(Sanaa) Les rebelles yéménites houthis ont revendiqué tôt vendredi des frappes contre un navire marchand américain circulant dans le Golfe d’Aden, nouvelle attaque en date de ce groupe pro-Iran qui n’a toutefois pas fait de dommage selon Washington.

« Les forces navales des forces armées yéménites (nom que se donne la branche armée des houthis, NDLR) ont mené une opération ciblée contre un navire américain, le Chem Ranger, dans le Golfe d’Aden avec plusieurs missiles antinavires dont certains ont touché leur cible », ont-ils affirmé dans un communiqué.

Le commandement militaire américain au Moyen-Orient (Centcom) a confirmé que les houthis avaient bien visé, mais avec « deux missiles », le navire marchand Chem Ranger sans toutefois l’atteindre comme le prétendent les rebelles.

PHOTO TIRÉE DU SITE VESSEL FINDER

Le Chem Ranger

L’équipage « a vu les missiles toucher l’eau près du navire » et « il n’a pas été fait état de blessés ou de dommages », a ajouté le Centcom.

Selon le site spécialisé Marine Traffic, le Chem Ranger est un pétrolier américain battant pavillon des îles Marshall qui se trouvait ces derniers jours au large des côtes du Yémen.

L’agence de sécurité maritime britannique (UKMTO) a, elle, fait état d’un incident à 115 milles nautiques au sud-est de la ville d’Aden avec une explosion à 30 mètres du navire et précisé qu’un drone avait volé à proximité.  

« Une riposte aux attaques américaines et britanniques est inévitable, toute nouvelle agression sera punie », ont fait valoir les houthis, disant cibler uniquement les navires se rendant en Israël « tant qu’il n’y aura pas de cessez-le-feu et que le siège ne sera pas levé sur Gaza ».

La Chine a appelé vendredi à la fin du « harcèlement » des navires civils sur cette « importante voie de commerce international pour les marchandises et l’énergie », a déclaré Mao Ning, une porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères.

« Nous appelons à la fin du harcèlement des navires civils ainsi qu’au maintien de chaînes d’approvisionnement mondiales fluides et de l’ordre commercial international », a-t-elle indiqué lors d’un point presse régulier.

Dans un entretien au quotidien russe Izvestia, publié vendredi, un membre de la direction politique des houthis, Mohammed al-Bukhait, a fustigé « la folie et l’idiotie des États-Unis et du Royaume-Uni » qui « ont joué contre eux ».  

« Désormais aucun de leur navire ne pourra franchir une des principales voies commerciales au monde », affirme le responsable rebelle, assurant que les « autres pays, incluant la Chine et la Russie » ne sont eux pas menacés : « nous sommes même prêts à assurer le passage sécurisé de leurs navires en mer Rouge ».

Frappes américaines

Les États-Unis ont frappé jeudi pour la cinquième fois des sites des rebelles au Yémen. Plus précisément, Washington a dit avoir frappé des missiles houthis. « Nous pensons qu’ils étaient prêts à être lancés de manière imminente en mer Rouge », a expliqué le porte-parole du Conseil de sécurité nationale John Kirby.

La porte-parole adjointe du ministère de la Défense, Sabrina Singh, a dit que ces bombardements, entamés en fin de semaine dernière et parfois menés avec le Royaume-Uni, ont pu « détruire une part importante des capacités » des houthis.

À Moscou, le ministre russe des Affaires étrangères a appelé les États-Unis à cesser leur « agression » contre le Yémen. « Plus les Américains et les Anglais bombardent, moins les houthis voudront parlementer », a dit Sergueï Lavrov.

PHOTO MAXIM SHEMETOV, REUTERS

Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov

Les bombardements américains de jeudi étaient les seconds en moins de 24 heures sur des missiles des houthis, groupe remis mercredi par Washington sur une de ses listes d’« organisations terroristes ».

Le président américain Joe Biden a déclaré d’ailleurs cette semaine que ces frappes continueraient tant que les houthis perturberont le commerce maritime international au large du Yémen.

Le Danemark entre en scène

Depuis le début de la guerre entre Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas dans la bande de Gaza, les houthis ont attaqué des dizaines de navires présumés « liés à Israël », en mer Rouge et dans le golfe d’Aden.

Ces attaques, qu’ils disent mener en « solidarité » avec les Palestiniens à Gaza, ont contraint de très nombreux armateurs à suspendre le passage de leur flotte en mer Rouge pour la rediriger autour de l’Afrique via le cap de Bonne-Espérance, ce qui augmente le temps et le coût du transport maritime.

Face à ces attaques, les États-Unis ont mis sur pied une coalition pour patrouiller au large du Yémen et protéger le trafic maritime.  

Tous les pays de cette coalition ne participent pas aux frappes mais le Danemark, berceau du N.2 du transport maritime mondial Maersk, a annoncé jeudi qu’il allait s’y joindre. La France a, elle, décidé de ne pas y participer « pour éviter toute escalade » dans la région, selon son président Emmanuel Macron.

Un responsable yéménite plaide pour des opérations terrestres

PHOTO FABRICE COFFRINI, AGENCE FRANCE-PRESSE

Le vice-président du Conseil présidentiel, Aidarous al-Zoubaïdi

Le chef adjoint du Conseil présidentiel au Yémen yéménite a pour sa part réclamé jeudi une aide internationale pour mener des opérations terrestres contre les rebelles houthis, en soutien aux frappes aériennes menées contre eux par les États-Unis.

Le gouvernement yéménite a perdu à partir de 2014 le contrôle de vastes territoires dont la capitale Sanaa au profit des rebelles et reçoit depuis 2015 le soutien d’une coalition menée par l’Arabie saoudite pour combattre les insurgés.

Mais pour Aidarous al-Zoubaïdi, vice-président du Conseil présidentiel, les opérations de cette coalition, qui mène aussi des frappes aériennes, ont été « insuffisantes » pour défaire les houthis.

Les forces terrestres, qui « appartiennent au gouvernement légitime » yéménite, doivent « être aidées », a-t-il dit à l’AFP lors du Forum économique mondial de Davos, en Suisse, arguant que « des frappes (aériennes) sans opérations terrestres sont inutiles ».

Dans une réponse écrite à une question, M. Zoubaïdi a souligné la nécessité d’une aide militaire étrangère qui se concentre sur l’échange de renseignements, l’entraînement et l’équipement des forces gouvernementales.

« Une telle approche permettrait aux forces locales […] de se joindre aux efforts des Occidentaux qui mènent des frappes aériennes » contre les houthis, a-t-il ajouté.

« C’est une discussion que nous voulons avoir avec les États-Unis et le Royaume-Uni » qui a participé à des frappes contre les rebelles yéménites, a-t-il dit.

Le Conseil présidentiel a été mis en place en 2022 après que le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié en Arabie saoudite, a remis ses pleins pouvoirs à cette instance, basée à Aden, la grande ville du Sud.

Ahmed al-Saleh, le conseiller spécial du conseil présidentiel, a également estimé que les frappes aériennes « n’étaient pas décisives dans la bataille contre les houthis ».

Il a souligné l’importance pour les États-Unis de « soutenir le gouvernement légitime yéménite et ses forces terrestres et de garantir une coordination totale » dans la lutte contre les rebelles.

Les houthis et le gouvernement yéménite s’étaient engagés fin décembre à respecter un nouveau cessez-le-feu et accepté l’ouverture d’un processus de paix pour mettre fin au conflit.

Agence France-Presse