(Genève) Le Conseil exécutif de l’Organisation mondiale de la santé a adopté dimanche par consensus une résolution réclamant une aide humanitaire immédiate pour Gaza, où les médecins sont confrontés à des conditions de travail « inimaginables » selon le chef de l’OMS.

Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU a échoué à exiger un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas, du fait du veto des États-Unis, les 34 pays membres du Conseil exécutif de l’OMS appellent tous au « passage immédiat, durable et sans entrave de l’aide humanitaire » dans la bande de Gaza.

La résolution, proposée par l’Afghanistan, le Maroc, le Qatar et le Yémen, demande d’octroyer des autorisations de sortie aux patients, de fournir des médicaments et du matériel médical pour les civils, et permettre à toute personne privée de liberté d’avoir accès aux soins médicaux.

Cette résolution, adoptée en session extraordinaire, dit en outre sa « grave préoccupation » quant à la situation humanitaire et aux « destructions généralisées », et appelle à la protection de tous les civils.

« Vous avez réussi quelque chose que jusqu’à présent, les États membres n’ont pas réalisé dans d’autres enceintes », a déclaré le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

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Le chef de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus

« Il s’agit de la première résolution par consensus sur le conflit en Israël et dans les territoires palestiniens occupés depuis que cela a commencé il y a deux mois », a-t-il dit, évoquant « une plateforme sur laquelle bâtir ».

Tout en ayant accepté la résolution, certains pays occidentaux ont exprimé des réserves.

La représentante des États-Unis a déclaré que Washington acceptait de ne pas s’opposer au consensus mais avait « d’importantes réserves », affirmant qu’elle « regrettait le manque d’équilibre dans la résolution ».

Pour le Canada, le texte est une « résolution de compromis » qui aurait pu également dénoncer le rôle du Hamas dans le conflit, les prises d’otages et « l’utilisation de boucliers humains ».

L’Australie a elle contesté le fait que la résolution ne fasse pas spécifiquement référence aux attaques sanglantes du 7 octobre, qui ont été « le catalyseur de la situation dévastatrice actuelle ».

« Conditions inimaginables »

À l’ouverture de la session extraordinaire à Genève, Tedros Adhanom Ghebreyesus a estimé que le système de santé du territoire palestinien était en train de s’effondrer.

Alors que de plus en plus de personnes se déplacent vers des zones de plus en plus réduites, la surpopulation, combinée au manque de nourriture, d’eau, d’abris et d’assainissement adéquats, créent les conditions idéales à la propagation [des maladies].

Tedros Adhanom Ghebreyesus, chef de l’OMS

Seuls 14 hôpitaux sur 36 fonctionnent avec une capacité réduite et seuls 1400 des 3500 lits d’hôpitaux sont encore disponibles, a-t-il dit.

La guerre a été déclenchée par une attaque sans précédent menée par le Hamas le 7 octobre sur le sol israélien depuis la bande de Gaza.  

Selon les autorités israéliennes, 1200 personnes, en majorité des civils, ont été tuées lors de cette attaque au cours de laquelle environ 240 personnes ont été enlevées. Les bombardements israéliens menés en représailles sur la bande de Gaza ont fait près de 17 800 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

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Depuis le 7 octobre, l’OMS a relevé plus de 449 attaques contre des centres de santé à Gaza et en Cisjordanie occupée, et 60 attaques contre des centres de santé en Israël.

« Le travail des personnels de santé est devenu impossible et ils se retrouvent en ligne de mire », a ajouté le chef de l’OMS. « Les personnels de santé sont physiquement et mentalement épuisés et font de leur mieux dans des conditions inimaginables ».  

La session extraordinaire a été convoquée par la moitié des pays siégeant au Conseil exécutif, qui se réunit normalement deux fois par an. Sa tâche principale est de conseiller l’Assemblée mondiale de la santé, l’organe décisionnel de l’OMS, puis de mettre en œuvre ses décisions.

La ministre palestinienne de la Santé, Mai al-Kaila, s’exprimant par liaison vidéo depuis Ramallah, a estimé que « les horreurs quotidiennes dont nous sommes tous témoins défient le droit international et brisent l’essence même de notre humanité commune ».

Pour sa part, Meirav Eilon Shahar, ambassadrice d’Israël à Genève, a assuré que l’opération militaire israélienne « est dirigée contre le Hamas et pas contre le peuple palestinien », ajoutant « je suis consciente des souffrances qu’endure Gaza ».

« Mais ne nous y trompons pas : le Hamas est responsable de ces souffrances ». « La réalité est que si nous arrêtons maintenant, le Hamas organisera un autre 7 octobre », a-t-elle martelé.