« Mort aux États-Unis, mort à Israël, malédiction aux juifs et victoire à l’islam » : le slogan du groupe rebelle houthi ne laisse aucun doute sur son idéologie. Depuis des années, il annonce la menace imminente d’une attaque américaine au Yémen. « Pour les houthis, les frappes américaines, c’est une prophétie qui s’autoréalise », dit le chercheur italien Luca Nevola, de l’ONG ACLED.

Mais qui sont les houthis, qui contrôlent une bonne partie du pays ?

Le groupe, une minorité religieuse, est né dans les années 1990, en réaction à la répression gouvernementale dont il se disait victime. Son nom vient du clan d’un dirigeant du mouvement, le chef religieux et politicien Hussein al-Houthi, mort en 2004. À des éléments propres à la secte de l’islam dont il était issu, le zaydisme, il a incorporé un discours antiaméricain et antisémite. L’invasion américaine en Irak a marqué l’essor du mouvement.

Le groupe fait partie d’un « axe de résistance » régional formé de l’Iran et de ses alliés, mais il n’est pas une « marionnette » de Téhéran, précise Thomas Juneau, qui a écrit le livre Le Yémen en guerre.

« C’est un acteur qui est extrêmement nationaliste, extrêmement fier et qui ne prend d’ordres de personne, de l’Iran ou d’un autre, mais ça ne veut pas dire que les deux ne partagent pas des intérêts », souligne le professeur de l’Université d’Ottawa.

L’Iran est soupçonné d’apporter une aide matérielle et stratégique aux houthis. « En l’absence de soutien iranien, les houthis ne seraient pas capables de faire ce qu’ils font en mer Rouge », estime M. Juneau.

Guerre au Yémen

Le groupe a aussi bénéficié du conflit au Yémen, l’opposant au gouvernement soutenu par l’Arabie saoudite. Si les houthis se battaient déjà dans certaines zones du pays, la guerre a officiellement débuté en 2014, quand le groupe a pris le contrôle de la capitale, Sanaa.

Au moment de la trêve négociée en avril 2022 par les Nations unies, les houthis contrôlaient environ 30 % du pays en superficie, surtout dans le Nord et dans l’Ouest, où se concentrent les deux tiers de la population. Le président du pays s’est d’ailleurs exilé en Arabie saoudite.

Une bonne partie du stock d’armes des houthis proviendrait des réserves de l’armée et des taxes prélevées dans les territoires qu’ils contrôlent, précise M. Nevola. En mer Rouge, ils ont utilisé des missiles, mais aussi des drones facilement accessibles qui sont ensuite modifiés, ajoute-t-il.

Selon les données d’ACLED, les attaques contre les navires en mer Rouge ont fait peu de dommages matériels. « Je ne pense pas que ce soit assez précis et ils ne voulaient peut-être pas vraiment faire de victimes civiles », avance M. Nevola.

Soutien palestinien

Les houthis justifient les attaques en mer et les missiles et drones lancés vers Israël comme des actes de soutien aux Palestiniens, en réaction à l’opération israélienne à Gaza.

« La guerre à Gaza offre un prétexte aux houthis », juge M. Juneau, précisant que les ambitions du groupe rebelle sont aussi d’avoir une autorité régionale. Une façon, aussi, de rallier la population autour d’une cause particulièrement populaire, au moment où les houthis ont besoin de soutien.

Des centaines de milliers de Yéménites ont d’ailleurs répondu à leur appel à manifester, vendredi.

PHOTO MOHAMMED HUWAIS, AGENCE FRANCE-PRESSE

Des milliers de Yéménites, certains portant un drapeau palestinien, ont manifesté à Sanaa vendredi, après les frappes américaines et britanniques.

Riposte

« C’est très plausible qu’ils ripostent aux frappes américaines, contre des navires ou des intérêts américains, notamment avec l’aide d’alliés, dit M. Nevola. C’est improbable qu’ils ne tentent pas de se faire de capital avec ça. »

Ils ont d’ailleurs prévenu que « tous les intérêts américano-britanniques [étaient] devenus des cibles légitimes », après les frappes des États-Unis et du Royaume-Uni de vendredi matin, qui auraient visé une trentaine de cibles.

Les experts estiment que les frappes auront peu d’impact sur les capacités des houthis.

On ignore comment la situation pourrait évoluer, mais le sort des civils soulève des inquiétudes.

En huit ans, les hostilités ont fait quelque 400 000 morts, selon l’ONU, et ont plongé le pays dans une grave crise humanitaire.

La population yéménite risque d’être encore plus isolée en raison de la crise actuelle. « La population, c’est la victime, se désole M. Juneau. La gouvernance est extrêmement répressive, corrompue et il y a aussi énormément de détournement de l’assistance humanitaire pour les forces militaires et de sécurité des houthis. »

Avec l’Agence France-Presse et Le Monde