L'armée israélienne a mené un raid éclair dans le nord de la bande de Gaza. Mais des doutes persistent sur sa grande offensive terrestre, soulignent des experts.

(Khan Younès) Une incursion éclair de l’armée israélienne dans la bande de Gaza a marqué, jeudi, la 20e journée de guerre avec le Hamas, au cours de laquelle Shadi Barud, chef adjoint du renseignement de cette organisation, a été tué.

Ce qu’il faut savoir

Jeudi, 20e jour du conflit, l’armée israélienne a fait un raid éclair dans le nord de la bande de Gaza.

Les forces israéliennes ont tué Shadi Barud, chef adjoint du renseignement du Hamas.

Israël n’a par ailleurs toujours pas lancé de grande offensive terrestre. Les signes d’hésitation s’accumulent dans l’État hébreu.

Mais la grande offensive terrestre annoncée par Israël se fait toujours attendre, en raison, disent des analystes, des risques d’embourbement dans une guerre urbaine dont les coûts humains et politiques seraient immenses.

De son côté, le Hamas a annoncé que le pilonnage de Tsahal à Gaza aurait causé la mort d’une cinquantaine d’otages israéliens. Par ailleurs, les besoins en aide humanitaire sont de plus en plus criants à Gaza et plusieurs leaders mondiaux font pression sur l’État hébreu pour qu’il desserre son étau et laisse entrer des biens essentiels.

Au cours de la nuit, plusieurs soldats et blindés de Tsahal ont ouvert une brèche dans la frontière, dans le nord de la bande de Gaza, près de la mer, pour mener leurs opérations.

PHOTO AMMAR AWAD, REUTERS

Soldat israélien passant devant une maison visée par les combattants du Hamas lors du massacre du 7 octobre, dans le kibboutz de Be’eri

« Avec Yahya Sinouar, [Shadi Barud] était le responsable de la planification du massacre du 7 octobre », a indiqué Tsahal dans un communiqué à propos de la mort du dirigeant du Hamas.

Le raid s’est terminé après quelques heures sans perte du côté israélien. Un porte-parole a indiqué que le but était de « créer de meilleures conditions en vue d’une opération terrestre de grande envergure ». Mais justement, ce grand coup se fait attendre.

Selon Pierre Pahlavi, professeur titulaire au collège des Forces canadiennes à Toronto et chercheur associé à la chaire Raoul-Dandurand, Israël hésiterait en fait à se lancer dans une attaque tous azimuts.

Une intervention militaire de grande envergure pourrait se transformer dans un combat de type urbain pour lequel l’armée israélienne n’est pas taillée. On essaie d’éviter de perdre des hommes.

Pierre Pahlavi, professeur titulaire au collège des Forces canadiennes à Toronto

Certes, dans une guerre conventionnelle, le Hamas serait submergé à dix contre un face à Tsahal. Mais dans une guerre urbaine, où il a le contrôle et la connaissance d’un immense réseau de tunnels, le déséquilibre n’est pas le même.

PHOTO MOHAMMED DAHMAN, ASSOCIATED PRESS

Palestiniens inspectant les décombres de bâtiments détruits par des frappes israéliennes à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, jeudi

Thomas Juneau, professeur agrégé à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa, estime de son côté qu’Israël jauge ses intentions.

« Il y a dix jours, ça semblait très probable d’avoir une incursion terrestre à très grande échelle, dit-il. Ce qu’on a vu jeudi [l’offensive limitée], il y en aura d’autres et il y en aura plus. »

Il y a un gros débat en Israël où les gens se demandent quels sont les objectifs, ce qu’on veut atteindre. Parce que détruire le Hamas, ce n’est pas faisable.

Thomas Juneau, professeur agrégé à l’École supérieure d’affaires publiques et internationales de l’Université d’Ottawa

À l’ONU, le représentant israélien Gilad Erdan a déclaré que son pays n’était pas en guerre contre les Palestiniens, mais contre le Hamas qu’on veut éradiquer.

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Le représentant d’Israël auprès des Nations unies, Gilad Erdan, s’adressant à l’Assemblée générale, jeudi, à New York

Sauf que le Hamas est aussi l’entité politique à la tête de la bande de Gaza. S’il est détruit, qui prend sa place ? « C’est une des questions qu’on se pose, répond M. Juneau. Qu’est-ce qui vient après le Hamas ? Il n’y a aucune solution évidente. Dans la bande de Gaza, l’autre groupe le plus organisé est le Djihad islamique, encore plus violent. »

« Éradiquer le Hamas tient plus de la pensée magique que d’une affirmation pragmatique, croit Pierre Pahlavi. Le Hamas est plus une idée qu’une structure. On ne peut détruire ce genre d’organisation tant que la cause existe. »

50 otages tués ?

Jeudi, le Hamas a indiqué que plus de 7000 Palestiniens, en majorité des civils, dont quelque 3000 enfants, étaient morts des suites des frappes aériennes d’Israël. Il a ajouté qu’une cinquantaine des 200 otages israéliens entre ses mains seraient morts de ces frappes. Ni Israël ni les médias indépendants n’ont confirmé ces chiffres.

PHOTO OMAR EL-QATTAA, AGENCE FRANCE-PRESSE

Scène de destruction à Gaza, jeudi

« Je n’ai pas vu de validation de cette nouvelle, dit Thomas Juneau. Selon les bribes d’informations que nous avons, ces otages seraient cachés dans les tunnels. Cela les met-il à l’abri des bombardements ? Pas nécessairement. Mais 50 morts, ça me semble beaucoup. »

Sur CNN, un parent d’otages israéliens a exprimé avec émotion sa détresse. « Je ne souris plus depuis 20 jours. Je n’arrête pas de pleurer. »

Aide humanitaire

L’aide humanitaire arrive toujours au compte-gouttes dans la bande de Gaza. Depuis le 21 octobre, seulement quelques dizaines de camions sont arrivés via l’Égypte. Au moins 100 camions par jour sont nécessaires selon l’ONU, qui réclame d’urgence la livraison de carburant pour faire fonctionner les générateurs dans les hôpitaux, pomper et purifier l’eau.

Mohammed Abou Selmeya, directeur de l’hôpital al-Chifa à Gaza, a déclaré que « 10 hôpitaux sont déjà hors service » et « plus de 90 % des médicaments et des produits sont épuisés ». À Bruxelles, les dirigeants européens ont appelé à la mise en place de « couloirs humanitaires ».

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Palestiniens faisant la file pour recevoir de l’aide humanitaire dans un camp de déplacés de l’ONU à Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, jeudi

Sur CNN, Jonathan Conricus, porte-parole de l’armée israélienne, a déclaré voir une « situation horrible pour ces civils ». Mais, a-t-il ajouté, il incombe au Hamas de faire des gestes pour aider les siens. « Ce n’est pas notre responsabilité, a-t-il lancé. Il y a du carburant dans la bande de Gaza. À l’entité du Hamas d’en prioriser la distribution aux civils plutôt que pour ses objectifs militaires. »

Par ailleurs, la mort a gravement frappé la famille de Wael Al Dahdouh, chef du bureau d’Al Jazeera à Gaza, a annoncé ce média, jeudi. Douze membres de la famille du journaliste, dont sa femme, son fils et sa fille, sont morts à la suite d’une frappe. Ils se trouvaient dans le camp de réfugiés de Nuseirat, a-t-on ajouté.

Avec CNN, l’Agence France-Presse et The Times of Israel