La libération de deux otages détenues par le Hamas lundi a redonné espoir aux familles, tandis que le président américain, Joe Biden, pose comme condition sine qua non le relâchement de toutes les personnes détenues avant la négociation d’un cessez-le-feu. L’invasion terrestre de Gaza se fait toujours attendre, des doutes commençant à émerger chez les Américains quant au plan de leur allié hébreu une fois qu’il serait entré dans l’enclave.

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • Un troisième convoi d’aide est entré lundi dans la bande de Gaza via le terminal de Rafah ;
  • L’armée israélienne a annoncé avoir frappé dans la nuit à Gaza plus de 320 cibles militaires du Hamas et du Djihad islamique ;
  • Au moins 70 Palestiniens ont été tués des raids aériens menés dans la nuit et lundi matin par l’armée israélienne ;
  • Le Hamas a libéré lundi deux femmes enlevées le 7 octobre ;
  • Plus de 1400 personnes ont été tuées en Israël à ce jour et dans la bande de Gaza, plus de 5000 Palestiniens.
  • Détruire le Hamas et après ? Israël dans le flou des scénarios d’après guerre

(Rafah) Deux octogénaires libérées

Les deux femmes libérées, des octogénaires de nationalité israélienne, sont originaires du kibboutz Nir Oz. Yocheved Lifshitz et Nourit Kuper avaient été prises en otages avec leurs maris lors de l’attaque sanglante du Hamas du 7 octobre dernier.

Le porte-parole de la branche militaire du Hamas, Abou Obeida, a affirmé qu’elles avaient été libérées « pour des raisons humanitaires pressantes » grâce à une médiation du Qatar et de l’Égypte.

Facilitée par l’intervention de la Croix-Rouge, l’évacuation des deux femmes s’est faite à bord d’une ambulance jusqu’en Égypte, par le poste frontalier de Rafah, alors que leurs maris sont toujours retenus dans la bande de Gaza, a fait savoir l’armée israélienne. Le petit-fils de l’une d’elles, Daniel Lifshitz, a dit espérer que « ce ne soit que le début de la libération de tous ceux encore détenus ».

ƑLIBANPHOTO AL QAHERA NEWS VIA REUTERS

Yocheved Lifshitz à bord d’une ambulance après sa libération

Citant des sources dans la bande de Gaza, la chaîne i24News rapportait lundi qu’un accord serait en place pour libérer une cinquantaine d’otages israéliens possédant aussi une autre nationalité. Les demandes du Hamas pour de l’essence et de l’aide humanitaire retarderaient toutefois les pourparlers qui se déroulent encore sous la supervision du Quatar.

Une stratégie du Hamas

Mais d’où vient cette soudaine ouverture du Hamas à libérer ses otages ? De la pression du peuple palestinien, épuisé par les deux dernières semaines du conflit, estime Fabio Merone, fellow associé au Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient de l’Université Laval.

« Les gens, à un moment donné, ils n’en peuvent plus du siège, du manque d’aliments, des bombardements. Donc ils vont faire pression sur le Hamas pour qu’il fasse des concessions, ç’a toujours été le cas », explique celui qui consulte régulièrement les médias arabes.

PHOTO JAAFAR ASHTIYEH, AGENCE FRANCE-PRESSE

« Les gens, à un moment donné, ils n’en peuvent plus du siège, du manque d’aliments, des bombardements. Donc ils vont faire pression sur le Hamas pour qu’il fasse des concessions », estime Fabio Merone, fellow associé au Centre interdisciplinaire de recherche sur l’Afrique et le Moyen-Orient de l’Université Laval.

Le but du groupe est double, selon lui. Faire entrer plus d’aide humanitaire dans la bande de Gaza, mais également créer des divisions dans le camp adverse, soit dans la population israélienne ou encore entre l’État hébreu et son allié américain.

D’où les déclarations incendiaires du porte-parole du Hamas Abou Obeida après la libération de deux otages américaines vendredi dernier, rappelle-t-il. Celui-ci avait alors affirmé avoir offert à Israël de relâcher deux otages israéliens sans retour en contrepartie, ce que l’État hébreu aurait refusé. Des allégations niées par Israël, pour qui le dossier s’est toutefois transformé en « patate chaude ».

