L’aviation et l’artillerie israéliennes ont intensément bombardé jeudi le sud de la bande de Gaza, avant un possible vote à l’ONU sur une résolution destinée à accroître l’aide à une population palestinienne confrontée à des conditions de vie catastrophiques.

Ce qu’il faut savoir

  • Le Hamas a fait état mercredi de 20 000 morts depuis le début des bombardements israéliens, majoritairement des femmes, des enfants et des adolescents ;
  • L’ONU réclame l’ouverture d’une enquête par Israël sur « la possible commission d’un crime de guerre » par ses forces armées à Gaza ;
  • Le Conseil de sécurité de l’ONU va tenter de parler d’une seule voix, lors d’un vote plusieurs fois reporté sur une résolution destinée à accroître l’aide à la bande de Gaza ;
  • Des efforts diplomatiques sont déployés sur plusieurs fronts pour tenter de parvenir à une nouvelle trêve et acheminer de l’aide humanitaire à Gaza ;
  • Le Hamas discute avec l’Égypte. Son chef Ismaïl Haniyeh, s’est rendu au Caire mercredi. Israël dialogue avec le Qatar et les États-Unis pour tenter de parvenir à une trêve ;
  • Selon l’ONU, la moitié de la population de Gaza — soit plus d’un million de personnes — souffre de faim extrême ou sévère.

Dans le même temps, Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, en guerre depuis le 7 octobre, ont réaffirmé leurs conditions divergentes en vue d’une trêve humanitaire, au moment où les médiateurs persistent dans leurs efforts pour parvenir à un compromis.

Après deux jours de pause, les combattants palestiniens ont tiré une trentaine de roquettes depuis Gaza en direction d’Israël, où les sirènes d’alerte ont retenti dans plusieurs localités du sud et à Tel-Aviv dans le centre, selon les médias. Les tirs ont fait des dégâts, mais pas de victime.

Plus de deux mois de bombardements israéliens par air, mer et terre ont fait au moins 20 000 morts dans le petit territoire palestinien de Gaza selon le Hamas, détruit des quartiers entiers et déplacé 1,9 million de personnes, soit 85 % de la population, d’après l’ONU.

PHOTO OHAD ZWIGENBERG, ASSOCIATED PRESS

Gaza, 21 décembre 2023

Israël a juré de détruire le Hamas qui a mené le 7 octobre une attaque d’une ampleur et d’une violence sans précédent contre le sud d’Israël à partir de la bande de Gaza voisine où il a pris le pouvoir en 2007.

L’attaque a fait environ 1140 morts, en majorité des civils, selon un décompte de l’AFP basé sur le bilan israélien. Les commandos palestiniens ont en outre enlevé environ 250 personnes, dont 129 sont toujours retenues à Gaza, selon Israël.

Jeudi, des avions israéliens ont frappé le côté palestinien du point de passage de Karam Abou Salem (Kerem Shalom, côté israélien en hébreu) entre Israël et Gaza, tuant quatre personnes, dont son directeur Bassem Ghaben, selon le Hamas.

Israël avait approuvé cette nouvelle route d’approvisionnement vers Gaza, s’ajoutant à la principale, celle via Rafah (sud), entre l’Égypte et Gaza.

PHOTO FATIMA SHBAIR, ASSOCIATED PRESS

Rafah, 21 décembre 2023

Le ministère de la Santé du Hamas a annoncé que le directeur général du ministère, Mounir al-Barch, avait été blessé et sa fille tuée dans un bombardement israélien à Jabaliya (nord).

« Travailler activement »

Parallèlement aux bombardements par air et terre, l’armée israélienne mène une offensive terrestre depuis le 27 octobre à Gaza, un territoire surpeuplé de 362 km2, où elle a perdu 137 hommes et où ses soldats ont pris plusieurs secteurs.

Ces dernières 24 heures, son aviation a frappé 230 cibles à Gaza et ses forces ont tué depuis le 1er décembre « plus de 2000 terroristes », a affirmé l’armée.

Selon un dernier bilan mercredi du gouvernement du Hamas, 20 000 personnes ont été tuées à Gaza depuis le début de la guerre, dont au moins 8000 enfants et 6200 femmes, et plus de 50 000 blessées.

Un bilan qualifié de « jalon dramatique et honteux » par le chef des opérations humanitaires de l’ONU Martin Griffiths.  

