(Sanaa) Les rebelles houthis ont menacé de riposter aux frappes menées tôt vendredi par les États-Unis et le Royaume-Uni au Yémen, en s’en prenant aux intérêts de ces deux pays, considérés désormais comme des « cibles légitimes ».

CE QU’IL FAUT SAVOIR

Ils ont d’ailleurs tiré après les frappes « au moins un missile » qui n’a cependant touché aucun navire, a indiqué le général Douglas Sims, de l’État-major américain. Les houthis ne se sont pas exprimés à ce sujet.

Le président américain Joe Biden a ensuite répété qu’il « répondra » si les rebelles « poursuivent leur comportement inacceptable ».

Dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hamas, la tension est montée d’un cran en mer Rouge, théâtre depuis novembre de nombreuses attaques contre la marine marchande, menées par les rebelles yéménites soutenus par l’Iran, les houthis affirmant viser des navires liés à Israël en solidarité avec la bande de Gaza.

Tôt vendredi, des frappes américaines et britanniques ont visé des sites militaires tenus par les houthis, qui contrôlent de vastes régions du Yémen, dont la capitale Sanaa, relançant les craintes d’un débordement régional de la guerre à Gaza déclenchée par l’attaque sans précédent menée par le mouvement islamiste palestinien Hamas sur le sol israélien le 7 octobre.  

« Tous les intérêts américano-britanniques sont devenus des cibles légitimes pour les forces armées yéménites après l’agression directe et déclarée » contre le Yémen, a prévenu vendredi le Conseil politique suprême des houthis, une haute instance des rebelles dans un communiqué.

« Succès »

Les frappes américaines et britanniques, « 73 raids », ont visé des sites militaires à Sanaa et dans les gouvernorats de Hodeida (Ouest), Taëz (Sud), Hajjah (Nord-Ouest) et Saada (Nord), avait indiqué plus tôt le porte-parole militaire des houthis.

Le général Douglas Sims a parlé vendredi de 30 positions militaires ciblées, avec un total de plus de 150 frappes.

Le mouvement des houthis fait partie de « l’axe de la résistance » établi par l’Iran, qui réunit dans la région des groupes hostiles à Israël, notamment le Hezbollah libanais et des groupes armés en Irak et en Syrie.

« Cette agression […] ne restera pas sans réponse », a encore dit le porte-parole des houthis, indiquant que cinq personnes avaient été tuées et six blessées parmi les rebelles.  

PHOTO KHALED ABDULLAH, REUTERS

Le responsable des rebelles houthis Mohammed Ali al-Houthi a dénoncé les frappes aériennes lancées par les États-Unis et le Royaume-Uni lors d’un rassemblement à Sanaa, le 12 janvier.

Le président américain, Joe Biden, a parlé de son côté d’une opération menée « avec succès », évoquant une action « défensive » pour protéger notamment le commerce international.

Leur reprochant d’avoir ignoré « les avertissements répétés de la communauté internationale », le premier ministre britannique, Rishi Sunak, a qualifié les frappes de mesures « nécessaires […] en état de légitime défense ».

Dans une déclaration commune, Washington, Londres et huit de leurs alliés parmi lesquels l’Australie, le Canada et Bahreïn ont souligné que leur objectif était la « désescalade » en mer Rouge.

L’OTAN a appelé les houthis à cesser leurs attaques après ces frappes « défensives ».  

À Moscou, le Kremlin a condamné des frappes occidentales « illégitimes du point de vue du droit international », tout comme le président turc, Recep Tayyip Erdogan, parlant d’une réponse « disproportionnée ». L’opération aura « des répercussions sur la sécurité régionale », a réagi pour sa part le Hamas.  

Le Sultanat d’Oman, médiateur entre houthis et forces loyalistes dans la guerre civile au Yémen, a dénoncé le « recours de la part de pays amis à l’action militaire ».

Appels à la retenue

La Chine a quant à elle appelé les parties « à faire preuve de retenue ».  

Un appel au calme a également été lancé par l’Arabie saoudite, à la tête d’une coalition militaire anti-houthis intervenant aux côtés du gouvernement depuis 2015 dans la guerre civile au Yémen, qui connaît une accalmie depuis une trêve négociée en avril 2022 par les Nations unies.

À l’ONU, le secrétaire général Antonio Guterres a lui aussi appelé « toutes les parties concernées à éviter une escalade […] dans l’intérêt de la paix et de la stabilité en mer Rouge et dans l’ensemble de la région », selon son porte-parole Stéphane Dujarric.   

Lors d’une réunion du Conseil de sécurité, le représentant de la Russie, Vassili Nebenzia, a fustigé une « agression flagrante » et une « frappe massive » contre « la population du pays dans son ensemble ».

L’ambassadrice américaine Linda Thomas-Greenfield a elle prévenu qu’aucun navire n’était à l’abri de la menace.

« Nous ne pouvons pas tolérer que des voyous harcèlent le transport international », a déclaré au Telegraph le ministre britannique de la Défense Grant Shapps, appelant l’Iran à ce que ses « intermédiaires » dans la région, comme les houthis ou le Hezbollah, « cessent leurs activités ».

Les attaques des houthis, menées avec des missiles et des drones, ont poussé de nombreux armateurs à délaisser le couloir de la mer Rouge entre Europe et Asie, au prix d’une hausse des coûts et temps de transport, le dernier en date étant vendredi la compagnie de transport maritime danoise Torm.  

Pour y faire face, les États-Unis ont mis en place en décembre une coalition multinationale pour protéger le trafic maritime dans cette zone par où transite 12 % du commerce mondial.

Les houthis ont lancé mardi 18 drones et trois missiles qui ont été abattus par trois destroyers américains, un navire britannique et des avions de combat. Le gouvernement britannique a parlé de la « plus importante attaque » des rebelles yéménites à ce jour.

Le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, avait lancé cette semaine un avertissement aux houthis, et le Conseil de sécurité de l’ONU avait exigé l’arrêt « immédiat » de leurs attaques. Mais jeudi, les houthis ont tiré un autre missile antinavire.

Les rebelles ont mené depuis le 19 novembre 27 attaques près du détroit de Bab el-Mandeb séparant la péninsule arabique de l’Afrique, selon l’armée américaine.

L’Iran a de son côté condamné une « violation flagrante de la souveraineté » du Yémen. Des centaines de manifestants se sont rassemblés vendredi à Téhéran en soutien aux rebelles et aux Palestiniens de Gaza.

À Sanaa, des centaines de milliers de personnes ont protesté contre les frappes américaines et britanniques scandant : « Mort aux États-Unis, mort à Israël ».

PHOTO MOHAMMED HUWAIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Manifestation à Sanaa, le 12 janvier

Malgré les frappes américaines, Washington ne « cherche pas de conflit avec l’Iran », a assuré vendredi la Maison-Blanche.