1980, Israël a laissé prospérer le Hamas et d’autres mouvements islamistes dans les Territoires palestiniens occupés pour contrer l’influence de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), agrégation de mouvements laïcs emmenée par le dirigeant historique des Palestiniens, Yasser Arafat, selon les experts.

Jusqu’à ce qu’Israël se retrouve frappé dans les années 1990 par une vague meurtrière d’attentats suicide perpétrés par des membres du Hamas ou du Djihad islamique, autre mouvement palestinien prônant la lutte armée contre Israël et refusant le processus de paix amorcé par Israël et l’OLP en 1993, mais dans l’impasse depuis des années.

Aujourd’hui, le Hamas est l’ennemi numéro un d’Israël. Depuis la prise de Gaza par ce mouvement soutenu par l’Iran et qualifié de « terroriste » par Israël, les États-Unis et l’Union européenne, plusieurs guerres ont opposé l’armée israélienne aux groupes palestiniens à Gaza.

« Qu’attendez-vous ? »

« On veut exprimer nos sentiments » vis-à-vis de la guerre actuelle, explique Maria, « mais on ne peut pas, car on pourrait perdre notre travail ». Elle dit « ne pas soutenir » les « terribles » actions du Hamas, mais « comprendre les motivations » de ses hommes.  

Depuis des années, les enfants à Gaza voient « d’autres enfants de 8 ou 9 ans mourir » sous les tirs israéliens, dit-elle, « qu’attendez-vous de ces enfants quand ils grandissent ? »

Les représailles israéliennes sur Gaza, qui ont tué plus de 700 enfants selon les autorités locales, scandalisent les deux chrétiennes.

La peur de parler est palpable parmi les paroissiens de Beit Hanina. Une source chrétienne à Jérusalem évoque l’inquiétude pour ses coreligionnaires encore présents à Gaza : plusieurs centaines de personnes réfugiées dans deux églises de la ville tenue par les islamistes du Hamas, afin d’échapper aux bombes israéliennes.

Les chrétiens locaux, essentiellement palestiniens, se retrouvent dans une situation délicate, pris en étau entre Israël et l’immense majorité, musulmane, des Palestiniens.

Ils ne représentent plus que 2 % de la population de « Terre sainte » – région qui englobe Israël, la Cisjordanie, et la bande de Gaza, et s’étend jusqu’en Jordanie –, selon le patriarcat latin de Jérusalem.

« Nous sommes chrétiens, oui, et nous sommes aussi palestiniens […] C’est notre terre et nous ressentons la même chose que tout Arabe palestinien vivant » ici, dit Rania. « La situation actuelle est horrible. Nous n’en croyons pas nos yeux de ce qui se passe à Gaza. »