Le Hamas a accusé jeudi Israël de tirs meurtriers contre des civils qui attendaient de l’aide humanitaire dans la ville de Gaza, pendant que des combats acharnés opposaient l’armée au mouvement islamiste à Khan Younès, épicentre de la guerre dans le sud du territoire palestinien assiégé.

Le ministère de la Santé du Hamas a dénoncé un « nouveau massacre » et affirmé qu’Israël avait tué 20 personnes qui faisaient la queue pour recevoir de l’aide à la sortie de la ville, et en avait blessé 150 autres.

Le Djihad islamique, un autre mouvement palestinien, a évoqué des tirs d’« obus d’artillerie et des roquettes ».

L’armée israélienne n’a pas confirmé ces informations. Plusieurs témoins interrogés par l’AFP ont assuré avoir été visés par l’armée.

Des ambulances, sirènes hurlantes, ont afflué vers l’hôpital al-Shifa, où des blessés étaient pris en charge à même le sol, selon des images tournées par l’AFP.

PHOTO AGENCE FRANCE-PRESSE

Des blessés sont allongés le long d’un couloir de l’hôpital al-Shifa de la ville de Gaza, après une frappe israélienne qui, selon le ministère de la Santé de Gaza, a tué au moins 20 personnes et en a blessé plus de 150 qui attendaient une aide humanitaire.

« Les gens allaient chercher de la nourriture et de la farine puisqu’ils n’avaient rien à manger. Et tout à coup, des chars sont arrivés et ont commencé à tirer sur les gens, qui ont été coupés en morceaux », a témoigné Abou Ata Basal, l’oncle d’un blessé.

« Violation flagrante »

Mercredi, des tirs de chars contre un refuge de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa) avaient fait 13 morts à Khan Younès, selon l’Unrwa.

Les Nations unies ont indiqué jeudi à l’AFP que l’armée israélienne avait ordonné l’évacuation de ce refuge, qui abrite des dizaines de milliers de déplacés, avant vendredi 17 h (10 h heure de l’Est).

L’armée a assuré qu’« aucune demande d’évacuation spécifique » n’avait été communiquée « à l’Unwra ou à ceux qui restent à proximité » du refuge.

Le commissaire général de l’Unrwa, Philippe Lazzarini, avait fustigé « une violation flagrante » des règles de la guerre, affirmant que les coordonnées de ce centre avaient été « partagées avec les autorités israéliennes ».  

L’armée a indiqué à l’AFP qu’elle avait « exclu […] une frappe aérienne ou d’artillerie », évoquant aussi « la possibilité » d’un tir du Hamas.

Selon un journaliste de l’AFP, les bombardements étaient incessants jeudi sur Khan Younès, la ville natale de Yahya Sinouar, le chef du Hamas dans la bande de Gaza, considéré comme l’architecte de l’attaque sanglante menée le 7 octobre par le mouvement islamiste contre Israël.

Cette attaque a entraîné la mort de plus de 1140 personnes en Israël, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

Quelque 250 personnes ont été enlevées lors de l’attaque et emmenées à Gaza, dont une centaine ont été libérées fin novembre durant une trêve en échange de prisonniers palestiniens détenus par Israël.  

En riposte, Israël a juré « d’anéantir » le Hamas, au pouvoir à Gaza depuis 2007, et a lancé une vaste opération militaire qui a fait 25 900 morts, en grande majorité des femmes, des enfants et des adolescents, selon un bilan publié jeudi par le ministère de la Santé du mouvement islamiste.

Le ministère a fait état de 200 morts en 24 heures dans le territoire.

Sur la route qui longe la mer, des habitants fuyant Khan Younès tentaient jeudi de gagner Rafah, plus au sud, à la frontière égyptienne, leurs bagages empilés sur le toit des voitures, à bord d’un tracteur ou dans une carriole tirée par un âne.

PHOTO IBRAHEEM ABU MUSTAFA, REUTERS

Des Palestiniens fuyant Khan Younès

« Je ne sais pas où je vais », a témoigné Mousa Abu Youssef, qui a décidé de fuir quand des chars ont ouvert le feu près de lui. « Je n’ai rien pris, pas de couvertures, pas de tente, rien du tout ».

« Épuisés »

Dans le petit territoire, soumis par Israël à un siège total depuis le 9 octobre, environ 1,7 million d’habitants ont fui leur foyer et s’entassent pour la plupart dans le sud, dans des conditions humanitaires désespérées.

« Nous sommes épuisés. Arrêtez ! Les deux parties doivent s’arrêter », implorait Latifa Abou Rezk en pleurant sur la dépouille d’un proche dans un hôpital à Rafah.

Le Qatar, l’Égypte et les États-Unis tentent une médiation pour parvenir à une nouvelle trêve, incluant la libération d’otages et de prisonniers.

Selon le quotidien Washington Post et le site d’information Axios, le chef de la CIA William Burns va se rendre en Europe et y rencontrer ses homologues israélien, égyptien et le premier ministre qatari dans l’espoir de négocier une trêve.  

Mais dans un enregistrement obtenu par la chaîne israélienne 12, Benyamin Nétanyahou a jugé « problématique » le rôle de médiateur du Qatar. Ce pays accueille la direction politique du Hamas, organisation classée comme terroriste par Israël, les États-Unis et l’Union européenne notamment.  

Le Qatar s’est dit « consterné » par les déclarations attribuées à M. Nétanyahou, les accusant d’« entraver et saper le processus de médiation ».

Vendredi, la Cour internationale de justice (CIJ) doit rendre sa décision sur des mesures urgentes réclamées par l’Afrique du Sud, qui accuse Israël de « génocide » des Palestiniens à Gaza. La plus haute juridiction de l’ONU pourrait potentiellement ordonner à Israël d’arrêter sa campagne militaire, mais ne dispose d’aucun moyen de faire appliquer ses décisions.

PHOTO SAMAR ABU ELOUF, ARCHIVES THE NEW YORK TIMES

Deir al-Balah, le 23 octobre 2023. Une photo déposée en preuve à la CIJ par l’Afrique du Sud.

Le Hamas s’est engagé à respecter un cessez-le-feu s’il était réclamé par la CIJ, à condition qu’Israël s’y conforme aussi.