Tout en intensifiant ses bombardements dans la bande de Gaza, Israël multiplie les mises en garde envers le Hezbollah afin d’éviter son entrée en guerre en soutien au Hamas.

Le premier ministre Benyamin Nétanyahou a lancé un nouvel avertissement mardi à ce sujet en relevant que le mouvement chiite libanais ferait face à des « conséquences horribles » s’il s’avisait d’intervenir de manière « significative » dans le conflit.

Le leader israélien avait prévenu deux jours plus tôt lors d’une visite à proximité de la frontière nord du pays, où plusieurs échanges de tirs ont eu lieu, que l’organisation islamiste ferait « l’erreur de sa vie » en allant de l’avant.

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Un soldat israélien prie dans un bunker situé près de la frontière libanaise.

Les analystes consultés par La Presse estiment que le scénario évoqué par le premier ministre israélien a peu de chances de se produire pour l’heure puisque l’Iran, qui contrôle le Hezbollah, n’a « aucun intérêt » à lancer ses miliciens dans une offensive majeure.

Alex Vatanka, un spécialiste de l’Iran rattaché au Middle East Institute, relève que Téhéran aimerait à terme que le Hamas demeure en place à Gaza pour faire pression sur Israël, mais n’entend pas sacrifier le Hezbollah pour y parvenir.

Le mouvement libanais, souligne l’analyste, est le principal outil dont dispose le régime iranien pour décourager toute attaque contre son propre territoire par Israël ou les États-Unis, et entend garder sa force de frappe « intacte » à cette fin.

Les échanges de tirs survenus depuis deux semaines à la frontière demeurent limités et visent, note M. Vatanka, à « faire réfléchir » Israël pour l’inciter à modérer ses actions militaires à Gaza tout en prenant soin de ne pas dépasser un seuil susceptible de déclencher une réponse musclée de Tel-Aviv.

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Le cercueil d’un combattant du Hezbollah est porté par la foule pendant ses funérailles à Babliyeh, au Liban.

D’autres groupes armés proches de l’Iran au Yémen, en Syrie et en Irak sont aussi utilisés à cette fin, dit-il.

Le risque d’un dérapage

Les mises en garde israéliennes, et le déploiement par les États-Unis de navires de guerre dans le golfe Persique, sont la contrepartie de ces tentatives de dissuasion, note Joost Hiltermann, spécialiste du Moyen-Orient de l’International Crisis Group, qui ne croit pas non plus à l’entrée en guerre du Hezbollah.

« Ce n’est pas dans l’intérêt de l’Iran de favoriser une escalade de cette nature », relève le spécialiste, qui n’écarte pas de possibles dérapages.

Le risque avec les campagnes de dissuasion, c’est qu’elles peuvent parfois mal tourner.

Joost Hiltermann, spécialiste du Moyen-Orient de l’International Crisis Group

M. Vatanka note que le Hezbollah est beaucoup mieux équipé militairement qu’il ne l’était en 2006 lors du précédent affrontement avec Israël et serait en mesure d’imposer des dommages importants aux infrastructures du pays avec l’arsenal estimé à près de 150 000 missiles dont il dispose.

L’organisation chiite n’en sortirait pas moins « détruite » d’un affrontement frontal, affirme l’analyste, qui s’attend à ce que l’Iran cherche plutôt à profiter de la situation de crise actuelle pour s’activer sur le plan diplomatique en vue de torpiller les rapprochements survenus au cours des dernières années entre Israël et plusieurs pays arabes.

Le Hamas, dit-il, va tenter pour sa part de profiter de la situation humanitaire qui se détériore dans la bande de Gaza dans l’espoir « d’imposer son narratif » et de placer Israël sur la défensive.

Vifs débats au Conseil de sécurité

La situation de la population du petit territoire palestinien a suscité de vifs débats mardi à New York lors d’une réunion du Conseil de sécurité, au cours de laquelle le secrétaire général des Nations Unies, António Guterres, s’est montré critique.

Le dirigeant onusien a suscité l’ire de Tel-Aviv en relevant que les attaques « épouvantables » du Hamas, qui ont fait plus de 1400 morts côté israélien, ne pouvaient justifier une forme de « punition collective » pour la population de Gaza.

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António Guterres, secrétaire général des Nations unies

L’ambassadeur d’Israël auprès des Nations Unies, Gilad Erdan, a réclamé la démission immédiate de M. Guterres en lui reprochant de montrer de la « compréhension à l’égard de la campagne de meurtres massifs » menée contre la population de son pays.

Selon le plus récent décompte des autorités sanitaires à Gaza, plus de 5700 Palestiniens sont morts depuis le début de la vague de bombardements lancée en guise de représailles par Israël, qui entend « détruire » le Hamas.

Tel-Aviv a parallèlement imposé un blocus limitant l’entrée de nourriture, d’eau, de médicaments et de carburant et réclamé le déplacement de la population palestinienne dans le sud du territoire enclavé.

Près d’un million et demi de résidants, sur un total de deux millions, ont dû quitter leur domicile depuis deux semaines, selon les Nations unies.

Une soixantaine de camions transportant des biens de première nécessité ont pu livrer leurs marchandises à Gaza au cours des derniers jours, une quantité bien en deçà des besoins, selon les travailleurs humanitaires sur place.

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Des membres du Croissant-Rouge palestinien distribuent de l’aide humanitaire à Khan Younès, dans la bande de Gaza.

L’Office de secours et de travaux des Nations unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) a prévenu que la poursuite de ses activités de distribution d’aide serait compromise à compter de mercredi en raison du manque de carburant.

Ces avertissements surviennent alors que l’armée israélienne poursuit ses préparatifs en vue d’une offensive terrestre ayant notamment pour objectif de détruire les infrastructures souterraines du Hamas. Un porte-parole a indiqué mardi que l’armée israélienne était « prête et déterminée » pour la prochaine phase du conflit et attendait des ordres du gouvernement à ce sujet.

De nombreux pays ont demandé que l’opération soit retardée en attendant que se poursuivent les discussions pour faire libérer les 220 otages détenus à Gaza. Quatre femmes ont été libérées jusqu’à maintenant.