(Jérusalem) L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a annoncé avoir mené samedi une mission à l’hôpital al-Chifa de Gaza, occupé par l’armée israélienne, et travailler à un plan d’évacuation de l’établissement qu’elle a décrit comme une « zone de mort ».

CE QU’IL FAUT SAVOIR

  • Des centaines de personnes évacuent l’hôpital al-Chifa de la ville de Gaza, mais 120 blessés et des bébés prématurés y demeurent, a indiqué le ministère de la Santé du Hamas.
  • Les soldats israéliens mènent pour le quatrième jour consécutif un raid sur l’hôpital al-Chifa.
  • Le chef des opérations humanitaires de l’ONU Martin Griffiths exige un « cessez-le-feu » à Gaza.
  • Une première livraison de carburant est arrivée vendredi soir dans la bande de Gaza après le feu vert d’Israël.
  • Une frappe aérienne contre trois immeubles résidentiels de Khan Younès, dans le sud de la bande de Gaza, a fait 26 morts, selon le directeur de l’hôpital Nasser.
  • Selon le dernier bilan du Hamas, 12 300 Palestiniens ont été tués dans les bombardements israéliens sur la bande de Gaza depuis le début de la guerre.
  • L’attaque a fait 1200 morts côté israélien, selon les autorités.
  • L’armée israélienne estime qu’environ 240 personnes ont été prises en otage.
  • Selon l’ONU, 1,65 million d’habitants de la bande de Gaza ont été déplacés par la guerre.

Selon l’OMS, dont les experts ont passé une heure à l’intérieur de l’immense complexe hospitalier, celui-ci hébergeait encore samedi 25 soignants et 291 patients, dont 32 bébés dans un état critique, 22 patients sous dialyse et deux en soins intensifs.

Les membres de la mission ont décrit l’hôpital comme une « zone de mort » où la situation est « désespérée », a rapporté l’OMS dans un communiqué.

« L’OMS et ses partenaires élaborent d’urgence des plans pour l’évacuation immédiate des patients restants, du personnel et de leurs familles », a ajouté l’organisation.

« L’équipe a vu un hôpital qui n’était plus en mesure de fonctionner : pas d’eau, pas de nourriture, pas d’électricité, pas de carburant, des fournitures médicales épuisées », a écrit pour sa part sur X le secrétaire général de l’OMS Tedros Adhanom Ghebreyesus.

« Compte tenu de cette situation déplorable et de l’état de nombreux patients, y compris des bébés, le personnel soignant a demandé de l’aide pour évacuer les patients qui ne peuvent plus recevoir de soins vitaux sur place », a-t-il ajouté.

Dans son communiqué, l’OMS rapporte que la grande majorité des patients encore à l’hôpital sont victimes de fractures complexes et d’amputations, de brûlures, de traumatismes thoraciques et abdominaux, et que 29 patients souffrent de sérieuses blessures à la colonne vertébrale et sont incapables de se déplacer sans assistance médicale. De nombreux blessés souffrent par ailleurs d’infections sévères, en raison du manque d’antibiotiques et des mauvaises conditions d’hygiène.

L’OMS a annoncé que plusieurs missions seront organisées dans les prochains jours pour évacuer d’urgence les patients restants vers l’Hôpital Nasser et l’Hôpital européen de Gaza, même si ces derniers « opèrent déjà au-delà de leurs capacités ».

Selon l’armée israélienne, qui a lancé mercredi matin un raid sur l’hôpital al-Chifa, ce dernier abrite un repaire du Hamas installé notamment dans un réseau de tunnels. Le mouvement islamiste dément.

Des centaines de personnes ont par ailleurs déjà évacué le plus grand hôpital de Gaza, en ce 43e jour de conflit, après en avoir reçu l’ordre par l’armée israélienne, selon le directeur de l’établissement et un journaliste de l’AFP sur place. L’armée a nié avoir ordonné l’évacuation, assurant seulement avoir « répondu à une requête » du directeur de l’hôpital al-Chifa.  

Frappes israéliennes sur un camp de réfugiés

Dans le camp de réfugiés de Jabaliya, au nord de la ville de Gaza, la première frappe a touché à l’aube l’école al-Fakhoura, qui abrite des déplacés, faisant au moins 50 morts, a indiqué à l’AFP un responsable du ministère de la Santé du Hamas.  

Des images diffusées sur les réseaux sociaux authentifiées par l’AFP montrent des corps, certains couverts de sang, dans les étages du bâtiment où des matelas avaient été installés sous des tables d’écoliers.

Interrogée à propos de cette frappe, l’armée israélienne a indiqué à l’AFP avoir « reçu des rapports sur un incident dans la région de Jabaliya », ajoutant que cet « incident était en cours d’examen ».

La seconde frappe, qui a touché une maison du camp de Jabaliya, a tué 32 membres d’une même famille, dont 19 enfants, a indiqué le ministère.

« Nous recevons des images effroyables de nombreux morts et blessés encore une fois dans une école de l’Unrwa qui abritaient des milliers de déplacés », a écrit sur X (ex-Twitter) le patron de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, exigeant que « ces attaques » cessent.  

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Palestiniens récupèrent des livres dans les décombres d’un centre culturel détruit une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 18 novembre.

L’Égypte a qualifié le bombardement de cette école gérée par l’ONU de « crime de guerre » et « d’insulte délibérée aux Nations unies ».   

Lors d’un entretien téléphonique avec Benyamin Nétanyahou samedi, le chancelier allemand Olaf Scholz a estimé que « des cessez-le-feu humanitaires pourraient contribuer à une amélioration substantielle de l’assistance apportée aux populations », selon la chancellerie. Il s’est engagé dans le même temps « à ce que l’Allemagne se tienne d’une manière indéfectible du côté d’Israël ».  

