Déterminé à mener « jusqu’au bout » sa guerre contre le Hamas, Israël multipliait jeudi en matinée (heure locale) les raids aériens dans la bande de Gaza en dépit des signes d’impatience de son allié américain qui dépêche à Jérusalem son conseiller à la sécurité nationale.

Ce qu’il faut savoir

  • 18 600 personnes sont mortes dans les bombardements israéliens à Gaza, surtout des femmes et des mineurs de moins de 18 ans.
  • L’armée israélienne a annoncé mercredi la mort de 115 soldats dans la bande de Gaza depuis le début de l’offensive.
  • L’Assemblée générale de l’ONU a réclamé mardi « un cessez-le-feu humanitaire immédiat » à Gaza.
  • « Rien ne nous arrêtera. Nous irons jusqu’au bout, jusqu’à la victoire, rien de moins », a assuré le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou, malgré les pressions internationales.
  • L’intensification des combats a transformé la bande de Gaza en « enfer sur terre » pour la population, selon l’Agence d’aide aux réfugiés palestiniens des Nations unies (UNRWA).
  • Le Hamas a accusé les forces israéliennes d’avoir lancé un assaut contre l’hôpital Kamal Adwan à Beit Lahiya après l’avoir assiégé et bombardé pendant plusieurs jours.
  • Joe Biden a critiqué de manière inédite le gouvernement israélien pour son opposition à une solution à deux États du conflit avec les Palestiniens et l’a mis en garde contre une érosion du soutien international en raison des bombardements aveugles de Gaza.

Tôt jeudi, le ministère de la Santé de l’administration du Hamas a annoncé la mort au total de 19 autres Palestiniens lors de frappes israéliennes à Gaza (nord), à Nuseirat (centre) et à Rafah (sud) après une journée de raids aériens et d’intenses combats de rue.

Un raid israélien a fait 2 morts et des blessés à Jénine, bastion de factions armées en Cisjordanie occupée, a indiqué le ministère de la Santé de l’Autorité palestinienne.

L’armée israélienne avait annoncé la mort de 10 de ses soldats mardi dans le secteur de Chajaya (nord), son bilan le plus lourd en une seule journée depuis le début de son offensive terrestre à Gaza qui a coûté la vie à 115 de ses membres.

« Tout arrangement dans Gaza ou concernant la cause palestinienne sans le Hamas ou les mouvements de résistance est une illusion », a déclaré dans un discours télévisé Ismaïl Haniyeh, chef du Hamas, établi au Qatar, en se disant prêt à des discussions sur « une voie politique qui assurera le droit des Palestiniens à un État indépendant avec Jérusalem pour capitale ».

PHOTO RONEN ZVULUN, ARCHIVES ASSOCIATED PRESS

Le premier ministre d’Israël, Benyamin Nétanyahou

En sens inverse, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a promis de poursuivre le combat contre le Hamas. « Rien ne nous arrêtera. Nous irons jusqu’au bout, jusqu’à la victoire », a-t-il déclaré en évoquant « la grande souffrance » causée par les pertes militaires ainsi que les « pressions » en faveur d’un cessez-le-feu.

Israël a promis de détruire le Hamas après une attaque sans précédent menée le 7 octobre par des commandos du mouvement islamiste infiltrés de la bande de Gaza dans le sud d’Israël, qui a fait environ 1200 morts, en majorité des civils, selon les autorités. Quelque 240 personnes ont aussi été enlevées et emmenées à Gaza par le Hamas et d’autres groupes alliés.

Après plus de deux mois de guerre, quelque 18 600 personnes ont été tuées dans la bande de Gaza, surtout des femmes et des mineurs, d’après le ministère de la Santé du territoire.

Réduire les frappes ?

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Rafah le mercredi 13 décembre

Sans remettre en cause leur soutien à l’opération israélienne, les États-Unis commencent à s’exaspérer du bilan des victimes dans la bande de Gaza, le président Joe Biden évoquant des « bombardements aveugles » et une possible « érosion » du soutien occidental à Israël.

