Israël a autorisé vendredi l’ouverture « temporaire » d’un nouveau point d’entrée pour l’aide humanitaire dans la bande de Gaza assiégée, tout en poursuivant d’intenses frappes aériennes malgré les pressions américaines à plus de retenue.

Ce qu’il faut savoir

  • Des frappes aériennes à Khan Younès, la grande ville du sud de Gaza, ont fait vendredi des « dizaines de morts et de blessés », selon le ministère de la Santé du Hamas.
  • La dépouille de l’otage franco-israélien Elya Toledano a été récupérée et ramenée en Israël, a annoncé vendredi l’armée israélienne.
  • Le conseiller à la sécurité nationale de la Maison-Blanche, Jake Sullivan, estime qu’il ne serait « pas juste » qu’Israël occupe le territoire palestinien assiégé à l’issue de la guerre contre le Hamas.
  • Israël a annoncé vendredi avoir approuvé « temporairement » l’entrée d’aide humanitaire dans la bande de Gaza par un de ses points de passage.
  • L’armée israélienne a annoncé vendredi que des soldats opérant dans la bande de Gaza avaient tué trois otages israéliens pris « par erreur » comme une « menace ».
  • Plusieurs lancées par le Hamas ont été interceptées au-dessus de Jérusalem.
  • La guerre entre Israël et le Hamas a fait près de 20 000 morts.

La décision d’autoriser l’aide humanitaire à entrer dans la bande de Gaza par le terminal de Kerem Shalom vise à décongestionner celui de Rafah, à la frontière avec l’Égypte.  

C’est actuellement l’unique point d’entrée des camions de vivres et médicaments dans l’étroite bande de terre, et à un rythme très inférieur à avant le début de la guerre.

« Nous n’avons pas de nourriture, pas d’eau, pas d’abris. Tous les services font défaut à Gaza », se désespère un habitant du camp de Jabaliya (nord) interrogé par l’AFP, qui ne donne pas son nom.

La guerre a été déclenchée par une attaque le 7 octobre, sans précédent dans l’histoire d’Israël, menée par le Hamas, qui a fait environ 1200 morts, en majorité des civils, selon les autorités, tandis qu’environ 250 personnes ont été capturées.  

En représailles, Israël a promis de « détruire » le Hamas et a lancé une offensive sur la bande de Gaza. Selon un dernier bilan du ministère de la Santé du Hamas, au pouvoir à Gaza, 18 800 personnes, à 70 % des femmes, des enfants et adolescents, ont été tuées par les bombardements israéliens.

PHOTO HATEM ALI, ASSOCIATED PRESS

Un édifice détruit à Rafah, le 15 décembre

Tout en saluant l’ouverture du terminal de Kerem Shalom, le représentant de l’OMS pour les territoires palestiniens occupés, a estimé qu’il faut « travailler » à l’accès des camions de vivres et médicaments à toute la bande de Gaza. L’aide reste pour l’instant largement concentrée sur Rafah.

« Tout est détruit »

Après plus de deux mois de guerre et un siège total imposé par Israël depuis le 9 octobre, les conditions de vie sur le petit territoire surpeuplé sont décrites comme cauchemardesques par l’ONU et les ONG pour les civils palestiniens acculés dans des zones toujours plus petites.

Quelque 1,9 million d’habitants, soit 85 % de sa population, ont été déplacés, selon l’ONU, dont beaucoup ont dû fuir plusieurs fois face aux bombardements et combats qui s’étendaient.

À Khan Younès, dans le sud du territoire, le ministère de la Santé du Hamas a fait état vendredi matin de « dizaines de morts et de blessés » dans des frappes.

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

De la fumée s’élève dans le ciel à Khan Younès après des bombardements israéliens, le 15 décembre.

À Rafah, Bakr Abu Hajjaj a survécu à l’une d’elles. « Il y a des blessés, tout est détruit, cela fait 70 jours que nous subissons cette guerre et cette destruction », se désole-t-il, interrogé par l’AFP.

Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan, était en Israël jeudi et vendredi, pour appuyer le souhait de la Maison-Blanche de voir l’offensive israélienne à Gaza passer à une phase de « plus faible intensité » à court terme.