« Plus grand des crimes »

La guerre a été déclenchée le 7 octobre par une attaque du Hamas sur le sol israélien dans laquelle 1200 personnes ont été tuées, selon les autorités israéliennes, en grande majorité des civils.

En représailles, Israël a juré d’« anéantir » le mouvement islamiste, qui a pris le pouvoir à Gaza en 2007. L’armée pilonne sans relâche le petit territoire palestinien assiégé et a lancé une opération terrestre le 27 octobre.   

Samedi soir, le gouvernement du Hamas a annoncé que 12 300 Palestiniens avaient été tués dans les bombardements israéliens depuis le 7 octobre, dont plus de 5000 enfants et 3300 femmes.

PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

Vue sur un immeuble détruit à Khan Younès, le 18 novembre

Dans la matinée samedi, des centaines de malades accompagnés de personnel médical et de déplacés qui avaient trouvé refuge dans l’immense complexe de l’hôpital al-Chifa, à l’ouest de la ville de Gaza, en sont sortis à pied, a indiqué un journaliste de l’AFP sur place.  

L’hôpital n’avait plus ni électricité, ni eau, ni nourriture depuis plusieurs jours.  

Après avoir été bloqué 20 jours à al-Chifa, Rami Charab est arrivé samedi dans le centre de la bande de Gaza, après des heures de marche.

« À huit heures du matin », se rappelle le jeune homme de 24 ans, les haut-parleurs ont résonné. Un soldat israélien ordonnait l’évacuation de l’hôpital « sous une heure sous peine de nous bombarder ».

Sur la route Salaheddine traversant le territoire du nord au sud, que Rami Charab a empruntée en partant, une cohorte de Palestiniens avance lentement. Un homme porte à bras-le-corps sa fille handicapée.  

Six médecins restent toutefois à l’hôpital al-Chifa pour prendre soin de 120 malades et des bébés prématurés qui ne peuvent être transférés, a dit l’un d’entre eux, le Dr Ahmed el-Mokhallalati sur X.

Oussama Hamdane, un haut cadre du Hamas au Liban, a qualifié samedi ce raid de « plus grand des crimes ».  

120 000 litres de carburant

PHOTO HADEER MAHMOUD, REUTERS

Des camions transportant de l’aide humanitaire attendent pour entrer dans la bande de Gaza par la frontière de Rafah.

Les combats entre Israël et le Hamas, classé organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël, se concentrent dans le nord du territoire, notamment dans la ville de Gaza, transformée en champ de ruines. L’armée accuse le Hamas d’utiliser des hôpitaux comme des bases et de se servir des malades comme de « boucliers humains ».  

Depuis le 9 octobre, le territoire est soumis à un « siège complet » par Israël, qui a coupé les livraisons de nourriture, d’eau, d’électricité et de médicaments.  

PHOTO MOHAMMED SALEM, REUTERS

Une femme porte un enfant alors que des Palestiniens fuient le nord de Gaza et se dirigent vers le sud, le 18 novembre.

Sous pression notamment de Washington, Israël a autorisé vendredi l’entrée quotidienne de camions-citernes dans le territoire.  

Après une première livraison vendredi au terminal de Rafah, 120 000 litres sont entrés samedi, depuis l’Égypte, selon l’ONU, qui estimait, le 15 novembre, à 160 000 litres les besoins quotidiens en carburant pour « des opérations humanitaires de base ».

PHOTO RULA ROUHANA, REUTERS

Une jeune fille en attente d’être transférée vers Abou Dabi, le 18 novembre

Les Nations unies réclamaient d’urgence du carburant pour faire notamment fonctionner les générateurs dans les hôpitaux, pomper et purifier l’eau.

« Ramenez-les à la maison »

Samedi, 674 étrangers, binationaux et blessés palestiniens ont pu être évacués vers l’Égypte, selon l’autorité palestinienne chargée du poste-frontière de Rafah, dans le sud du territoire.

Toujours dans le sud, un bombardement a touché dans la nuit de vendredi à samedi la ville de Khan Younès, faisant au moins 26 morts, selon le directeur de l’hôpital Nasser.

Selon l’Unrwa, 70 % de la population n’a pas accès à l’eau potable dans le sud du territoire, où les égouts ont commencé à se déverser dans les rues, les stations d’épuration ayant cessé de fonctionner faute de carburant.

Plus des deux tiers des 2,4 millions d’habitants de la bande de Gaza ont été déplacés par la guerre, selon l’ONU. La plupart ont fui vers le Sud en emportant le minimum et tentent de survivre dans le froid qui s’installe.

Alors que des négociations sur la libération des otages se tiennent via une médiation du Qatar, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou refuse tout cessez-le-feu tant qu’ils n’auront pas tous été relâchés.

Plusieurs milliers de personnes sont arrivés samedi à Jérusalem, une marée de drapeaux israéliens et de portraits d’otages, et réclament un accord pour leur libération.  

« Ramenez-les à la maison, maintenant. Tous », ont clamé les manifestants de cette marche partie mardi de Tel-Aviv, alors que les corps de deux femmes otages ont été retrouvés cette semaine à Gaza.  

En début de soirée, le Forum des familles des otages et disparus a annoncé que « toutes les familles » avaient obtenu de rencontrer lundi soir « l’ensemble du cabinet de guerre ».

Par ailleurs, en Cisjordanie occupée, plus de 200 Palestiniens ont été tués par des colons et des soldats israéliens depuis le 7 octobre, selon le ministère palestinien de la Santé.

Samedi, le président américain Joe Biden a appelé à une réunification de la Cisjordanie et de la bande de Gaza sous une « Autorité palestinienne revitalisée ».