Face à ce que le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres a appelé le mois dernier une « crise de l’humanité », le Conseil de sécurité de l’ONU doit tenter jeudi de voter sur une résolution destinée à accroître l’aide à Gaza, où les habitants ont faim dans le territoire assiégé par Israël.

Mais l’institution, largement critiquée pour son inaction depuis le début de la guerre, est suspendue à la position des États-Unis, alliés d’Israël, qui ont affirmé travailler « activement » pour aboutir à un vote plusieurs fois reporté. Washington avait opposé son veto le 8 décembre à un précédent texte réclamant un « cessez-le-feu humanitaire ».

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Khan Younès, 21 décembre 2023

« Roulette russe »

La guerre ne connaît aucun répit malgré les pressions internationales, les conditions terribles des Palestiniens à Gaza et les appels de proches d’otages à obtenir leur libération.

Des efforts sont en cours sur plusieurs fronts pour tenter de parvenir à une nouvelle trêve, après celle d’une semaine fin novembre qui avait permis la libération de 105 otages et de 240 Palestiniens détenus par Israël et l’acheminement de plus d’aides à Gaza.

Le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh, basé à Doha, se trouve au Caire pour des entretiens avec le médiateur égyptien et Ziad al-Nakhala, et le chef du Djihad islamique, un autre mouvement islamiste qui combat au côté du Hamas et détient des otages, devrait s’y rendre dans les prochains jours.

Israël dialogue avec le Qatar et les États-Unis, deux autres médiateurs.

Mais les positions des protagonistes restent très éloignées. Le Hamas, classé comme organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne notamment, exige un arrêt des combats comme préalable à toute négociation sur les otages. Israël est ouvert à l’idée d’une trêve, mais exclut tout cessez-le-feu avant « l’élimination » du Hamas.

L’objectif fixé par Israël d’éliminer le Hamas est « voué à l’échec », a déclaré dans un enregistrement sonore Abou Obeida, le porte-parole de la branche armée du mouvement, conditionnant à nouveau la libération des otages à « l’arrêt de l’agression » d’Israël.

Un haut responsable israélien a fait état de son côté d’une « sorte de progrès » après « des rencontres avec les Qataris à deux reprises la semaine dernière ».

« Nous sommes prêts à négocier une nouvelle formule (pour) des libérations d’otages […] Nous aurons alors besoin d’une pause humanitaire comme la première (fin novembre). Avant et après cela, nous restons engagés à réaliser notre objectif majeur, qui est de mettre fin à l’existence du Hamas », a-t-il dit sous le couvert de l’anonymat.

En attendant, les proches d’otages tremblent pour eux.

Les parents d’Ella Ben Ami, 23 ans, ont été kidnappés le 7 octobre. Sa mère Raz a été libérée après 54 jours de captivité, mais son père, Ohad, reste retenu à Gaza.  

« C’est une roulette russe, nous nous réveillons chaque matin sans savoir quelle nouvelle nous allons recevoir. J’ai tellement peur que mon père ne revienne pas vivant. S’il vous plaît, aidez-moi à ramener mon père vivant à la maison. Maintenant ! », plaide-t-elle devant les journalistes au kibboutz de Beeri, près de Gaza.  

PHOTO SAID KHATIB, AGENCE FRANCE-PRESSE

Khan Younès, 21 décembre 2023

« Les gens attendent de mourir »

Dans la bande de Gaza voisine, soumise à un blocus israélien depuis plus de 16 ans avant un siège total le 9 octobre, les bombardements israéliens ont provoqué d’immenses destructions, la plupart des hôpitaux sont hors service et des centaines de milliers de déplacés vivent dans des camps de fortune en plein froid.

Sean Casey, un membre d’une mission de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) menée mercredi dans deux hôpitaux de Gaza, Al-Chifa et Al-Ahli, a affirmé que les patients, dont des enfants et des blessés graves, demandaient de l’eau plutôt que des soins.

« C’est un endroit où les gens attendent de mourir. »

Selon un rapport du système de surveillance de la faim de l’ONU jeudi, les habitants de Gaza (environ 2,4 millions) vont être confrontés à des risques élevés d’insécurité alimentaire, voire de famine, durant les six prochaines semaines.  

« Cette guerre ne fait que détruire. Assez, c’est assez ! Même si la guerre se termine, où irons-nous ? », lance Fouad Ibrahim Wadi, un déplacé à Rafah.