« Nous souhaitons la fin de ce conflit […], mais nous ne pensons pas non plus qu’il serait pertinent d’arrêter l’opération maintenant […], car les attaques terroristes contre Israël se poursuivraient, ce qui, à long terme, n’est dans l’intérêt sécuritaire de personne dans la région », a déclaré Matthew Miller, le porte-parole de la diplomatie américaine.

Sans arrêter les frappes à Gaza, Israël doit trouver un moyen de réduire l’intensité des frappes, a suggéré Jake Sullivan, conseiller à la sécurité de la Maison-Blanche attendu ce jeudi et vendredi à Jérusalem pour des entretiens avec le premier ministre Benyamin Nétanyahou.

« Cela veut simplement dire qu’il faut se diriger vers une phase différente du type de haute intensité que nous connaissons aujourd’hui », avait-il déclaré cette semaine lors d’un forum organisé par le Wall Street Journal.

« Les discussions [à Jérusalem] sont extrêmement sérieuses », a déclaré John Kirby, porte-parole du Conseil de sécurité nationale de la Maison-Blanche, précisant que le secrétaire à la Défense, Lloyd Austin, se rendra sous peu en Israël dans le cadre d’une tournée régionale.

« Agir » pour les otages

Fin novembre, une trêve de sept jours a permis de libérer 105 otages en échange de prisonniers palestiniens, tandis que 135 autres, selon l’armée, restent retenus à Gaza.

Les familles de captifs vivent dans l’angoisse de savoir si leurs proches sont encore vivants et poursuivent coûte que coûte leurs efforts pour tenter d’obtenir leur libération.

Des familles d’otages ont demandé dans la nuit des « explications » au premier ministre Benyamin Nétanyahou après des informations de presse suggérant que le gouvernement avait rejeté une proposition du chef du Mossad de se rendre au Qatar, émirat ayant dirigé la médiation pour la trêve, pour discuter d’une seconde phase de libération d’otages.

PHOTO JIM WATSON, AGENCE FRANCE-PRESSE

Proches d’otages américains détenus dans la bande de Gaza après une rencontre avec le président Joe Biden, à Washington, mercredi

Des proches d’otages américains ont rencontré mercredi pour la première fois Joe Biden à la Maison-Blanche, tandis que les familles de captifs ont installé un campement devant le Parlement pour réclamer une libération avec des panneaux : « Le temps manque, il faut agir ».

« Chapitre le plus sombre »

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Abri de fortune à Rafah, mercredi

Dans la bande de Gaza, soumise à un blocus israélien depuis 16 ans et à un siège total depuis le 9 octobre, les conditions de vie s’aggravent pour la population.

Environ 85 % des 2,4 millions d’habitants du territoire ont été déplacés, beaucoup plusieurs fois depuis le début de l’offensive israélienne, et des quartiers entiers détruits par les bombardements israéliens.

« Face aux bombardements, aux privations et aux maladies, dans un espace toujours plus exigu, [les Palestiniens] sont confrontés au chapitre le plus sombre de leur histoire depuis 1948 », a martelé le patron de l’Agence d’aide aux réfugiés palestiniens des Nations unies, Philippe Lazzarini, citant la date de la création de l’État d’Israël et l’exode des Palestiniens.

Tout au sud de la bande de Gaza, Rafah est devenue un gigantesque camp de fortune aux fragiles abris montés à la hâte, dont beaucoup ont été balayés par les tombereaux de pluie tombés ces derniers jours. « Où devons-nous aller ? », demande Bilal al-Qassas, 41 ans, originaire de Khan Younès.

Cela fait cinq jours qu’il dort dehors et sa tente est totalement inondée. Il semble sombrer dans le désespoir. « Maintenant, nous souhaitons tout simplement mourir. Nous ne voulons ni de la nourriture ni de l’eau. »

L’argent aide peu les plus fortunés lorsque tout manque. Mohammed al-Mahdun est parvenu à dénicher des vêtements d’hiver pour trois fois le prix normal, mais décrit un « voyage de souffrance et d’humiliation indescriptible ».