(La Haye) La plus haute juridiction de l’ONU a appelé vendredi Israël à empêcher tout acte éventuel de « génocide » à Gaza, une accusation « scandaleuse » pour Israël, en guerre avec le Hamas dans ce territoire palestinien où l’inquiétude grandit sur le sort des civils.

La Cour internationale de justice (CIJ), qui siège à La Haye, n’a cependant pas appelé à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, où l’armée israélienne mène une offensive militaire en riposte à l’attaque sans précédent menée contre Israël le 7 octobre par le mouvement islamiste palestinien.

Israël, qui contrôle l’entrée de l’aide internationale dans le territoire assiégé, doit prendre « des mesures immédiates » pour permettre la fourniture de l’aide « dont les Palestiniens ont un besoin urgent », a déclaré la CIJ, qui n’a aucun levier pour imposer ses décisions.

La Hamas, qui gouverne Gaza depuis 2007, a salué « un développement important » qui « isole Israël ».

Le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a jugé « scandaleuses » les accusations.

La guerre a plongé le petit territoire dans un désastre humanitaire, poussant 1,7 million de Palestiniens à fuir.

Des combats acharnés se déroulent dans le Sud, où des milliers de civils ont fui ces derniers jours Khan Younès.

Non loin, à Rafah, des dizaines de milliers de déplacés s’entassent dans un périmètre très réduit contre la frontière fermée avec l’Égypte, selon un journaliste de l’AFP.  

L’Afrique du Sud avait saisi la CIJ, arguant qu’Israël violait la Convention des Nations unies sur le génocide, établie au lendemain de la Seconde Guerre mondiale et de l’Holocauste.

Sans se prononcer sur la question de savoir si Israël commet un génocide, la Cour appelle Israël à tout faire pour « empêcher la commission de tous actes entrant dans le champ d’application » de la Convention.

PHOTO REMKO DE WAAL, ARCHIVES AGENCE FRANCE-PRESSE

L’Afrique du Sud a saisi la CIJ, arguant qu’Israël violait la Convention des Nations unies sur le génocide, signée en 1948 à la suite de la Shoah.

« Sans fondement »

L’UE a demandé l’application « immédiate » de cette décision, qualifiée de « sans fondement » par Washington, principal allié d’Israël, tandis que la France a souligné que le crime de génocide nécessitait « l’établissement d’une intention ».

La décision a été saluée par la Turquie, l’Iran, l’Espagne et le Qatar, médiateur qui accueille la direction du Hamas. L’Arabie saoudite a elle demandé à ce qu’Israël « rende des comptes » pour ses « violations » du droit international.

Suite à des accusations d’Israël portant sur l’implication d’employés de l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) dans l’attaque du 7 octobre, celle-ci a indiqué avoir limogé « plusieurs membres du personnel » et ouvert une enquête. Washington a annoncé avoir « suspendu » son financement de l’UNRWA.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a elle rejeté les accusations de « collusion » avec le Hamas proférées par Israël, tout en assurant être « impartiale ».

L’attaque du Hamas a entraîné la mort de plus de 1140 personnes en Israël, majoritairement des civils, selon un décompte de l’AFP réalisé à partir de chiffres officiels israéliens.

Quelque 250 personnes ont été enlevées pendant cette attaque et emmenées à Gaza, dont une centaine libérées fin novembre durant une trêve en échange de prisonniers palestiniens.

En riposte, Israël a juré « d’anéantir » le Hamas, classé organisation terroriste par les États-Unis, l’Union européenne et Israël, et lancé une vaste opération militaire ayant fait 26 083 morts, en grande majorité des femmes, enfants et adolescents, selon le ministère de la Santé du mouvement.

Réunion à Paris

Selon le Hamas, 183 personnes ont été tuées ces dernières 24 heures à Gaza, tandis que des combats intenses font rage à proximité des hôpitaux Nasser et Al-Amal à Khan Younès.  

PHOTO IBRAHEEM ABU MUSTAFA, REUTERS

À Rafah, quelques kilomètres plus au sud de Khan Younès, des dizaines de milliers de déplacés s’entassent dans des conditions désespérées.

L’armée affirme avoir encerclé Khan Younès, ville natale de Yahya Sinouar, le chef du Hamas à Gaza, considéré comme l’architecte de l’attaque du 7 octobre.

Mercredi, des tirs de chars contre un refuge de l’UNRWA ont fait 13 morts, selon cette agence.  

Washington et Paris ont condamné ces tirs

« Nous avons essayé de sortir, mais quand j’ai regardé dehors, j’ai vu les chars d’assaut tirer. Comment sortir ? », a témoigné à l’AFP sur son lit d’hôpital Ahmad Katra, un Palestinien blessé par ces tirs.

Selon les Nations unies, l’armée israélienne a ordonné l’évacuation de l’abri avant vendredi 17 h (10 h heure de l’Est), ce qu’a démenti l’armée.

Vendredi, la Maison-Blanche a annoncé que le président Joe Biden a discuté avec l’émir du Qatar des « derniers évènements en Israël et à Gaza, y compris des efforts de libération des otages enlevés par le Hamas ».  

Paris accueillera, elle, une réunion dans les prochains jours sur ces sujets entre CIA, Égypte, Israël et Qatar, a indiqué une source sécuritaire française à l’AFP.

Sur le plan régional, les rebelles yéménites houthis, soutenus par l’Iran et qui affirment agir en soutien des Palestiniens, ont déclaré avoir tiré des « missiles » contre un « pétrolier britannique », après que les États-Unis ont détruit un missile tiré « depuis les zones du Yémen contrôlées par les houthis ».