La condition à un cessez-le-feu

Environ 220 otages, tous âges et nationalités confondus, sont toujours détenus par le Hamas dans la bande de Gaza.

Lundi, le président américain, Joe Biden, a posé comme condition leur libération en vue de pourparlers pour l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu dans la bande de Gaza. « Les otages doivent être libérés, ensuite, on pourra discuter », a-t-il déclaré à partir de la Maison-Blanche.

Le haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme a tout de même demandé lundi un « cessez-le-feu humanitaire immédiat » à Gaza, appelant les dirigeants à faire des « choix courageux ».

« La première étape doit être un cessez-le-feu humanitaire immédiat, sauvant la vie des civils grâce à l’acheminement d’une aide humanitaire rapide et efficace à Gaza », a affirmé Volker Türk dans un communiqué.

Le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, quant à lui, a dit lundi à son homologue israélien Eli Cohen que « tous les pays » avaient le droit de se défendre, lors du premier appel entre les hauts diplomates des deux nations depuis l’éclatement du conflit entre Israël et le Hamas le 7 octobre.

La Chine n’a par ailleurs pas condamné explicitement l’attaque du Hamas.

Washington a dit espérer que l’amitié de Pékin avec l’Iran, soutien du Hamas, pourrait apaiser le conflit, surtout depuis que la Chine a parrainé en mars le spectaculaire accord de rétablissement des relations diplomatiques entre l’Iran et l’Arabie saoudite.

Pékin a réitéré sa position, soit que seule une solution à deux États peut mettre fin au conflit.

PHOTO MAHMUD HAMS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Lundi, un nouveau convoi de 20 camions a pu franchir le poste frontalier de Rafah, le seul accès à l’enclave qui n’est pas contrôlé par Israël.

Une nuit sanglante, une situation « catastrophique »

Mais loin de se calmer, le bombardement de Gaza s’est plutôt intensifié alors qu’environ 400 personnes auraient perdu la vie dans les 24 dernières heures en raison des frappes aériennes, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Six employés de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) ont été tués, a annoncé lundi soir le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA). Cela porte à 35 le nombre de membres du personnel de l’UNRWA morts depuis le début de la guerre, le 7 octobre.

Lundi, un nouveau convoi de 20 camions a pu franchir le poste frontalier de Rafah, le seul accès à l’enclave qui n’est pas contrôlé par Israël. La situation humanitaire y est qualifiée de « catastrophique » par l’ONU, dans le contexte où environ 1,4 million de Palestiniens ont fui leur foyer sur une population d’un peu plus de 2 millions d’habitants.

Depuis le début du conflit, le 7 octobre dernier, aucun carburant n’a pu être acheminé dans Gaza, faisant craindre un manque d’eau potable et de soins pour les blessés.

Des doutes des Américains

Pendant ce temps, des doutes commencent à émerger du côté du Pentagone quant au niveau de préparation des troupes israéliennes en vue d’une offensive terrestre dans la bande de Gaza, selon ce qu’a rapporté le New York Times, lundi.

L’administration Biden serait notamment préoccupée par l’absence d’objectif militaire clair de l’armée israélienne pour atteindre le but de son premier ministre, Benyamin Nétanyahou, soit l’éradication du Hamas.

Citant de hauts fonctionnaires israéliens sous le couvert de l’anonymat, le quotidien Maariv a avancé dimanche que Benyamin Nétanyahou et ses généraux seraient en désaccord sur la date du lancement de l’invasion terrestre attendue, ce qu’a nié le cabinet du principal intéressé.

Toujours selon le quotidien, le dirigeant israélien souhaiterait la retarder tant qu’il existe une possibilité de libérer les otages toujours captifs dans la bande de Gaza, ce dernier affirmant que la « phase initiale » de l’offensive israélienne, avec les frappes aériennes, n’était « pas encore épuisée ».

Avec l’Agence France-Presse, The New York Times, The Guardian, CNN, NBC, Haaretz, Reuters et l’Associated Press