L’ONU a dénoncé mercredi une « violation flagrante » des lois de la guerre après une frappe meurtrière sur un refuge abritant des déplacés à Khan Younès, dans la bande de Gaza, épicentre des combats entre Israël et le Hamas où des dizaines de Palestiniens ont péri.

Au 110e jour de guerre, la situation humanitaire continue de s’aggraver dans le territoire palestinien assiégé alors que des discussions ont lieu au Caire sur une possible nouvelle trêve.

Selon le ministère de la Santé du Hamas, les hôpitaux ont reçu au moins 125 corps de personnes tuées dans les bombardements israéliens aux premières heures de mercredi à Khan Younès et ailleurs dans la bande de Gaza.  

Dans la soirée, des tirs de chars contre un bâtiment de l’agence onusienne pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) à Khan Younès ont fait « neuf morts et 75 blessés », a indiqué Thomas White, responsable de l’organisation à Gaza.

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Des Palestiniens tentent d’éteindre un incendie dans un bâtiment d’un centre de formation professionnelle de l’UNRWA à Khan Younès.

Philippe Lazzarini, chef de l’UNRWA, a affirmé que le centre d’accueil était « clairement » identifié et que ses coordonnées avaient été « partagées avec les autorités israéliennes ».

Il a fustigé « encore une fois une violation flagrante des règles fondamentales de la guerre », estimant que le bilan des victimes serait « probablement plus élevé », a-t-il ajouté. La structure accueille selon lui près de 30 000 déplacés.

L’armée israélienne a indiqué à l’AFP qu’un « examen » des opérations était en cours, mais qu’elle avait « exclu […] une frappe aérienne ou d’artillerie », évoquant aussi « la possibilité » d’un tir du Hamas.

Hôpitaux encerclés

Les États-Unis ont « déploré » ces tirs et appelé à ce que les sites de l’ONU soient « protégés » dans le territoire palestinien où le Hamas a pris le pouvoir en 2007.

L’armée israélienne a indiqué avoir « encerclé » Khan Younès, où selon elle des responsables du Hamas, organisation classée « terroriste » par Israël, les États-Unis et l’Union européenne, s’y cachent.

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Khan Younès, le 24 janvier 2024

Des hôpitaux de cette grande ville du sud de la bande de Gaza, sont en outre encerclés, selon le Croissant-Rouge palestinien.  

La guerre a été déclenchée par l’attaque sans précédent du Hamas le 7 octobre sur le sol israélien, qui a entraîné la mort de plus de 1140 personnes, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP à partir de données officielles.

Quelque 250 personnes ont été enlevées et emmenées à Gaza, dont une centaine libérées fin novembre lors d’une trêve en échange de prisonniers palestiniens. Selon le même décompte, 132 otages sont toujours dans le territoire, dont 28 seraient morts.

Israël a juré « d’anéantir » le Hamas et a lancé une vaste opération militaire qui a tué 25 700 Palestiniens, en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

« Couloir » d’évacuation

L’armée a d’abord massivement bombardé par air, terre et mer le nord du territoire, laissant des secteurs entiers en ruines, et provoqué le déplacement de 1,7 million des quelque 2,4 millions d’habitants vers le sud du petit territoire de 362 km2.  

Israël a appelé la population civile à évacuer Khan Younès vers Rafah, plus au sud, mais les combats rendent extrêmement dangereux le moindre déplacement.

Parmi les secteurs à évacuer figurent trois hôpitaux, dont ceux d’Al-Amal et de Nasser.  

À l’hôpital Nasser, où se trouveraient environ 18 000 déplacés d’après l’ONU, des dizaines de chars bloquent « tous les côtés » sauf un « couloir » d’évacuation, selon le bureau des médias du Hamas. Le Croissant-Rouge palestinien a fait état de bombardements à proximité d’Al-Amal.

Mais la ville de Rafah à la frontière avec l’Égypte, où les déplacés s’entassent par milliers, n’est pas épargnée par les bombardements israéliens.

Tirs contre des navires

Shafiq al-Taluli, un poète de 54 ans a dit lui être coincé par les chars israéliens dans un établissement scolaire de l’Unrwa à Al-Mawasi, entre Khan Younès et Rafah. « L’armée nous a ordonné de ne pas sortir […] ceux qui n’ont pas obéi ont été tués. »

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Rafah, le 24 janvier 2024

Sur le front diplomatique, une délégation du Hamas est arrivée mardi au Caire pour discuter d’une « nouvelle proposition de cessez-le-feu », selon une source proche des pourparlers.

L’émissaire américain Brett McGurk se trouvait aussi mardi au Caire pour discuter d’une trêve et de la libération des otages, selon Washington. La Maison-Blanche a fait état de « conversations très sérieuses ».

Le Qatar s’est dit « consterné » mercredi soir par des déclarations du premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou qui a jugé « problématique » selon une chaîne israélienne le rôle de médiateur de cet émirat dans le conflit actuel à Gaza.

Lors d’une rencontre plus tôt cette semaine avec des familles d’otages israéliens à Gaza, M. Nétanyahou a remis en cause le Qatar qui avait, avec les États-Unis et l’Égypte, favorisé une trêve d’une semaine, fin novembre, ayant permis notamment la libération d’une centaine d’otages aux mains du Hamas.

« Vous ne m’entendez pas remercier le Qatar […] qui n’est essentiellement pas différent des Nations unies ou de la Croix-Rouge et est encore même plus problématique. Je n’ai aucune illusion à leur égard », a déclaré aux familles M. Nétanyahou selon un enregistrement audio obtenu par la chaîne israélienne 12.

« Ils [le Qatar] ont des moyens de faire pression [sur le Hamas]. Et pourquoi ? Parce qu’ils les financent », a ajouté M. Nétanyahou qui s’est dit « très en colère » contre la décision de Washington de renouveler pour dix ans un accord sur le maintien d’une présence militaire américaine dans ce pays.

« Nous sommes consternés par les remarques attribuées au premier ministre israélien dans divers médias sur le rôle de médiation du Qatar. Si ces remarques sont bien vraies, elles sont irresponsables et nuisibles pour les efforts visant à sauver des vies innocentes », a déclaré sur X Majed Al-Ansari, porte-parole de la diplomatie qatarie.

À Tel-Aviv, des centaines de manifestants ont de nouveau réclamé un accord pour la libération des otages, bloquant brièvement une autoroute.  

Le conflit exacerbe par ailleurs les tensions régionales entre d’un côté Israël et son allié américain, et de l’autre l’Iran et ses soutiens comme le Hezbollah libanais, les rebelles yéménites houthis et des milices irakiennes.

Les houthis ont tiré mercredi des missiles contre des navires américains au large du Yémen, après de nouvelles frappes américaines contre leurs positions au Yémen.

L’Irak a lui dénoncé une « escalade irresponsable » après de nouvelles frappes américaines de représailles en Irak contre des groupes armés pro-Iran, qui ont fait un mort.