Dans un signe de crispation inédit face à l’ampleur des pertes palestiniennes, le président américain Joe Biden a déclaré mardi qu’Israël risquait de perdre le soutien de la communauté internationale en raison de ses bombardements « aveugles ».

Le porte-parole de l’armée israélienne, Daniel Hagari, a cependant prévenu qu’il y aura « davantage de batailles difficiles dans les prochains jours ».

PHOTO IBRAHEEM ABU MUSTAFA, REUTERS

Un Palestinien marche sur le site d’une frappe israélienne à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 15 décembre.

Au total, selon l’armée, 119 soldats ont été tués à Gaza depuis le début de l’offensive terrestre le 27 octobre.

Israël continue par ailleurs à être visé par des roquettes lancées depuis la bande de Gaza. Des journalistes de l’AFP en ont vu plusieurs interceptées au-dessus de Jérusalem, peu de temps après le déclenchement des sirènes d’alerte, qui n’avaient pas retenti sur la ville depuis fin octobre.

La branche armée du Hamas a indiqué dans un communiqué avoir tiré des roquettes vers Jérusalem « en réponse aux massacres sionistes de civils ». Six missiles ont été tirés vers Jérusalem dont trois ont été interceptés, d’après l’armée israélienne. Les services de secours n’ont pas rapporté de victimes.

PHOTO VIOLETA SANTOS MOURA, REUTERS

Le conseiller américain à la sécurité nationale, Jake Sullivan

M. Sullivan a aussi estimé vendredi qu’il ne serait « pas juste » qu’Israël occupe Gaza dans la durée, précisant que le gouvernement israélien avait lui-même « fait savoir qu’il n’avait pas l’intention d’occuper Gaza sur le long terme ».

Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, avait indiqué plus tôt dans la semaine vouloir prendre « la responsabilité générale de la sécurité » du territoire « pour une durée indéterminée », après la guerre.

Avec son offensive terrestre, l’armée a gagné le contrôle de plusieurs zones du nord de l’étroite bande côtière.

Israël s’est retiré de la bande de Gaza en 2005, d’où l’Autorité palestinienne a été chassée en 2007 par le Hamas, classé organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël, entre autres.  

PHOTO MOHAMMED ABED, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des Palestiniens récupèrent des objets dans les décombres d’un bâtiment détruit par un bombardement israélien sur Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 15 décembre.

Mahmoud Abbas, président de l’Autorité palestinienne, a lui aussi martelé vendredi que toute tentative de « séparer » la bande de Gaza de l’État palestinien était « inacceptable », d’après le compte-rendu de sa rencontre à Ramallah avec l’envoyé américain.

Un journaliste tué, deux blessés

Les journalistes à Gaza continuent par ailleurs de payer un très lourd tribut : un journaliste d’Al Jazeera a été tué vendredi et un autre blessé dans une frappe israélienne, a rapporté la chaîne qatarie.

Plus de 60 journalistes et employés de médias sont morts depuis le début de la guerre.

Un journaliste de l’agence de presse turque Anadolu a lui aussi été blessé à Jérusalem-est, annexée et occupée par Israël. Dans des images récupérées par l’AFP, on voit ce photographe, Mustafa Alkharuf, d’abord frappé au visage puis roué de coups de pied.

Un porte-parole de la police israélienne a précisé que les officiers observés dans la vidéo avaient fait l’objet d’une « suspension opérationnelle immédiate ».

Cruel revers pour l’armée : elle a annoncé vendredi que des soldats opérant dans la bande de Gaza avaient tué trois otages israéliens pris « par erreur » comme une « menace ».

Dans la soirée, Benyamin Nétanyahou a dit regretter « une insupportable tragédie » qui plonge « tout l’État d’Israël dans le deuil », tandis que la Maison-Blanche a déploré « une erreur tragique ».

Ces décès portent à 22 le nombre d’otages dont la mort a été confirmée. 110 ont été libérés, et 129 restent captifs sans qu’il soit possible de savoir s’ils sont vivants.

Vendredi ont eu lieu les funérailles d’Eden Zakaria, une otage du Hamas enlevée le 7 octobre et retrouvée morte par l’armée lors d’une opération à Gaza.  

« J’aimerais pouvoir être ta mère dans la prochaine vie. J’aimerais que nous puissions recommencer à zéro », dit sa mère entre deux sanglots.