Israël multiplie mercredi les raids aériens dans le sud de la bande de Gaza où sont attendus des médicaments pour les otages aux mains du Hamas et une aide humanitaire pour la population palestinienne dans le cadre d’un accord négocié par la France et le Qatar.

Dans la nuit, des témoins ont fait état de frappes israéliennes près de l’hôpital Nasser de Khan Younès, principale ville du sud de Gaza où se cachent selon Israël des dirigeants locaux du mouvement islamiste palestinien Hamas.

D’après ces témoins, ces frappes ont provoqué un mouvement de panique chez les centaines de personnes déplacées par les combats qui ont trouvé refuge ces dernières semaines dans la vaste enceinte de cet hôpital. Et le ministère de la Santé du Hamas a fait état d’au moins 81 morts dans la nuit à Khan Younès et d’autres secteurs l’ensemble de Gaza.

Plongée dans une situation humanitaire jugée « catastrophique », Gaza fait face à un « risque de famine » et d’une crise sanitaire, et ce, en plein pic de froid d’hiver, selon l’ONU.  

« Ma fille ne peut pas dormir, elle me dit toujours qu’elle a froid, regardez comment ils dorment par terre, je n’ai rien pour les couvrir, je ne peux pas vous décrire à quel point il fait froid ici. On meurt de froid dehors, que diriez-vous de dormir ici ? », souffle Hanine Adouane, déplacée par les combats à Rafah, à la pointe sud près de l’Égypte.  

Le tout alors que le territoire subit « la plus longue perturbation des télécommunications enregistrée depuis le début du conflit, la plupart des habitants étant incapables de contacter le monde extérieur depuis le 12 janvier », selon NetBloks, un organisme de surveillance du Web.

Si les tentatives de parvenir à un « cessez-le-feu » ou à une seconde trêve comme celle de fin novembre ont échoué, une médiation de la France et du Qatar doit permettre l’acheminement dans les prochaines heures d’aide pour les civils palestiniens et de médicaments pour les otages.  

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Khan Younès, le 16 janvier 2024

Quelque 250 personnes avaient été prises en otages et emmenées à Gaza lors de l’attaque sans précédent de commandos du Hamas le 7 octobre dans le sud d’Israël fatale à environ 1140 personnes côté israélien, en grande majorité des civils tués le jour même, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

En représailles, Israël a promis « d’anéantir » ce mouvement islamiste au pouvoir à Gaza depuis 2007, et pilonne ce territoire dans le cadre d’opérations qui ont tué 24 285 personnes, soit 1 % de la population, et en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Médicaments et aide

Un accord de trêve fin novembre avait permis une pause d’une semaine dans les combats et la libération notamment d’une centaine d’otages réduisant, selon les autorités israéliennes, à 132 le nombre de personnes qui manquent à l’appel, dont 27 seraient toutefois mortes.

Or au moins un tiers des otages souffrent de maladies chroniques et nécessitent un traitement, selon un rapport publié le 9 janvier par un collectif des familles d’otages, « Bring them home now » (« Ramenez-les maintenant à la maison »).  

Mardi, le Qatar a annoncé un accord entre Israël et le Hamas, à la suite d’une médiation conjointe avec la France, « portant sur l’entrée de médicaments […] pour les otages en échange d’une cargaison d’aide humanitaire pour les civils dans la bande de Gaza ».

« Les médicaments et l’aide seront envoyés demain (mercredi) à la ville d’Al-Arich » en Égypte « à bord de deux avions des forces armées qataries, en vue de leur transfert vers la bande de Gaza », a dit le chef de la diplomatie qatarie.

PHOTO IBRAHEEM ABU MUSTAFA, REUTERS

Rafah, le 16 janvier 2024

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a lui exprimé sa « gratitude » à l’égard de ceux ont contribué à cet accord et insisté pour que les médicaments arrivent bien à leurs destinations finales, ont indiqué ses services à Jérusalem.

À Tel-Aviv, des manifestants israéliens antiguerre ont affronté mardi soir la police lors d’un rassemblement contre le gouvernement Nétanyahou et sa guerre à Gaza.

« C’est un cercle vicieux de violence sans fin qui ne mène à rien. Seule une solution politique apportera la paix, l’égalité et la justice dans la région », a déclaré sur place à l’AFP Michal Sapri, une manifestante.

« Si l’occupation se poursuit […], les enfants qui grandissent aujourd’hui à Gaza sont ceux qui nous affronteront dans quelques années », a renchéri Chava Lerman, une autre manifestante.

« Intensité » variable

Plus tôt cette semaine, le ministre israélien de la Défense Yoav Gallant avait annoncé que la phase « intensive » des opérations armées dans le sud de Gaza, après celles presque complétées dans le nord, « se terminera bientôt ».

Cette guerre exacerbe aussi les tensions régionales entre Israël et ses alliés, les États-Unis au premier chef, et l’« axe de la résistance » établi par l’Iran, qui réunit notamment le mouvement islamiste libanais Hezbollah et les rebelles yéménites houthis.

À la frontière israélo-libanaise, où les échanges de tirs entre le Hezbollah et les forces israéliennes sont quotidiens, l’armée israélienne a annoncé mardi de nouvelles frappes contre des positions du mouvement dans le sud du Liban.

L’armée américaine a mené mardi de nouvelles frappes au Yémen, cette fois sur un site depuis lequel les rebelles houthis qui menacent le trafic maritime international en mer Rouge en « solidarité » avec les Palestiniens de Gaza, s’apprêtaient à lancer quatre missiles.

La France a « décidé de ne pas se joindre » aux frappes de la coalition américano-britannique au Yémen pour « éviter toute escalade », a déclaré mardi le président Emmanuel Macron, évoquant « le risque dans la durée » pour Israël de poursuivre des opérations pas suffisamment ciblées à Gaza.

L’Union européenne (UE) a ajouté mardi à sa liste « terroriste », Yahya Sinouar, chef du Hamas dans la bande de Gaza, qui est considéré comme l’architecte des attaques du 7 octobre.

Et, selon des médias américains, les États-Unis désigneront à nouveau mercredi sur leur liste des entités « terroristes » les rebelles houthis qui y rejoindront le Hamas aussi qualifié comme tel par l’UE et Israël.